La planification territoriale et les réseaux. Un entretien avec Albert Serratosa - article ; n°4 ; vol.7, pg 42-53
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Description

Flux - Année 1991 - Volume 7 - Numéro 4 - Pages 42-53
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Francesc Magrinyà
Albert Serratosa
La planification territoriale et les réseaux. Un entretien avec
Albert Serratosa
In: Flux n°4, 1991. pp. 42-53.
Citer ce document / Cite this document :
Magrinyà Francesc, Serratosa Albert. La planification territoriale et les réseaux. Un entretien avec Albert Serratosa. In: Flux n°4,
1991. pp. 42-53.
doi : 10.3406/flux.1991.1153
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/flux_1154-2721_1991_num_7_4_1153FLUX 4 Avril-Juin 1991
LA PLANIFICATION TERRITORIALE
ET LES RÉSEAUX
Un entretien avec ALBERT SERRATOSA
par Francesc Magrinyà
Albert Serratosa, Docteur ingénieur des Ponts et Chaussées, est professeur d'Urbanisme
à l'Escola d'Enginyers de Camins Canals i Ports de Barcelona, et Directeur du Pla
Territorial Metropolita de Barcelona. Il est né en 1927. En 1957, il entre aux services
techniques de la Ville de Barcelone où il appartient au Service de l'entretien et de la
planification de la voirie. A partir de la révision du schéma de la voirie primaire de
Barcelone, il étudie la théorie de Cerda et développe son plan en prolongement de sa
zone initiale d'application. Il devient Directeur du Plan Général Métropolitain de
Barcelone de 1974. Ensuite, il dirige le projet et les travaux du tunnel du Cadi dans les
Pyrénées (5926 m de longueur), qu'il réussira à mettre en service en 1984. En 1982, il
est rapporteur du Conseil de l'Europe à la Conférence des Régions Pyrénéennes. Il est
aujourd'hui Directeur du "Pla Territorial Metropolita de Barcelona".
FLUX : Comment votre intérêt pour les réseaux a-t-il commencé ?
ALBERT SERRATOSA : J'avais d'abord une certaine vocation pour l'urbanisme. J'ai
commencé à travailler dans les Services techniques de la voirie de la ville de Barcelone,
surtout sur l'entretien de la voirie. Par hasard, j'ai eu l'occasion de participer à un
groupe de travail sur l'avant-projet du tunnel du Tibidabo, qui devait constituer un
nouvel axe d'entrée-sortie pour la ville de Barcelone. C'est avec cette mission que j'ai
débuté dans le monde des tunnels. A partir de ce moment là, j'ai commencé à travailler
sur la planification des Cette mission m'a, de plus, obligé à étudier le
raccordement des réseaux de voirie de Barcelone avec le réseau métropolitain. Ceci m'a
conduit à l'étude et à la planification des réseaux.
FLUX : Vous avez eu, par votre itinéraire professionnel, l'occasion de faire le lien entre
la planification et l'exécution; pouvez-vous nous raconter cette expérience ?
42 - Entretien Serratosa
AS : Je distinguerai deux catégories : l'utopiste pur, qui n'a vraiment jamais essayé d'aller
jusqu'au bout de ses idées. Ce cas est rare. Même Tommaso Campanella1, qui pourrait
en sembler un bon exemple, est resté vingt-sept ans en prison. D'un autre côté, on trouve
l'utopiste qui risque sa situation pour arriver à concrétiser son utopie. Pour moi, le
meilleur exemple est Thomas More, qui meurt pour sa cause. Même Cerda a tenté de
mettre en oeuvre sa théorie par tous les moyens. Il a dû faire face au Conseil Municipal,
aux sociétés immobilières, aux architectes, qui se sont opposés à son projet. Je me situe
dans ce deuxième groupe d'utopistes qui n'acceptent pas que leur utopie reste lettre
morte. D'autre part, je suis plus une personne d'action que de laboratoire.
FLUX : Vous avez étudié Cerda. Quelles sont les caractéristiques les plus intéressantes
qu'il apporte, selon vous, avec son Plan d'Urbanisation de Barcelone ?
AS : De prime abord, dans l'Eixample, on aurait pu choisir simplement une orthogonalité
formelle, mais Cerda a projeté en plus une orthogonalité géométrique et mathématique.
Il a eu la chance de trouver une étendue, la plaine de Barcelone, avec peu de pentes
transversales. Il a projeté un réseau absolument orthogonal, où la rue la plus étroite est
de 20 m de largeur. Si on considère que dans la ville ancienne, il y avait 70 rues de
moins de 3 m de large, le changement est substantiel. En plus, il a ajouté les voies qu'il
appelle "transcendentales". Ce sont les voies qui communiquent avec l'extérieur (Gran Via,
Meridiana et Diagonal), et qui sont les plus larges. Enfin, il a ajouté les voies qui
permettent de prendre en compte les lignes ferroviaires.
Je crois qu'il a réussi à trouver le meilleur réseau. Tous les citoyens de Barcelone
profitaient des mêmes avantages : trottoir de 5 m, chaussées de 10 m et "chanfreins". Il
y a une clarté conceptuelle très forte, chacun peut se repérer très facilement dans la ville
tramée ainsi réalisée.
Par contre, il échoue pour ce qui concerne l'effet de densification qui s'opère avec la
fermeture des îlots, due à la pression foncière. D'autre part, il faut remarquer que la
distribution spatiale a été le seul élément respecté, du fait du quadrillage géométrique
parfait. Aucune variation du parcellaire n'était possible, parce qu'elle aurait été trop
facilement repérable par rapport à l'ensemble de la trame.
Une autre caractéristique est que pendant plus d'un siècle le réseau de Cerda a assuré
la mobilité. Malgré toutes les évolutions d'utilisation du sol et toutes les transformations
du territoire, le réseau demeure neutre et invariable dans le temps. C'est une de ses
propriétés les plus importantes, une de ses vertus principales.
Philosophe italien, Campanella a écrit en 1623, durant son long séjour en prison, La cité du soleil, hymne
au communisme intégral, à l'instar de YUtopie de More un siècle plus tôt. FLUX 4 Avril-Juin 1991
FLUX : Mais l'idée d'un quadrillage n'est pas nouvelle...
AS : Le réseau de Cerda n'est pas seulement l'application répétitive d'une maille (la
"reticula"), comme c'est le cas de plusieurs villes du monde, des villes égyptiennes, du
castrum romain, des bastides françaises, des villes latino-américaines, ou de New York.
Tous ces maillages ont été conçus de façon à faciliter la défense et le contrôle, ou à
favoriser le développement foncier. Ce sont là, en général, les seuls intérêts du maillage.
Personne n'avait essayé, avant Cerda, de justifier la taille de la maille. Lui, en revanche,
définit la distance de 400 m comme adaptée à la définition d'un quartier. Il est le premier
à projeter une maille dans une perspective fonctionnelle et sociologique, fondée sur la
mobilité mais aussi sur le logement idéal. Cerda croit que la ville doit être égalitaire,
donner une bonne accessibilité à tous et permettre une distribution optimale de chaque
logement. Le réseau orthogonal est le plus adapté à cette idée de la ville.
D'autre part, Cerda étudie la maille rationnellement, comme le montre l'origine des
chanfreins qui apparaissent du fait de la prise en compte de la distance de visibilité. Pour
lui, les trottoirs n'appartiennent pas aux voies, mais sont la prolongation de la façade. Les
trottoirs font partie de l'îlot calme, privé; à côté d'une ville du trafic, en mouvement.
Seule la chaussée de 10 mètres fait partie de la voie proprement dite. Cette idée a
disparu aujourd'hui, mais en fait Cerda considérait que seule la chaussée faisait partie de
la voie. La forme des îlots est fonction de la profondeur du bâti, elle prend en compte
aussi bien les façades avant que les arrières des bâtiments de façon à améliorer la
ventilation. Un autre fait très important est qu'il n'y a aucun espace qui soit résiduel,
grâce à la forme parfaitement quadrillée de la maille qui distingue clairement ce qui est
public de ce qui est privé.
FLUX : Pourquoi a-t-on oublié Cerda pendant aussi longtemps ?
AS : Dès le début, les spéculateurs de l'époque l'ont accusé d'être communiste. Dans
son plan, l'espace collectif va jusqu'à représenter 70% de l'espace total (30% dans la
vieille ville). On ne lui a pas pardonné ce changement. Il faut, pour comprendre cette
opposition, tenir compte du fait que la mesure utilisée par la bourgeoisie de l'époque
était le pam quadrat2, une unité de surface très petite qui explique la grande valeur
économique qu'on donnait à l'espace. De plus, il proposait d'

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