La Tunisie après Bourguiba ? Libéralisation ou décadence politique ?  - article ; n°4 ; vol.17, pg 645-667
24 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

La Tunisie après Bourguiba ? Libéralisation ou décadence politique ? - article ; n°4 ; vol.17, pg 645-667

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
24 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Revue française de science politique - Année 1967 - Volume 17 - Numéro 4 - Pages 645-667
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 34
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Clément Henry Moore
La Tunisie après Bourguiba ? Libéralisation ou décadence
politique ?
In: Revue française de science politique, 17e année, n°4, 1967. pp. 645-667.
Citer ce document / Cite this document :
Moore Clément Henry. La Tunisie après Bourguiba ? Libéralisation ou décadence politique ? . In: Revue française de science
politique, 17e année, n°4, 1967. pp. 645-667.
doi : 10.3406/rfsp.1967.393029
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1967_num_17_4_393029La Tunisie après Bourguiba ?
Libéralisation ou décadence politique ?
CLEMENT HENRY MOORE
L'étude de Clement H. Moore, professeur à l'université de Cali
fornie (Berkeley), sur «la Tunisie après Bourguiba» pose à
nouveau le problème de la signification du parti unique dans les
pays africains. Dans son ouvrage sur la Tunisie depuis l'indépen
dance, l'auteur en a situé les données particulières à la Tunisie.
Il étudie maintenant dans le détail les stratégies des groupes poli
tiques informels qui entourent Bourguiba et font figure d'héritiers
présomptifs. Les longues notes biographiques et les études de cas
auxquelles procède l'auteur permettent de préciser l'impression con
tradictoire de libéralisme et d'autoritarisme que l'on éprouve devant
le système politique tunisien.
Partant de développements déjà classiques sur la nécessité du parti
unique, l'auteur montre comment cette recherche de l'unité peut, en
fait, se concilier avec une vieille tradition libérale au niveau des
rapports individuels. Certes le libéralisme tunisien se situe mal dans
un milieu institutionnel qui tendrait à nier son existence. Il n'en
est pas moins réel comme en témoignent les nombreuses tendances
étudiées par Clement H. Moore. Elles garantissent dans un équi
libre instable la vie et la survie du système. L'action récente de
Bourguiba n'a fait, peut-être involontairement, que renforcer leur
rôle. Depuis un an, en effet, le président tunisien s'emploie avec
ingéniosité à placer son fils parmi les partants possibles de la course
au pouvoir, sans lui donner toutefois les moyens de surclasser ses
adversaires.
Le jeu subtil et secret décrit par Moore prend une signification
nouvelle et immédiate sans perdre sa valeur d'exemple de fonction
nement des mécanismes informels du pouvoir au sein d'un parti
unique. 646 C.H. Moore
Pour certains auteurs ayant étudié le Moyen-Orient et le
Maghreb, la Tunisie représente, avec Israël et la Turquie,
un modèle libéral de modernisation politique1. Si l'on con
sidère ce libéralisme comme une catégorie de la pensée politique
occidentale, une telle hypothèse ne peut manquer de surprendre
tout observateur de la Tunisie contemporaine, fût-il le plus impart
ial et le plus ouvert d'esprit. En effet, si on prend comme base
les définitions courantes, le régime personnalisé de la Tunisie appar
aît indiscutablement comme un régime non libéral. Les libertés
constitutionnelles classiques ont souvent été méconnues au cours
de l'effort de modernisation tunisien (encore qu'elles aient sans
doute été moins malmenées que dans bon nombre d'autres pays
neufs). Les tribunaux, en particulier, ont fréquemment servi à des
règlements de comptes avec les adversaires du régime 2. La liberté
d'association n'existe pas en pratique3, et aucun groupe n'est auto
risé à s'organiser indépendamment du parti ou du gouvernement.
On s'efforcera de montrer cependant que le système de parti
unique tunisien semble avoir la possibilité de se développer dans
une direction libérale et, d'une façon plus générale, que la libéra
lisation survenant à un certain stade peut être un antidote efficace
contre la décadence politique.
Il semble, en effet, que la Tunisie soit en train de forger un
système politique capable, avec le temps, d'adopter les principes
constitutionnels occidentaux de limitation du pouvoir par le jeu
des institutions. Mais, pour le moment, un bilan dressé après dix
années d'indépendance reste incertain et reflète les vertus aussi bien
que les vices du système du parti unique.
1. Tel était le thème proposé pour une conférence, organisée par l'un
iversité de Princeton, sur « La modernisation politique au Moyen-Orient et en
Afrique du Nord ». C'est au cours de cette conférence que fut présentée le
25 mars 1966, une première version du présent article.
2. Moore (Clement H.), Tunisia since Indépendance, Berkeley, University
of California Press, 1965, pp. 80-81, 88-92.
3. Ibid., p. 79. L'une des dispositions de la loi du 7 novembre 1959, garant
issant la liberté d'association sous certaines conditions, mit hors la loi Tunisie'
U.R.S.S., ensemble d'associations culturelles contrôlées par le Parti commun
iste tunisien (cf. Tribune du progrès, n° 3, février 1961 et n° 5, avril 1961.
Le parti lui-même fut interdit en 1963). Tunisie après Bourguiba ? 647 La
Unité du parti et unité nationale
Le relatif succès de la Tunisie comme ensemble politique en
voie de modernisation est largement dû à Habib Bourguiba, homme
d'Etat d'une envergure égale à celle d'un Nehru, d'un Ataturk
ou d'un de Gaulle (encore que la patrie spirituelle de Bourguiba
soit plutôt la France libérale de la Troisième République). Il repose
également sur l'un des partis les plus anciens et les mieux orga
nisés de l'Afrique et du monde arabe, le Néo-Destour, fondé en
1934 4. La grande force du régime a surtout été de susciter, puis
de renforcer l'unité nationale en encadrant et en développant les
forces politiques. Avec l'aide d'un parti bien discipliné, Bourguiba
a pu éviter une guerre civile avec Salah Ben Youssef, créer une
administration honnête et relativement efficace, et surtout prendre
des décisions audacieuses afin de transformer l'édifice social tuni
sien.
L'abolition de la polygamie et l'octroi de droits égaux aux
femmes en 1956 ; l'établissement d'un système d'enseignement
unique, ouvert à tous et essentiellement laïque en 1958 ; enfin l'abo
lition si nécessaire de certaines formes archaïques de propriété
foncière 5 : toutes ces réalisations ne furent pas de minces réus
sites dans une société islamique naturellement conservatrice. Par
la suite, depuis 1962 exactement, Bourguiba a su canaliser des
passions politiques, dont l'origine remonte à une lutte pour l'ind
épendance longue de vingt ans, vers un effort soutenu de dévelop
pement économique planifié. En tant qu'opérations politiques., les
plans de trois ans (et maintenant de quatre ans) représentent un
succès remarquable, puisque le Néo-Destour a été non seulement
capable d'étouffer sans violence toute opposition organisée, mais
aussi d'orienter les aspirations de la société vers des buts concrets.
Aujourd'hui, des sujets de controverse comme le Vietnam ou le
4. En 1934 ses fondateurs, estimant être les seuls chefs légitimes d'un parti
nationaliste plus vieux, le Parti Destour (c'est-à-dire le Parti constitutionnel)
utilisèrent l'ancien nom avant d'adopter après une scission celui de Néo-
Destour. Ce terme fut employé jusqu'en 1965, année où l'épithète «socialiste»
lui fut ajoutée: on parle désormais du Parti socialiste destourien (P.S.D.). On
trouvera la meilleure histoire du Parti socialiste dans Letourneau (Roger) ,
Evolution politique de l'Afrique du Nord musulmane 1920-1961, Paris, Armand
Colin, 1962; voir aussi Julien (Charles André), L'Afrique du Nord en marche,
1952.
5. Les habous publics, propriétés de type religieux dont l'exploitation obéis
sait à des règles surannées, furent nationalisés le 31 mai 1956. Quant aux
biens habous privés, jusque-là inaliénables, ils furent divisés entre les héritiers
et les locataires de la terre par une loi promulguée le 18 juillet 1957. C.H. Moore 648
Congo ne touchent pas directement les élites tunisiennes. En fait,
l'une des grandes réussites du Néo-Destour a été de réduire au
silence les démagogues du panarabisme tout en créant, dans le
domaine de la politique étrang&#

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents