Le livre en scène dans la comédie de la Restauration - article ; n°1 ; vol.48, pg 55-68
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XVII-XVIII. Bulletin de la société d'études anglo-américaines des XVIIe et XVIIIe siècles - Année 1999 - Volume 48 - Numéro 1 - Pages 55-68
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Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 16
Langue Français
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Extrait

Florence March
Le livre en scène dans la comédie de la Restauration
In: XVII-XVIII. Bulletin de la société d'études anglo-américaines des XVIIe et XVIIIe siècles. N°48, 1999. pp. 55-68.
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March Florence. Le livre en scène dans la comédie de la Restauration. In: XVII-XVIII. Bulletin de la société d'études anglo-
américaines des XVIIe et XVIIIe siècles. N°48, 1999. pp. 55-68.
doi : 10.3406/xvii.1999.1454
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xvii_0291-3798_1999_num_48_1_1454LIVRE EN SCENE LE
DANS LA COMÉDIE DE LA RESTAURATION
Cette étude se propose de traiter des différentes modalités du livre
dans la comédie dite "de la Restauration." Le corpus n'est pas exhaustif.
Seules ont été considérées les comédies canoniques. Parmi celles qui
mettent en scène le livre et ses avatars, douze ont été sélectionnées, qui
donnent un éventail le plus complet possible de ces représentations, tout
en évitant les répétitions. Lorsque le livre était mis en scène de manière
similaire dans des pièces différentes, ce sont le pittoresque et la qualité
du comique qui ont déterminé le choix de telle ou telle. Le corpus vise
également à être représentatif de l'ensemble de la période, puisque les
douze comédies qui le composent ont été écrites et jouées entre 1664 et
1 700. La question de la chronologie mérite sans doute d'être posée, surtout
lorsque l'époque considérée se caractérise par un hiatus entre l'étiquette qui
la désigne conventionnellement et les faits historiques qu'elle recouvre
(la "Restauration" déborde le cadre du règne de Charles II). Néanmoins,
l'analyse des représentations du livre et des pratiques qui en dérivent,
l'écriture en amont, la lecture en aval, ne semble pas révéler d'évolution
notable.
On distinguera dans le corpus quatre approches principales du thème
du livre, pris au sens large. D'un côté, la scène semble remettre en
question la lecture en tant que pratique. D'un autre, elle théâtralise le
livre comme objet qui tantôt comme masque, tantôt comme révélateur
1. Il s'agit d'une cinquantaine de comédies écrites entre 1660 et 1700 par Aphra
Behn, Colley Cibber, William Congreve, John Crowne, John Dryden, Thomas Durfey,
George Etherege, Thomas Killigrew, Thomas Otway, Charles Sedley, Shadwell,
Thomas Southerne, John Vanbrugh, George Villiers et William Wycherley.
2. Certains doublons sont indiqués en note.
3. Exception faite de The Parson's Wedding de Thomas Killigrew, probablement
écrite pendant l'Interrègne, en 1642, plusieurs didascalies tendant à suggérer une scène en
éperon comme celle du Cockpit. The Parson's Wedding n'est toutefois recensée comme
nouvelle pièce que le 3 novembre 1663; elle est représentée pour la première fois le 5 ou
6 octobre 1664 et publiée la même année. FLORENCE MARCH 56
joue alors un rôle structurel fondamental dans nombre d'intrigues. Parfois
encore, l'on assiste à la contamination du personnage par l'accessoire qui
le caractérise, phénomène qui se traduit métaphoriquement par une
textualisation du monde. Enfin, la mise en abyme de récriture théâtrale
combine fonctions thématique et structurelle dans une configuration
circulaire. Dans la plupart des exemples cités, il apparaît que la mise en
scène des modalités du livre introduit une satire sociale de la town, cette
micro-société londonienne où évoluent les gens de qualité.
La pratique de la lecture mise en question
Au théâtre, le liseur apparaît souvent comme une sorte de marginal,
qui n'a pas sa place dans une société où rien ne compte autant que
l'expérience vécue. Bien souvent, son entrée en scène est signalée au
public par le recours au livre en tant qu'accessoire. Ainsi, lorsque le
rideau se lève au commencement de Love For Love de Congreve, le
spectateur découvre le personnage principal, Valentine, occupé à lire, et
aperçoit à côté de lui, sur une table, une pile de livres. Il ne tarde pas à
apprendre que ce lecteur invétéré est endetté, poursuivi par les
créanciers, déshérité par son père au profit de son frère cadet et donc
dans l'impossibilité de prétendre à celle qu'il aime. Valentine n'a pas
le sens des réalités. Or dans cette scène d'exposition, c'est le livre,
accessoire et élément du décor, qui a pour fonction de camper le
personnage. Les livres que dévore Valentine deviennent le sujet du
dialogue qui l'oppose à son valet Jeremy. Sensé et pragmatique, celui-ci
n'a que faire des nourritures intellectuelles de son maître et goûterait
volontiers à des plus terrestres:
Sir, you're a Gentleman, and probably understand this fine Feeding; But
if you please, I had rather be at Board- Wages. Does your Epictetus, or
your Seneca here, or any of these poor rich Rogues, teach you how
to pay your Debts without Money? Will they shut up the Mouths of
your Creditors? Will Plato be Bail for you? or Diogenes, because he
understands Confinement, and liv'd in a Tub, go to Prison for you?4
La pile de livres sur la table, tel un rempart dressé entre les deux
personnages, figure scéniquement leur antagonisme. Les livres, la table,
la chaise délimitent sur la scène un espace à part, confiné, hors du temps
et de la réalité dramatique. Attaqué, Valentine s'y réfugie, tandis que
Jeremy s'efforce de le faire sortir de ses retranchements pour le ramener à
4. William Congreve, Love for Love, 1695, The Complete Plays of William Congreve,
éd. Herbert Davis (Chicago: U of Chicago P, 1967) act I. scene I, page 217. LE LIVRE EN SCENE... 57
la réalité. Il parvient à anéantir cet espace (doublement) fictionnel en
faisant littéralement table rase de tous les livres, anticipant par ce geste
sur l'heureux dénouement de la pièce. Sa fonction accomplie, le livre
disparaît du dialogue et de la scène.
De même, dans The Relapse; or, Virtue in Danger de Vanbrugh, le
livre qui occupe Loveless au début de l'acte 1, scène 1, signale qu'il a
renoncé aux plaisirs de la capitale. Son titre n'est pas indiqué, parce
qu'il est inutile. Par sa seule fonction d'objet théâtral signifiant, le livre
rappelle le repentir du rake (sur lequel s'achève Love's Last Shift de
Cibber, dont The Relapse est la suite) et annonce sa retraite en province.
Loveless a mis entre parenthèses sa réalité de rake. Le monologue qui
suit son arrivée sur scène corrobore d'ailleurs la première impression
du public: les signes textuels et scéniques se complètent. On peut noter
au passage qu'Amanda, responsable de la métamorphose du rake en
personnage sentimental (avant la lettre) à son image, adore les livres. Elle
le dit clairement au cours du dialogue qui l'oppose à Lord Foppington
(2.2), à tel point qu'elle est elle-même comparée à un texte (4.2).
Ce sont donc les effets pervers de la pratique de la lecture, en
tant qu'elle marginalise le lecteur, que ces exemples soulignent. La
marginalisation touche à son comble dans la mise en scène de l'archétype
comique des femmes savantes, virtuosi et autres pédants, dont les livres
sont la seule raison d'être. Sir Patient Fancy d'Aphra Behn en donne une
parfaite illustration à travers le personnage de Lady Knowell, "that Lady
of commentaires.5 eternal noise À and l'inverse, hard words," les fops, dont qui le nom poussent n'appelle à l'extrême pas d'autres les
tendances à la mode, témoignent le plus profond mépris à l'égard de la
lecture.6 Une telle attitude ne fait que souligner leur sottise. Lord
Foppington appartient à cette catégorie de gentlemen de comédie qui
considèrent le livre comme un bel objet et la bibliothèque comme un
simple décor. Comme eux, il s'arrête à l'apparence des choses sans jamais
s'intéresser à leur contenu. C'est un personnage aussi lisse que les miroirs
dans lesquels il ne cesse de se contempler:
5. Aphra Behn, Sir Patient Fancy, 1678, The Works ofAphra Behn, éd. Janet Todd,
6 vols. (London: Pickering, 1992-96) 6: 2.1.183.
6. Dans sa thèse, Nadia Rigaud commente la traduction de fop par petit-maître.
L'O

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