Le  rhétorique  ou la mise à l écart - article ; n°1 ; vol.16, pg 143-157
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Le rhétorique ou la mise à l'écart - article ; n°1 ; vol.16, pg 143-157

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Description

Communications - Année 1970 - Volume 16 - Numéro 1 - Pages 143-157
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1970
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre Kuentz
Le " rhétorique " ou la mise à l'écart
In: Communications, 16, 1970. pp. 143-157.
Citer ce document / Cite this document :
Kuentz Pierre. Le " rhétorique " ou la mise à l'écart. In: Communications, 16, 1970. pp. 143-157.
doi : 10.3406/comm.1970.1233
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1970_num_16_1_1233Pierre Kuentz
Le « rhétorique » ou la mise à l'écart
I. RETOUB A LA RHÉTORIQUE OU RETOUR DU RHETORIQUE ?
Écartée depuis plus d'un demi-siècle, la rhétorique, de toutes parts, semble
faire retour parmi nous : rééditions de manuels classiques, tentatives pour fo
rmuler de façon plus rigoureuse le catalogue des figures, recherches en vue de
fonder, pour les besoins de l'école, une « nouvelle rhétorique ». Pédagogie, psychan
alyse, anthropologie, théorie de la littérature, les disciplines les plus actives de
ce que l'on appelle les sciences humaines rencontrent dans leur cheminement des
problèmes que l'on croyait périmés et dont on s'aperçoit qu'ils sont du domaine
de la rhétorique.
Retour « normal » du pendule ? Simple retour d'un « aller » de l'histoire dont
on s'apercevrait aujourd'hui qu'il était excessif? Recours contre une condamnat
ion injustifiée ? Redécouverte d'un savoir indûment délaissé dont on chercher
ait à recueillir au moins des débris a pouvant encore servir », matériaux de remp
loi pour un bricolage dont on espère qu'il se constituera en théorie ?
Lire ainsi le mouvement dans lequel nous sommes engagés, ce serait l'inscrire
implicitement dans une perspective historique qu'il semble utile d'expliciter
d'emblée. On le fera en suivant l'analyse proposée, dans une perspective bache-
lardienne, par M. Fichant, quand il oppose analyse « régressive » et analyse « ré
currente l ». Ses remarques, en effet, on le verra, rendent compte de la plupart des
traits que l'on peut discerner dans la démarche de ceux qui ont cru pouvoir éta
blir un contact immédiat entre une pratique scientifique, celle de la linguistique,
et l'ancienne technique.
Analyse régressive ou analyse récurrente ?
A la base de cette interprétation de l'histoire, on rencontre un préjugé analyt
ique, qui suppose que l'on peut « réduire une idéologie à ses éléments, indépe
ndamment de la problématique qui leur confère un sens, et classer ces éléments
d'après les normes fournies par ce que cette idéologie est censée devenir ensuite* ».
Il s'agit, on le voit, de la conception bricolante de l'activité scientifique qui,
du corps théorique de la rhétorique classique croit pouvoir retenir des fragments
1. M. Fichant, « L'idée d'une histoire des sciences », in M. Fichant et M. Pécheux,
Sur l'histoire des sciences, Paris, 1969, Collection « Théorie ».
2. « L'idée d'une histoire des sciences », p. 102.
143 Pierre Kuentz
séparables. On isole ainsi une théorie de Velocutio, qui n'avait de valeur que par
sa corrélation aux autres parties de l'art oratoire, on traite la théorie des figures
sans tenir compte de la grammaire et de la dialectique dont elle était le corrélat
et on cherche à les importer telles quelles dans une linguistique, traitée elle-même,
il faut le dire, sous étiquette structuraliste, en simple agrégat.
Agissant dans le même sens, le préjugé téléologique « (réduit) l'avant à l' après
sous les espèces de la préformation, de la préfiguration, de l'anticipation 1 ». Il
conduit, selon la pente universitaire, à la découverte de sources, de filiations,
de précurseurs. On s'aperçoit ainsi — divine surprise, surprise par le divin —
qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil, qu'Aristote a su d'emblée dire le der
nier mot — qui est aussi le premier — et que la linguistique moderne était en
germe dans la Grammaire générale de Port- Royal, innée, sans doute, comme les
structures fondamentales du langage !
Ces deux préjugés se combinent dans le préjugé empiriste, qui « traite les énon
cés de la science comme des choses * ». Dans cette perspective, en effet, la science
est conçue comme une accumulation diachronique de « vérités », récupérables,
réutilisables, élément par élément, dans de nouvelles combinaisons. Ce qu'on
nomme ici structure se limite, le plus souvent, à une combinatoire.
M. Fichant souligne le lien de cette attitude avec Y illusion nominaliste, qui
réduit le concept au mot, «la présence d'un mot ou d'un synonyme dans un texte »
valant « comme la présence du concept que ce mot désigne désormais pour nous* ».
A l'idée d'un retour à la rhétorique, lecture régressive, on opposera donc ici
la notion de la qui implique, selon les vues de Bachelard,
une démarche récurrente, c'est-à-dire une lecture du passé à la lumière de la pro-
blématique actuelle. Pour susciter la vigilance face à la tentation de l'illusion
empiriste, on rendra, dans cet article, au terme qui désigne cette discipline, le
statut adjectival qu'il avait dans l'Antiquité et dont l'effacement n'est définit
ivement enregistré que par les dictionnaires les plus récents, et l'on tentera donc
de lire ce phénomène comme un retour du rhétorique, désignant ainsi un champ
problématique, en refusant un substantif qui pose la rhétorique comme un savoir,
c'est-à-dire comme un corps de solution.
H. LE « DÉMANTÈLEMENT » DE LA RHÉTORIQUE CLASSIQUE
II faut cependant, pour pouvoir l'écarter, expliciter la démarche régressive
en la suivant un instant, car elle est la démarche « naturelle ». L'image qu'elle
nous propose de l'histoire de la rhétorique est celle du délabrement.
Délabrement/ démantèlement.
cessé Le de domaine s'amenuiser. du rhétorique, Nous constatons en effet, l'ampleur d'Aristote du à phénomène nos jours, n'a, quand semble-t-il, nous dé
couvrons, dans les traités gréco-latins, la théorie de l'enthymème, les discussions
sur la nature des preuves, l'étude des caractères ou des constitutions politiques,
l'inventaire des lieux. Des pans entiers de l'édifice classique semblent s'être efîon-
1. Ibid.- p. 102.
2. Ibid. p.
3.p. 103.
144 Le « rhétorique « ou la mise à l'écart
drés et seul le préjugé analytique que nous évoquions tout à l'heure nous permet
de nommer encore rhétorique une discipline réduite à l'une de ses parties, désar
ticulée, déconnectée, Velocutio, ou même à une partie de cette partie, puisque l'on
n'en retient, en fait, que la théorie des tropes, centrée elle-même, de plus en plus
nettement sur la métaphore, figure suprême, suprême écart. Pronuntiatio, memoria,
dispositio, inventio (nous conserverons ici la terminologie latine, pour une raison
qui apparaîtra plus clairement par la suite et qui procède d'une méfiance à l'égard
des tentations régressives qui sont à l'œuvre dans toute traduction), semblent
purement et simplement ruinées.
Mais un tel schéma reviendrait à faire l'économie de l'explication. A l'image du
délabrement, il faut préférer celle du démantèlement, qui tient compte du destin
des éléments abandonnés. La rhétorique apparaîtrait alors comme une sorte de
pré-savoir confus, une pseudo-science, nébuleuse initiale qui aurait donné nais
sance aux sciences humaines. Son recul, auquel on a assisté à la fin du xixe siècle
serait le revers des progrès de la philologie, de la psychologie, de la logique for
melle, de l'anthropologie, et l'éclipsé de la rhétorique ne serait, en somme, que
l'aboutissement du processus de construction d'une science sans résidu.
On peut même, semble-t-il, préciser les étapes de cette opération de démantèle
ment : déplacement de la pronuntiatio et de la memoria, puis de F inventio et de la
dispositio, réduction de Velocutio elle-même.
Le déplacement de la pronuntiatio et de la memoria.
Le démantèlement aurait opéré d'abord sur les élément

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