Les « Bigarrures », de Tabourot : une conception originale du signifiant - article ; n°1 ; vol.51, pg 29-41
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Description

Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance - Année 2000 - Volume 51 - Numéro 1 - Pages 29-41
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 18
Langue Français

Extrait

Jean-Michel Messiaen
Les « Bigarrures », de Tabourot : une conception originale du
signifiant
In: Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°51-52, 2000. pp. 29-41.
Citer ce document / Cite this document :
Messiaen Jean-Michel. Les « Bigarrures », de Tabourot : une conception originale du signifiant. In: Bulletin de l'Association
d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°51-52, 2000. pp. 29-41.
doi : 10.3406/rhren.2000.2377
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhren_0181-6799_2000_num_51_1_2377« Bigarrures » de Tabourot : Les
une conception originale du signifiant
L'occasion de ce Colloque est la publication, sous l'égide de
Michèle Clément, d'une édition critique du livre IV des « Bigarrures
du Seigneur des Accords », d'Estienne Tabourot (1549-1590). Qu'il
nous soit donc permis de remercier publiquement Michèle Clément, et
de l'organisation de ce Colloque, et du dynamisme tutélaire et
souriant qu'elle prodigue au C.E.L.L.1.
Cette communication se limitera à l'examen des deux livres des
Bigarrures, au premier surtout2.
Cette œuvre se présente volontairement comme déroutante : «Et
en un mot, ce livre n'est autre chose qu'une superfluité de mon esprit,
que i'ay autrefois permis s'esgayer en ces folastres Discours. (...) Il est
baptize par ce nom de BIGARRURES, qui donne assez à cognoistre, que ce
sont diverses matières, & sans grande curiosité ramassées »3. Si l'on fait
abstraction de cette « captatio benevolentiae », cet ouvrage (et sur
tout le premier livre) paraît relever d'une démarche encyclopédique et
descriptive appliquée à l'examen du signifiant - dans les emplois peu
communs du langage4 : le jeu sur les « sentences », et la poésie. La ca
ractéristique commune à ces emplois est l'absence d'univocité du signi-
1. Le C.E.L.L. (Centre d'Études Lexicologiques et Lexicographiques des XVIe et
XVIIe siècles), actuellement composante de l'Equipe Renaissance de l'UMR 5037,
consacre ses travaux à la langue française préclassique (1500-1650), et conçoit la
revue périodique « Le Français Préclassique (1500-1650) », dans le cadre des
publications de l'I.Na.L.F.-C.N.R.S. (six numéros parus).
2. Le corpus textuel utilisé e*t le suivant : Les Bigarrures du Seigneur des
Accords (premier livre), fac-similé de l'édition de 1588, édition établie par Francis
Goyet (DROZ, 1986, coll. « Textes Littéraires Français », 2 vol.) ; et, pour le livre IV
(qui est en fait le second), une photocopie de travail de l'édition publiée du vivant
de Tabourot.
3. Livre I, préface, p. 25.
4. Démarche éminemment scientifique, ou linguistique, s'il en est : c'est en effet à
ses marges que se révèlent le mieux l'existence et le fonctionnement d'un
« système ».
RHR 51-52 - décembre 2000-juin 2001 JEAN-MICHEL MESSIAEN 30
fiant5. Au lieu d'être, pour le récepteur, la réalisation phonique ou
graphique associée à un signifié et livrant ce dernier à l'entendement,
le signifiant est ici opaque, selon trois modalités au moins : a) il appar
aît énigmatique et résiste à l'interprétation, au « décodage » habi
tuels ; b) il s'associe à plusieurs signifiés (ambiguïté, humour) ; c) il re
cèle une autre forme signifiante. Dans les trois cas, la matière signi
fiante s'autonomise partiellement de sa fonction habituelle de réalisa
tion du signifié initial, ce qui incite à la considérer en elle-même.
Les divers cas de figure exposés par Tabourot dans son premier
livre nécessiteraient un recensement, à partir duquel sa démarche
d'explicitation et au-delà sa conception du signifiant apparaîtraient
plus clairement6. Il nous faut limiter cet examen aux cas d'ambiguïté,
ou Equivoques, principalement7.
Les cas d'ambiguïté8 ou Equivoques : le signifiant et ses dimensions
Les Equivoques résultent d'une confusion de signifiants différents
par homophonie entre deux séquences. La confusion peut être volon
taire de la part de l'émetteur ou relever du récepteur. Les trente-deux
exemples donnés, bien qu'ils relèvent souvent de l'anecdote aimable
ment troussée, accréditent par leur variété et l'absence de typologie
identifiable, l'universalité de Vequivoque. Variété formelle9 d'abord,
puisque les exemples concernent aussi bien une épître de Marot :
En m'esbatant ie fay rondeaux en rime,
5. Nous éviterons autant que faire se peut le jargon linguistique, et n'utiliserons
que le schéma saussurien, parce qu'il est suffisamment répandu.
6. La contribution ci-dessus de Mme Demonet éclaire notamment cet aspect.
7. Les conclusions quant à la perception du signifiant restent (nous l'espérons)
transposables à l'ensemble des Bigarrures, voire de l'œuvre : il en sera présenté
une esquisse pour le domaine de la poésie (de l'usage poétique du langage tel que le
conçoit Tabourot).
8. Ils seront les seuls réellement traités, vu l'espace restreint imparti à ce type de
communication. La méthodologie et les conclusions restent aisément
transposables.
9. Plus précisément, c'est la variété des « registres langagiers », des « sources », qui
importe ici : elle révèle une recherche de l'unicité, et une perspective a priori
dégagée des normes sociologiques du bon usage, pour la collecte des « matériaux »,
l'établissement du « corpus ». Variété pragmatique également, qui prend en compte
des contextes d'usage langagier aussi différents que l'écrit publié, l'oral « public »,
et un oral d'ordre plus privé. CONCEPTION ORIGINALE DU SIGNIFIANT 3 1 UNE
Et en rimant bien souvent ie m'enrime :
Bref c'est pitié d'entre vous rimailleurs,
Car vous avez assez de rime ailleurs. (29 g)
Un « mot » de l'auteur :
Et pour commencer, i'entameray ce mot d'Equivoque, sur equivoquons : Mes
dames on a fait vos maris coquus : & qui ? vos cons, respond le bon compagnon.
(31a)
Une anecdote malicieuse :
Un Advocat fut un iour bien trompé, car au lieu qu'il pensoit avoir un
double ducat, pour salaire d'un gros procès qu'il avoit fueilleté, il ne trouva que
le double du cas posé, & s'equivoqua sur la lettre de son client, qui luy escrivoit
en ceste sorte : le vous envoyé (...) un double du cas, (...) (32 a-b)
Une expression courante :
C'est un proverbe commun, Qu'on ferme bouteilles à bouchons, & flaccons à
vis, id est, flacs cons à vits. (33 a)
Un nom illustre :
Le Dieu des Médecins s'appelle Esculape, non pas de l'équivoque de ce cul
hape, mais, d'escu hape, pource que les Médecins pinsent volontiers. (34 h)
Un nom commun :
Un iuge Royal disoit un iour en une remonstance à ceux de son Siege,
adressant son propos aux Advocats, dit qu'on les appeloit ainsi : Parce, dit-il,
que vous devez diligemment penser à vos cas. O l'excellente Etymologie ! (36 c)
Une phrase patoisante :
(...) d'un vergaland de vigneron de Dijon, qui disoit, Pair le Cordey quai
forrau brelai lou Solot, pource qu'en yuar el etau luthar : C'est à dire, qu'il
faudroit brusler le Soleil, qu'en hyver il estoit luit tard : equivoquant
sur Luther. La spiritualité de l'équivoque n'excède pas dix lieues les limites du
bon cru outre le mont Talentin. (35 f-g)
voire ont une fonction divinatoire. Ainsi, feuillet 36 f, est-il rapporté,
d'après Plutarque, qu'Alexandre le Grand, assiégeant Tyre en vain,
«songea en dormant qu'il voyoit un Satyre, lequel trépignant à Ventour
de luy, il attrapa ». Songe interprété comme suit : SATUROS en deux
mots signifioit, Tienne est Tyre.
Variété des « sources », des referents langagiers aussi (des langues
naturelles ?) : les équivoques relèvent du grec ancien, du français, du
« patois ». Variété sociologique enfin, car les locuteurs sont aussi bien 32 JEAN-MICHEL MESSIAEN
des personnes du petit peuple (lavandières, un vigneron, une
« commère »), des gens de robe, voire quelques religieux...
La transcription à l'écrit désambiguïse le plus souvent les
équivoques citées, lorsqu'elles n'éta

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