Les femmes et la politique - article ; n°1 ; vol.6, pg 5-23

Raymonde Dury, Bernadette Lacroix, Eliane Bouquey, Jacqueline Aubenas

Description

Les Cahiers du GRIF - Année 1975 - Volume 6 - Numéro 1 - Pages 5-23
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: LES_CAHIERS_DU_GRIF
• Publié le: 01 janvier 1975
• Nombre de lectures: 49
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Jacqueline Aubenas
Hedwige Peemans-Poullet
Raymonde Dury
Bernadette Lacroix
Eliane Bouquey
Les femmes et la politique
In: Les Cahiers du GRIF, N. 6, 1975. Les femmes et la politique. pp. 5-23.
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Aubenas Jacqueline, Peemans-Poullet Hedwige, Dury Raymonde, Lacroix Bernadette, Bouquey Eliane. Les femmes et la
politique. In: Les Cahiers du GRIF, N. 6, 1975. Les femmes et la politique. pp. 5-23.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/grif_0770-6081_1975_num_6_1_974les femmes et la politique
Au « sens large », beaucoup d'homobstacles, grandes de vie supérieurs, dressé l'on en parler On la professionnelle, politique, parle condition a comme constantes l'impression, de des le qui retrouver femmes un même féminine si n'accèdent mur. c'était les comme lorsqu'on bloc Et contraintes qui sans de un l'on ne se l'inégalité d'arrêt, empêcheur cesse que voudrait heurter créent veut du rarement et analyser d'impossibilité travail dans pas, au toujours le de déplacer, premier qui la penser, ménager. à un formation, ne des aux plan font ne mêmes d'avancest postes points Que plus des pas là, la mes font-ils aussi de la politique ? Je ne
le pense pas.
R. D.
er. Dire : « bon cela on le sait, c'est la base, allons plus
loin, contournons-le, l'explication, la solution sont derrière ».
Comme si se faire élire, écrire une symphonie ou être
bourgmestre étaient des faits ou des actes détachés de
tout contexte, isolables. Il y aurait des écrivains et des
députés, des P.D.G. et des savants, tous gens pleins de
dons et de qualités et non des simples privilégiés d'un
système qui favorise certaines classes sociales, certaines
tranches d'âge et un sexe. Aussi ne peut-on pas sauter ce
mur, pas plus qu'on ne peut le démolir d'un seul côté. Il
faut le démanteler en comprenant de quoi il est fait, pour
quoi il est là, qui il protège et qui s'y heurte. La politique
est au centre des remparts le donjon résistant.
Les femmes ne s'intéressent pas à la politique. On s'en
étonne. On devrait plutôt s'étonner de cet étonnement. Tout
ce que la société leur demande, tout ce qu'on leur a appris,
l'image qu'elles ont d'elles-mêmes et du monde les en
éloigne. On pourrait écrire en paraphrasant un mot célèbre :
« on ne naît pas homme politique on le devient ». La poli
tique jusqu'à présent ne faisait pas partie du devenir des
femmes.
I. LA FEMINITE EST UNE CONSTRUCTION POLITIQUE
QUI EMPECHE LES FEMMES DE FAIRE DE LA
Les faits sont là. Les femmes ne font pas de politique.
Ni au sens étroit du terme qui peut se définir comme la
participation active à la direction de l'Etat par les canaux
classiques des partis, des élections des chambres et de la
formation du gouvernement. Ni au sens plus large, qui est Bien commun : mot dangereux. Mythi
que surtout. Il n'existe pas de « bien la gestion du bien et du bien-être commun, ou sa transfor
commun > dans une société où les uns mation. Là aussi les femmes sont en minorité et en infé et les autres ont des intérêts opposés.
riorité. Elles font partie de mille associations mais plus H. P.-P.
comme sociétaires et secrétaires qu'en qualité de leader
et de présidente. Elles manifestent dans les rues souvent femmes n'ignorent pas réelleLes derrière des calicots et des banderolles mais en soldats
ment. Elles laissent faire tant qu'elles qui suivent un général ou en militantes qui ne discutent pas continuent à croire que le système actuel un mot d'ordre. Qu'elles s'occupent d'un comité culturel, fonctionne à leur avantage.
d'une association sportive ou signent une pétition elles Au Chili, les plus dignes et les plus
bourgeoises se sont retrouvées dans la sont chaînons plutôt que chariot. Ce qu'elles ignorent
rue pour défiler comme de simples pro encore ou veulent oublier c'est qu'en ne faisant pas de létaires lorsque le régime Allende menaç politique elles font une certaine politique et que comme ait leurs privilèges. C'était comme si
Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir nous elles l'avaient toujours fait. Et cela mont
rait clairement que leur absence anté faisons continuellement du politique. Alors autant poser nos
rieure était une collaboration aux régime points et virgules et décider nous-mêmes des têtes de précédent.
chapitre. Je trouve que dans tout cet article
Mais pourquoi donc cette non-participation puisque, tu parles de la non-participation des
femmes comme si c'était un mot uni- comme les hommes, elles ont le droit de vote ? Faire de
voque, c'est-à-dire qui a la même signi la politique n'est pas un acte isolé dans le comportement, fication pour toutes. Or, la non-partici dans la vie. Ce n'est que le reflet d'une mentalité acquise, pation s'explique de manières diverses,
d'une insertion sociale. Etre partie constituante et prenante voire opposées.
Il y a une non-participation qui est d'un groupe, d'une société, d'un pays. On devient citoyen
un refus de la société actuelle. Refus au travers d'institutions comme la famille, l'école, les moumaladroit, tu le dis, puisqu'il aboutit au vements de jeunesse, les syndicats, les organisations para- laisser-faire. Mais c'est, malgré tout
politiques. Non seulement les femmes n'y reçoivent aucun et potentiellement c'est très important
le contraire de la non-participation encouragement mais encore elles se sentent exclues des
qui est une acceptation. modèles proposés. Elles ressentent la politique comme le H. P.-P. masculin traditionnel et appris : le dehors, le fort, la déci
Le refus de certaines femmes à sion. On leur a dit qu'elles étaient le dedans, le faible, le
participer à la politique masculine prend soumis. souvent la voie suivante : adoucir grâce
La société admet et encourage un grand clivage le à des relations personnelles plus humai
nes, ou grâce à une organisation chari public et le privé, le dominant et le dominé. Le masculin est
table, le mal engendré par l'exploitation construit à se reconnaître dans le premier le féminin dans
de classes. Ce mode de refus est sans le second. Faire éclater ces rôles et cette division est un doute peu efficace puisqu'il s'efforce de
acte tabou, culpabilisant et difficile. guérir ce qu'il faudrait empêcher.
E. B. Par exemple, dans tous les milieux, au café ou au salon,
dans une conversation, à un moment donné les hommes Le clivage le plus important n'est pas
parleront ensemble, au pire du foot ou de leur voiture, au celui qui sépare les hommes et les
femmes mais les dominant hommes mieux ils reconstruiront le monde, discuteront affaires ou
et et les dominés travail. La crise de l'énergie, l'inflation, les difficultés interet femmes. nationales, c'est pour eux. Les femmes se réfugieront dans R. D.
le récit de la varicelle du petit dernier, une bonne adresse
Ce lien entre leur quotidien à elles de soldes, la chèreté de la vie. L'huile a augmenté et le et leurs théories économiques à eux est sucre aussi. Elles le diront mais le lien ne sera pas établi très difficile à faire non seulement à
entre ce qu'elles vivent et elles savent qui est la consécause de leur manque d'informations à
elles, mais aussi de l'ignorance des quence d'une situation économique et d'un choix politique
théories quant aux réalités quotidiennes et les belles paroles qu'elles entendent en arrière fond. féminines. A-t-on compté que la dimi
Dans les associations de parents d'élèves aussi. Quinze nution de fa production que l'on tente
de freiner ' aujourd'hui entraînera une parents sont élus dont 2 femmes. Une première réunion
augmentation de leurs activités à elles ? intimidante avec président, interpellation, etc. Il faut distrMoins de- surgelés -signifient plus d'éplu- ibuer les tâches. Les grandes options, le pédagogique, ohage de légumes. Mais dans quels cal l'abandon ou non du grec, le renforcement des études de culs économiques apparaissent les éplu-
mathématiques trouvent des responsables masculins. Puis chages de légumes, à moins qu'ils soient tournant vers les deux participantes le président se
suave propose : « et bien sûr, ces dames qui ont eu la
gentillesse de venir s'occuperont le la cantine ». Comme
le dit Margareth Mead : « La distinction des deux sexes
est conçue selon une trame cultur