Les Routiers au douzième siècle. - article ; n°1 ; vol.3, pg 125-147
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Description

Bibliothèque de l'école des chartes - Année 1842 - Volume 3 - Numéro 1 - Pages 125-147
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1842
Nombre de lectures 17
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Hercule Géraud
Les Routiers au douzième siècle.
In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1842, tome 3. pp. 125-147.
Citer ce document / Cite this document :
Géraud Hercule. Les Routiers au douzième siècle. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1842, tome 3. pp. 125-147.
doi : 10.3406/bec.1842.451648
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1842_num_3_1_451648eus 77.
LES ROUTIERS
DOUZIEME SIECLE.
Si le dixième siècle doit être particulièrement considéré
comme une époque de barbarie , il est juste aussi de reconnaître
que l'ordre public ne fit pas de notables progrès durant le cours
des deux siècles suivants. Tous les documents historiques de ce
temps révèlent à chaque ligne les effroyables excès qui affl
igeaient alors la société et menaçaient de la dissoudre. Sous le joug
de la féodalité, l'autorité publique était nulle, l'arbitraire tenait
la place des lois, la force était la seule garantie de sécurité pour
les biens comme pour les personnes. Jusqu'à la fin du douzième
siècle, et même plus tard , les seigneurs à peu près indépendants,
sauf une vaine formalité de foi et hommage réclamée par le mo
narque , cherchaient dans les expéditions militaires une distrac
tion à l'ennui de la vie de château. Détrousser les voyageurs,
piller les églises , ravager les terres des voisins trop faibles pour
les défendre , tels étaient les passe-temps ordinaires des hauts
barons. Les rois, vrais chevaliers errants, étaient toujours par
voies et par chemins , redressant les torts , punissant de leur
mieux les violences et les injustices. Louis VI et Louis VII ne
firent guère autre chose. Cependant, sous le règne de ce dernier
monarque, un grand événement vint faire diversion à la monoton
ie de ces petites guerres intérieures. L'an 1146, dans une as
semblée de prélats et de seigneurs tenue à Vezelay , Louis VII et
la reine Eleonoře, sa femme, prirent la croix des mains de saint
Bernard. Ils partirent en 1 147, entraînant sur leurs pas l'élite
du clergé et de la noblesse; leur absence dura deux années. Que
se passa-t-il dans le royaume pendant cet intervalle ? « A peine, 126
« dit le moine qui a écrit la vie de Šuger (1), le roi était-il parti
« pour les pays étrangers, à peine l'illustre Suger avait-il pris
« possession du pouvoir, que les hommes avides de pillage,
« croyant trouver , en l'absence du prince , l'occasion d'exercer
« impunément leur brigandage , commencèrent à désoler çà et là
« le royaume , et à manifester au grand jour les projets pervers
« qu'ils avaient depuis longtemps conçus. Les uns enlevaient ou-
« vertement par la violence les biens des églises et des pauvres ,
« les autres exerçaient leurs rapines plus sourdement. »
Les terres de tous les seigneurs qui avaient suivi Louis VII à
la croisade furent exposées aux mêmes désordres. « Des points
« les plus éloignés de la France, ajoute le même historien, on
« voyait les habitants du Limousin, du Berry, du Poitou, delà
« Gascogne , accourir auprès de Suger dans leur détresse et sol-
« liciter son appui. »
Ces hommes avides de pillage, ou plutôt poussés au désordre
par l'aveugle désir de se venger, en l'absence des grands barons,
de leurs injustices et de leurs violences, furent le premier noyau
de ces bandes terribles qui , plus tard , ravagèrent principal
ement les provinces que désigne ici l'historien de Suger. Leurs
rangs se grossirent, en 1150 , d'une foule de misérables , triste
résidu de l'expédition d'outre-mer, à qui les désastres de la croi
sade ne laissaient d'autre ressource que l'aumône ou le brigan
dage. Des événements étrangers à la France contribuèrent en
core à multiplier dans son sein ces terribles ennemis de l'ordre
et de la paix ; nous citerons particulièrement , au midi , les in
terminables querelles des rois d'Aragon et de Navarre, et la lutte
acharnée que soutinrent ces princes et le vicomte de Béarn contre
les Sarrasins d'Espagne et de Portugal ; au nord, les divisions sus
citées dans le Brabant et la Lorraine par la succession de Gode-
froi de Bouillon, surtout la guerre allumée entre le duc Godefroi le
Courageux et deux vassaux rebelles , guerre qui dura près de vingt
ans, et qui couvrit le pays de cendres, de sang et de ruines.
Ce fut donc de 1 1 47 à 11 60 environ que se répandit, comme un
sanglant réseau , sur la France entière , cette armée de partisans,
Aragonais , Basques , Navarrais , Mainades , Triaverdins, Bra
bançons, Cotereaux ou Routiers, armée si diverse dans ses
éléments , si unie dans le but de ses opérations, le désordre et
(i)Jemesers, sauf quelques changements, de la traduction de M. Guizof, p. 185. 127
le pillage. Dès lors commença une guerre d'extermination contro
toute espèce de propriété ; l'Église surtout , opulente à cette
époque, mais presque toujours trop faible pour défendre ses
trésors, était exposée à toute la fureur des Routiers. L'espoir
d'un riche butin n'était peut-être pas d'ailleurs l'unique sent
iment qui les animât contre elle. Forte de sa constitution et de ses
lumières au milieu de l'ignorance et de l'anarchie universelles ,
l'Eglise exerçait sur tous les Etats chrétiens une incontestable et
salutaire influence. Ses efforts tendaient constamment à implanter
au sein de la société déchirée les idées de paix, d'ordre, d'hiérar
chie et de discipline qui dominent dans l'organisation ecclésias
tique. La paix de Dieu, les trêves hebdomadaires, l'interdiction
des tournois , la médiation presque permanente des souverains
pontifes entre les princes armés les uns contre les autres , sont
de sûrs témoignages du rôle que joua le clergé durant cette pé
riode de transition qui vit chanceler la féodalité. Combien cette
propagande toute pacifique ne devait-elle pas irriter des hommes
qui ne vivaient que de désordre , de violences et de larcins? 11
put même y avoir à la haine des Routiers contre l'Église une
cause plus directe , plus personnelle ; ce fut la guerre d'extermi
nation que leur firent sur divers points de la France les popul
ations soulevées ou au moins dirigées par le clergé. Car, n'en
déplaise à un historien moderne , trop souvent égaré par ses
préjugés contre le catholicisme (1), les prêtres jouèrent un rôle
actif dans ces associations qui furent si funestes au Cotereaux
dans le Limousin, l'Auvergne et le Berry, et qui, après avoir
considérablement affaibli ces bandes dévastatrices, finirent par les
exterminer entièrement. Aussi tous les documents contemporains
nous peignent-ils les Routiers comme les ennemis acharnés de
l'Église et du clergé , comme les alliés fidèles des hérétiques dont
les doctrines infectèrent pendant un demi- siècle le midi de la
France.
Henri de France , élu archevêque de Reims en 1 1 62 , ordonn
ait peu de temps après à ses suffragants de publier l'anathème
(1) M. de Sismondi a écrit, dans le tome VI de son Histoire des Français, p. 34:
« Ce n'était jamais qu'après une victoire que les prêtres osaient s'apercevoir de l'in
imitié des Coterels et Routiers; en général, ils évitaient de les frapper de peines ecclé
siastiques, et ils usaient envers les gens armés de beaucoup de ménagements. » Les
faits que nous avons recueillis démentiront ces malveillantes assertions. .
128
qu'il venait de fulminer contre le comte H., ennemi acharné de
Г église de 'Reims, et qui ravageait avec une armée de Cotereaux
les biens de la métropole. Ces brigands, au dire de l'archevê
que (1), avaient complètement ruiné le pays; ils massacraient
les habitants ou les emmenaient prisonniers. Une fois ils enfer
mèrent trente-six personnes dans une église et les firent brûler
avec l'édifice. On sait avec quel zèle Louis VII , alors régnant ,
réprimait et punissait les excès de ce genre. Il dut recevoir, à
ce sujet , des plaintes de l'archevêque son frère , et peut-être cet
événement ne fut-il pas étranger à un traité par lequel ce prin

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