Les socialistes français et le problème colonial entre les deux guerres (1919-1939) - article ; n°6 ; vol.18, pg 1115-1154
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Les socialistes français et le problème colonial entre les deux guerres (1919-1939) - article ; n°6 ; vol.18, pg 1115-1154

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Revue française de science politique - Année 1968 - Volume 18 - Numéro 6 - Pages 1115-1154
French socialists and the colonial question(1919-1939) Manuela Semidei The ambiguous attitude of French socialists on colonial problems and their later hostility towards overseas nationalist movements date back from the period 1920-1939. Drawing its inspiration from divergent traditions, orthodox marxism which condemns colonial expansion, and left-wing humanitarianism, the S.F.I.O. is split between différent tendencies, each holding definite views on colonization, colonial nationalisms and the very notion of a « civilizing mission ». From 1920 to 1939, the tendency which upholds the « colonial idea », especially the Socialist Overseas Fédérations composed mainly of European colons or civil servants, gradually imposes its views. The S.F.I.O. is induced to carry on a policy of assimilation and to interpret the principle of self-determination in a very restrictive fashion. This change of attitude is due partly to factual, but also to doctrinal reasons. First the Socialist Party is badly split into warring factions. French Socialists do not care about colonial problems, a fact which gives a great influence within the Party to the Overseas Fédérations, and the S.F.I.O. moves towards the right under the impact of Communist pro-paganda. Secondly, and perhaps more importantly, the différent traditions from which French Socialism dérives its inspiration, marxism, pacifism, internationalism, humanitarianism, can be used to justify as well as to denounce colonial expansion.
Les socialistes français et le problème colonial (1919-1939) Manuela Semidei Le malaise des socialistes français face au problème colonial et à la montée des nationalismes d'outre-mer paraît remonter à la période de l'entre-deux-guerres. Prise entre des traditions contradictoires, la tradition marxiste orthodoxe qui condamne la colonisation moderne tout en attendant qu'elle entraîne la fin même du capitalisme, et la vieille tradition humanitaire de la gauche française qui insiste sur le respect des droits de l'homme et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, la S.F.I.O. se partage en tendances très diverses qui échangent des arguments contraires quant aux avantages et aux inconvénients politiques, économiques et moraux de l'expansion coloniale, la légitimité des nationalismes d'outre-mer et la notion même de « mission civilisatrice ». De 1920 à 1939, les défenseurs de l'idée coloniale, notamment les fédérations d'outre-mer, vont peu à peu faire triompher leur point de vue au sein de la S.F.I.O. qui se rallie à la politique d'assimilation, renonçant en fait au principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Cette évolution de la S.F.I.O. s'explique par des raisons de fait — divisions du mouvement socialiste français, poids des fédérations coloniales, indifférence d'une opinion attachée à ses possessions — mais aussi de doctrine : face au problème colonial, les socialistes se débattent dans une série de contradictions inextricables, les traditions diverses dont ils se réclament, marxisme, pacifisme, internationalisme, humani­tarisme, pouvant en fait aussi bien servir à justifier la colonisation qu'à la condamner.
40 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 38
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Madame Manuela Semidei
Les socialistes français et le problème colonial entre les deux
guerres (1919-1939)
In: Revue française de science politique, 18e année, n°6, 1968. pp. 1115-1154.
Citer ce document / Cite this document :
Semidei Manuela. Les socialistes français et le problème colonial entre les deux guerres (1919-1939). In: Revue française de
science politique, 18e année, n°6, 1968. pp. 1115-1154.
doi : 10.3406/rfsp.1968.393129
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1968_num_18_6_393129Résumé
Les socialistes français et le problème colonial (1919-1939) Manuela Semidei
Le malaise des socialistes français face au problème colonial et à la montée des nationalismes d'outre-
mer paraît remonter à la période de l'entre-deux-guerres. Prise entre des traditions contradictoires, la
tradition marxiste orthodoxe qui condamne la colonisation moderne tout en attendant qu'elle entraîne la
fin même du capitalisme, et la vieille tradition humanitaire de la gauche française qui insiste sur le
respect des droits de l'homme et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, la S.F.I.O. se partage
en tendances très diverses qui échangent des arguments contraires quant aux avantages et aux
inconvénients politiques, économiques et moraux de l'expansion coloniale, la légitimité des
nationalismes d'outre-mer et la notion même de « mission civilisatrice ». De 1920 à 1939, les
défenseurs de l'idée coloniale, notamment les fédérations d'outre-mer, vont peu à peu faire triompher
leur point de vue au sein de la S.F.I.O. qui se rallie à la politique d'assimilation, renonçant en fait au
principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Cette évolution de la S.F.I.O. s'explique par des
raisons de fait — divisions du mouvement socialiste français, poids des fédérations coloniales,
indifférence d'une opinion attachée à ses possessions — mais aussi de doctrine : face au problème
colonial, les socialistes se débattent dans une série de contradictions inextricables, les traditions
diverses dont ils se réclament, marxisme, pacifisme, internationalisme, humani-tarisme, pouvant en fait
aussi bien servir à justifier la colonisation qu'à la condamner.
Abstract
French socialists and the colonial question(1919-1939) Manuela Semidei
The ambiguous attitude of French socialists on colonial problems and their later hostility towards
overseas nationalist movements date back from the period 1920-1939. Drawing its inspiration from
divergent traditions, orthodox marxism which condemns colonial expansion, and left-wing
humanitarianism, the S.F.I.O. is split between différent tendencies, each holding definite views on
colonization, colonial nationalisms and the very notion of a « civilizing mission ». From 1920 to 1939,
the tendency which upholds the « colonial idea », especially the Socialist Overseas Fédérations
composed mainly of European colons or civil servants, gradually imposes its views. The S.F.I.O. is
induced to carry on a policy of assimilation and to interpret the principle of self-determination in a very
restrictive fashion. This change of attitude is due partly to factual, but also to doctrinal reasons. First the
Socialist Party is badly split into warring factions. French Socialists do not care about colonial problems,
a fact which gives a great influence within the Party to the Overseas Fédérations, and the S.F.I.O.
moves towards the right under the impact of Communist pro-paganda. Secondly, and perhaps more
importantly, the différent traditions from which French Socialism dérives its inspiration, marxism,
pacifism, internationalism, humanitarianism, can be used to justify as well as to denounce colonial
expansion.LES SOCIALISTES FRANÇAIS
ET LE PROBLÈME COLONIAL
ENTRE LES DEUX GUERRES
(1919-1939) *
MANUELA SEMIDEI
LA politique coloniale des gouvernements français à direction
socialiste après la deuxième guerre mondiale a fait l'objet de
nombreuses critiques, notamment à Pextrême-gauche — Jean
Bruhat par exemple, dès 1947, dénonce l'aide apportée par les diri
geants socialistes de droite à la résurrection du colonialisme — et
au sein même de la S.F.I. O. C'est un membre du parti qui, en 1957,
accusera le gouvernement Guy Mollet de « trahir » le socialisme.
Sur les motifs de cette politique et les raisons de son échec, les
jugements diffèrent. Toutefois une même constatation revient souvent
sous la plume des commentateurs : si échec il y a eu, c'est que les
socialistes français n'ont pas compris le véritable caractère de la lutte
menée par les colonisés pour leur libération. Ainsi, pour André Philip,
la cause première des erreurs commises par le gouvernement Guy Moll
et en seize mois de pouvoir, de l'expédition de Suez à la « pacifi
cation » en Algérie, réside « dans son ignorance du problème colonial
général, algérien en particulier, et dans la faiblesse idéologique d'une
conception du socialisme réduite à la notion de la défense du petit
contre le gros » 1. Albert Memmi note également les difficultés
qu'éprouve la gauche à saisir l'importance du phénomène national
outre-mer : dans les territoires coloniaux, les mouvements d'émanc
ipation ont, « pour de multiples causes ... pris une physionomie
nationale et nationaliste accusée ». Or, si la gauche « ne peut qu'ap-
* La politique coloniale de la S.F.I. O. ne sera pas abordée dans cet article
consacré à l'évolution de la « doctrine » coloniale des socialistes français entre les
deux guerres.
1. Philip (André), Le socialisme trahi, Paris, Pion, 1957, pp. 165, 175.
1115 Manuela Semidei
prouver, encourager et soutenir cette lutte, comme tout espoir de
liberté, elle éprouve une hésitation très profonde, une inquiétude
réelle devant la forme nationaliste de ces tentatives de libération » 2.
Le malaise des socialistes français face au problème colonial et
à la montée des nationalismes d'outre mer paraît en eiïet « incontes
table ». Et ce malaise remonte au moins à la première guerre mondiale.
La plupart des malentendus et des difficultés qui opposent colonisés
et « colonisateurs de gauche », malgré toute leur bonne volonté, se
nouent, semble-t-il, pendant l'entre-deux-guerres, encore que certains
de ces « malentendus » paraissent remonter aux origines mêmes du
mouvement socialiste.
Au lendemain de la première guerre mondiale, les socialistes se
trouvent en effet dans la nécessité de préciser leur position face au
problème colonial. La guerre a suscité outre-mer une série de reven
dications encore très modérées, et hâté l'éveil des nationalismes colo
niaux. En 1919, à l'occasion de la conférence de Versailles, Nguyên Ai
Quôc, le futur Ho Chi Minh, participe à la rédaction d'un projet
réclamant l'émancipation progressive de l'Indochine, qui s'inspire
des « quatorze points » du président Wilson et qui sera envoyé au
secrétariat de la conférence. En Tunisie, le Destour juge le moment
opportun pour engager l'action en faveur d'une constitution et d
emande la suppression graduelle du régime de protectorat. En février
1920, il réclame « l'émancipation du peuple tunisien des liens de
l'esclavage » 3.
Surtout, la révolution d'Octobre a pris nettement position sur la
question coloniale. Parmi les neuf conditions — elles seront bientôt
vingt et une — d'adhésion à la Troisième Internationale, figure no
tamment l'adoption d'une politique résolument anticolonialiste :
« Dans les questions des colonies et des nationalités opprimées, il
est nécessaire qu'une attitude particulièrement marquée et claire soit
prise par les partis des pays dont la bourgeoisie est en possession
de colonies et opprime d'autres pays. Tout parti qui désire appartenir
à la Troisième Internationale est tenu de démasquer les manigances
de ses impérialismes dans ses colonies, d'appuyer non seulement par
des paroles, mais par des faits, les mouvements libérateurs des
colonies, d'exiger l'expulsion immédiate de ses impérialistes nationaux
hors de ses colonies, de cultiver dans le cœur des ouvriers de son pays
2. Memmi (Albert), Portrait du colonisé, précédé du Portrait du colonisateur,
Paris, J.-J. Pauvert. 1966, pp. 67-68.
3. Manifeste cité in :

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