Lumière intérieure et éducation au XVIIe siècle - article ; n°1 ; vol.34, pg 9-24
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XVII-XVIII. Bulletin de la société d'études anglo-américaines des XVIIe et XVIIIe siècles - Année 1992 - Volume 34 - Numéro 1 - Pages 9-24
16 pages

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Publié le 01 janvier 1992
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Langue Français
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Jacques Tual
Lumière intérieure et éducation au XVIIe siècle
In: XVII-XVIII. Bulletin de la société d'études anglo-américaines des XVIIe et XVIIIe siècles. N°34, 1992. Éducation
et savoir. Regard et vision. pp. 9-24.
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Tual Jacques. Lumière intérieure et éducation au XVIIe siècle. In: XVII-XVIII. Bulletin de la société d'études anglo-américaines
des XVIIe et XVIIIe siècles. N°34, 1992. Éducation et savoir. Regard et vision. pp. 9-24.
doi : 10.3406/xvii.1992.1223
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xvii_0291-3798_1992_num_34_1_1223LUMIÈRE INTÉRIEURE ET ÉDUCATION
AU XVIIe SIÈCLE
Les Trembleurs commencèrent réellement à se préoccuper vers le milieu
des années 1670 du problème que représentait pour eux l'éducation des
enfants appelés à leur succéder dans «la voie de leur Vérité» («the Way of
Truth»). C'est-à-dire qu'ils s'interrogèrent sur la façon dont la doctrine de
la «Lumière intérieure,» clef de voûte de leur idéologie, continuerait à être
transmise dans tout son rayonnement aux quakers des générations à venir.
Cela supposait bien évidemment une conservation du patrimoine spirituel
grâce à la mise en place d'un système éducatif.
La conception d'une éducation adaptée au quakerisme se fondait sur trois
concepts théologiques qui permettaient de formuler une véritable épistémè
ou théorie de la connaissance.
D'une part, le concept de l'existence en chaque être humain d'une
«Lumière,» d'un «Guide,» d'un «Christ intérieur,» source de connaissance
intuitive et suprême.
Cet immanentisme ou présence de la divinité en chaque être tendait vers
une deuxième idée, celle d'un égalitarisme spirituel, déjà présent dans la
thèse du Sacerdoce universel chère aux penseurs réformés.
Un troisième concept, peut-être aussi novateur que le premier pour des
protestants au XVIIe siècle, consistait à considérer tout enfant à sa nais
sance, innocent, et non, comme l'affirmaient certains, entaché du péché
originel.
La Lumière intérieure
La première idée, celle du «Guide intérieur,» aboutissait, pour cet imma
nentisme contestataire qu'était le quakerisme, à la remise en question de
l'autorité du savoir intellectuel. En effet, l'idée de saint Augustin que la
connaissance de soi amène à la connaissance de Dieu prouvait bien que l'on
n'atteignait point à la vérité en se fondant sur les arguties des clercs et des
philosophes.1
Cette contestation du savoir académique qui est ancienne dans l'histoire
du sectarisme religieux, provenait de la conception particulière qu'avaient
les quakers des origines de la connaissance véritable.
Pour les adeptes de la «Lumière intérieure,» la connaissance est d'abord
celle donnée à chaque être humain par un «Guide» ou «Christ intérieur à
l'homme.» Or, cette connaissance divine et intérieure est considérée
comme supérieure au savoir humain extérieur et même, et cela fit scandale
à l'époque, ou du moins égale à l'autorité du «nomos» ou Verbe 10 JACQUES TU AL
des Saintes Écritures.
Poussée à l'extrême, cette affirmation, somme toute assez socratique, que
la vraie connaissance, celle de Dieu, passait avant tout par la connaissance
intuitive de sa propre ignorance, poussait nombre de prophètes et de pro
phetesses à élaborer l'apologie de leur inconnaissance. Ainsi, Margaret Fell,
patricienne protectrice du quakerisme originel, éclatait-elle en sanglots en
entendant George Fox commenter les Écritures: «Nous sommes tous des
voleurs, tous des voleurs,» se lamentait-elle, «nous avons reçu les Écritures
en paroles et n'en connaissons rien à l'intérieur de nous-mêmes.»
Sacerdoce universel
En second lieu, la doctrine de la «Lumière intérieure» promouvait un
égalitarisme spirituel qui était celui de la «prêtrise de tous les croyants,»
promise par la théologie réformée. Dans cette perspective, tous les êtres
«passés par la seconde naissance,» se trouvaient avoir accès à la vraie
connaissance intérieure et intuitive, différant radicalement du savoir char
nel transmis par ceux de l'«apostasie.» Une théorie de la connaissance par
l'inconnaissance, séduisante pour les prophètes et les illuminés autodi
dactes de l'Interrègne cromwellien, s'associait chez les quakers à leur adhé
sion à la thèse du sacerdoce universel.
La connaissance appartenait donc pour cet illuminisme à l'esprit et non
aux mouvements de la «vanité charnelle.»
Aussi le prophète William Dewsbury déclarait-il dans The New Birth:
J'ai acquis ma connaissance de la vie éternelle non pas grâce à la lettre
des Écritures, ni en écoutant les hommes parler de Dieu, mais grâce à
l'inspiration de l'Esprit de Jésus Christ qui, seul, mérite d'ouvrir les
sceaux.2
Le quakerisme originel, à l'image d'autres sectarismes puritains nés au
XVIIe siècle (celui des Diggers ou «Bêcheux» de Winstanley, par exemple),
fulminait contre les Universités, leurs professeurs et tonnait contre le
savoir universitaire, jugé objet et source de vanité terrestre.
William Penn, lui-même ancien étudiant d'Oxford, dénonçait les Univ
ersités comme autant de «Lieux réputés de Paresse, Licence, Profanité,
Prodigalité, et de basse Ignorance.»
Ceci ne correspondait pourtant pas à la réalité d'un mouvement religieux
qui, s'il affichait beaucoup de mépris à l'égard des clercs et des institutions
qui monopolisaient le savoir, trahissait par la voix de ses dirigeants et de
ses prophètes un intérêt passionné pour tout ce qui touchait à l'éducation.
La mise en place d'un système éducatif était en effet au premier plan des
préoccupations des Amis et s'inscrivait dans leur projet de réforme théolo
gique du «vaste monde» par la doctrine de la «Lumière intérieure.»
Les vertus du savoir furent au demeurant mises en avant par la majorité
des «Hérauts de vérité» («Publishers of Truth»), premiers compagnons de INTERIEURE ET EDUCATION AU XVIIe SIECLE 1 1 LUMIERE
George Fox, au nombre desquels Thomas Ellwood, un moment secrétaire
de Milton et auteur d'un réputé Journal quaker: «Je trouvai si erronnée cette
accusation que l'on portait alors contre les quakers, à savoir qu'ils
méprisaient et condamnaient tout savoir humain, parce qu'ils le considé
raient comme n'étant pas nécessaire au ministère du Verbe,» dira Ellwood.5
Innocence des enfants
La théorie quaker des origines de la connaissance s'alliait à un troisième
concept se démarquant radicalement de la doctrine calviniste, qui concer
nait l'innocence originelle des enfants. Bunyan, dans The Greatness of the
Soul (1682), qualifiait les enfants de «serpents sitôt que nés» et Richard
Baxter, dans Reliquiae Baxterianae, prêchait que «les enfants avant d'être
régénérés possédaient tant de culpabilité et de corruption que cela les ren
dait abominables aux yeux de Dieu.»4 Or, cette thèse des enfants nés
pécheurs fut condamnée par Fox comme une «monstrueuse doctrine.»5 Le
fondateur du quakerisme affirmait, avec pertinence, que Jean Baptiste et
Jérémie avaient été certainement sanctifiés dès leur naissance, infirmant
par là la doctrine calviniste.6
Les enfants, du reste, devinrent un objet de soins et d'attention pour les
quakers au fur et à mesure que déclinait l'élan prophétique et l'inspiration
apocalyptique des premières années du mouvement. Ceci explique égal
ement qu'on ait traité les enfants au sein du mouvement avec un respect dû
à des êtres humains considérés comme des adultes en position de faiblesse
et non d'ignorance spirituelle, la Lumière intérieure brillant en eux avec
le même éclat.
Mais le respect qui leur était dû n'empêc

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