Mutations et changements sociaux dans un village de la Polynésie Française. District d'Afareaitu, Moorea - article ; n°28 ; vol.26, pg 177-234

Gérard Ringon

Description

Journal de la Société des océanistes - Année 1970 - Volume 26 - Numéro 28 - Pages 177-234
58 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: JOURNAL_DE_LA_SOCIETE_DES_OCEANISTES
• Publié le: 01 janvier 1970
• Nombre de lectures: 22
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 4 Mo

Extrait

Gérard Ringon
Mutations et changements sociaux dans un village de la
Polynésie Française. District d'Afareaitu, Moorea
In: Journal de la Société des océanistes. N°28, Tome 26, 1970. pp. 177-234.
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Ringon Gérard. Mutations et changements sociaux dans un village de la Polynésie Française. District d'Afareaitu, Moorea. In:
Journal de la Société des océanistes. N°28, Tome 26, 1970. pp. 177-234.
doi : 10.3406/jso.1970.2293
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jso_0300-953X_1970_num_26_28_2293Mutations et
changements sociaux
dans un village
de la Polynésie française
District d'Afareaitu, Moorea
On lira ci-dessous la première étude sérieuse, à partir d'une fraction de la
société tahitienne, recherchant les conséquences sociologiques de V installation du
Centre a" Expérimentation du Pacifique. Elle se lit facilement, tant fauteur
possède encore de fraîcheur d'observation première. On pourrait lui reprocher
les jugements de valeur parsemant son analyse. On appréciera au contraire,
pour une fois, ce côté impressioniste ; où les raccourcis, pertinents parce qu'ils
sont proposés de bonne foi, échappent aux stéréotypes et viennent suppléer à
ce que ne saurait nous livrer une simple accumulation de données quantitatives.
C'est peut-être le charme de cette adolescence scientifique, avant que ne s'installe
le pédantisme et la prétention, qui nous a poussé à publier un texte qui, sans
cela, et comme presque toutes les premières études, aurait été voué à l'oubli
dans les dossiers ou à une publication résumée. Il se lit aisément et c'est une
très bonne lecture. Que l'O.R.S.T.O.M. soit remercié d'avoir ainsi par l'inte
rmédiaire de M. Ringon, apporté un premier élément de réponse à nos interro
gations !
On notera avec intérêt, au delà de la précision des données, le décalage con
sidérable dans le temps entre les phénomènes décrits pour Moorea, avec les
observations faites à Tahiti, dans les districts proches de Papeete, il y a déjà
plus de dix ans. L'extrême mobilité des mâles dans la société tahitienne globale
n'avait pas suffi à uniformiser les situations. Des quelques indications apportées
177 SOCIÉTÉ DES OCÉANISTES
ici quant au problème général, et que viendront confirmer ou informer les pro
chaines études de G. Ringon sur le district de Faaa, on pourrait en tirer l'hy
pothèse d'une influence différentielle du CE. P. suivant les situations locales.
Accélérateur de revolution, le CE. P. n'est pas un facteur d'unité; il prend
les choses au niveau où elles sont pour les faire avancer, très vite, bien sûr,
mais pas au delà de ce qui était en gestation; il brasse les cartes, mais ce sont
les joueurs eux-mêmes qui les distribuent.
Ceci semble indiquer que seule une analyse socio-économique fine permett
rait de proposer des hypothèses sérieuses quant aux conséquences concrètes de
la fermeture des sites, en fonction non seulement du nombre de ceux qui n'an
noncent pas les comportements d'adaptation souhaitables, mais aussi d'une
évaluation chiffrée, district par district, de qui aura les moyens effectifs (psy
chologiques aussi bien que matériels) de retourner à la médiocrité économique
d'une vie rurale, peut être irriguée par de nouvelles formes de tourisme, et de
qui aura le choix entre une émigration (dans les limites possibles) et Vinsertion
dans une masse urbaine brutalement dépourvue de revenus, difficile à reconvert
ir, à la fois aliénée et prête à l'aventure politique.
Devant la mise à l'écart des problèmes spécifiquement ruraux, ce qui explique
la relative impuissance du R.D.P.T. dans la décade récente, le cours de la vie
urbaine a pris un tour nouveau, échappant à la spécificité polynésienne pour
rejoindre des problèmes mondialement connus. Comme bien d'autres villes en
des circonstances comparables, Papeete, déjà traversée de courants depuis des
années, lieu des démonstrations de masses, est vouée à être le point chaud de
l'avenir. Les chercheurs peuvent mettre en évidence les ingrédients des facteurs
de tension qui s'y accumulent. Ce sera aux pouvoirs publics et aux respon
sables politiques à faire le choix entre l'attente et la prévision.
Jean Guiart.
178 CHANGEMENTS SOCIAUX A AFAREAITU, MOOREA
INTRODUCTION
Les études sociologiques réalisées récemment en Polynésie Française ont
pour cadre de petites communautés dont la population n'excède pas quelques
centaines d'habitants. Ces correspondent soit à un district
entier, soit à un quartier de district. Dans ce cadre, les chercheurs se sont
livrés à une enquête intensive menée au niveau de chaque maisonnée. Dans
une étude comparative entre l'île de Maiao et un quartier du district de
Paea 1, R. Ben Finney analyse les changements sociaux, qui sont induits
au niveau microsociologique par le fait que l'économie locale débouche
sur le marché mondial par la commercialisation de différents produits tels
que la vanille, le coprah et le café, et que ceci crée une dépendance de plus
en plus grande de la Polynésie vis-à-vis des sociétés industrialisées. Se réfé
rant à Max Weber et à R. Firth, il définit ainsi son hypothèse de départ :
au delà d'une dépendance purement économique, certains modèles sociaux
tendent à s'imposer à la société qui est dominée. En prenant pour base
l'évolution du revenu monétaire, il constate que, conjointement à une aug
mentation du moyen par tête, la structure socio-professionnelle se
modifie. En outre, un certain nombre de changements se produisent au sein
des maisonnées : modification de leur composition, bouleversements de la
répartition des activités suivant le sexe, perturbations apportées dans les
modèles familiaux, qui sont la source de conflits psychologiques.
A vrai dire son analyse laisse dans l'ombre un aspect très important
concernant ces problèmes de changements. En effet, il envisage ces chan
gements sociaux comme la conséquence directe d'un nouveau type d'éco
nomie, mais il n'explicite pas le mécanisme suivant lequel cette domination
ne se limite pas au simple domaine économique, mais tend à s'imposer à
la société entière. D'autre part, les micro-unités qu'il étudie, sont affectées
par un phénomène nouveau, qui s'impose à la société toute entière et qui
n'est pas la résultante d'une évolution interne de cette société. Les chan
gements sociaux ne vont donc pas se manifester seulement au niveau des
maisonnées, mais vont aussi bouleverser les structures générales de cette
société. Si les cadres de son analyse économique tiennent compte du carac
tère global des changements, en revanche il n'élargit pas son analyse socio
logique, et ses cadres conceptuels ne permettent pas de situer les phéno
mènes observés au niveau microsociologiques, par rapport à l'évolution
1. Rudolph Ben Finney, Polynesian Peasants and Proletarians. Journal of Polyne
sian Society, vol. 75, n° 3, 1965.
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générale de la société polynésienne. Ne tombe-t-il pas sous le coup des cr
itiques que Wright Mills adresse à « l'empirisme abstrait » qui « délaisse les
problèmes de structures au profit des problèmes du milieu » ? Dans une autre
étude, celle-ci réalisée sur Manuhoe un quartier de Papeete, Paul Kay x
prétend lui-même que ce quartier n'est pas une unité sociale et une commun
auté véritable et il ajoute que ce quartier est déterminé par des « forces
extérieures », mais de celles-ci, il nous parle peu, et il s'attache surtout à
une description microsociologique. Dans un genre différent, Paul Ottino a
analysé, dans son étude sur la pêche au grand filet 2, comment un système
de parenté indifférencié peut jouer dans un phénomène économique moderne.
Dans ces différentes études que nous venons d'énumérer, les auteurs n'ont-ils
pas une vision des choses liée à la perspec