Notes sur les changements survenus dans les coutumes fidjiennes depuis l occupation européenne - article ; n°11 ; vol.11, pg 15-36
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Notes sur les changements survenus dans les coutumes fidjiennes depuis l'occupation européenne - article ; n°11 ; vol.11, pg 15-36

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Description

Journal de la Société des océanistes - Année 1955 - Volume 11 - Numéro 11 - Pages 15-36
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1955
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Raymond Jarre
Notes sur les changements survenus dans les coutumes
fidjiennes depuis l'occupation européenne
In: Journal de la Société des océanistes. Tome 11, 1955. pp. 15-36.
Citer ce document / Cite this document :
Jarre Raymond. Notes sur les changements survenus dans les coutumes fidjiennes depuis l'occupation européenne. In: Journal
de la Société des océanistes. Tome 11, 1955. pp. 15-36.
doi : 10.3406/jso.1955.1845
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jso_0300-953X_1955_num_11_11_1845NOTES
SUR LES CHANGEMENTS SURVENUS
DANS LES COUTUMES FIDJIENNES
DEPUIS L'OCCUPATION EUROPÉENNE
Cet article est plus une série de remarques, de notes, qu'une étude
raisonnée. Il nous a paru qu'il pouvait y avoir un certain intérêt, au
lieu d'ajouter tardivement quelques douteuses acquisitions à ce que
nous savons déjà sur la civilisation des Fidjiens d'il y a cent ans, à
noter ce qui se passe actuellement sous nos yeux. Autrement dit, à
montrer la réaction des Fidjiens à l'introduction dans leur archipel
de trois éléments nouveaux : la religion chrétienne, un gouvernement
européen, et une immigration asiatique massive. Nous ne nous réfé
rerons à l'état de choses ancien que dans la mesure où ce sera néces
saire pour rendre ces notes intelligibles au lecteur. Nous recommandons
à ceux que la question intéresserait spécialement de se reporter aux
ouvrages qui font autorité sur l'ancienne civilisation des Fidjiens, tels
que Waterhouse (The King and people of Fiji..., Fijians manners,
customs and superstitions, 1866) et T. Williams et J. Calvert (Fiji
and the Fijians, 2 vol., 1858), que nous citerons plusieurs fois,
comme éléments de comparaison.
Chefs et tribus.
Il y a cent ans, toute la vie sociale était centrée sur le mataqali,
la famille patriarcale. Plusieurs mataqalis formaient un yavusa,
une tribu, souvent réparti sur plusieurs villages, dont le chef, le
turaga avait une autorité presque illimitée.
Ces chefs héréditaires existent encore, mais leur importance a gran
dement diminué. Pour des raisons de commodité administrative, le
Gouvernement a groupé plusieurs koro, villages, en un tikina, canton.
Sans doute a-t-on tenu compte des affinités existantes, mais, dans bien
des cas, ce sont les considérations d'ordre géographique qui l'ont 6 SOCIÉTÉ DES OCÉANJSTE8. 1
emporté, avec, comme conséquences, la division des yavusa en deux
ou trois parties, et le rapprochement dans un même tikina de mata-
qali parfois antagonistes. A la tête de chaque village a été placé un
turaga ni koro, maire, et à la tête du tikina un Buli (que, si l'on voulait
pousser plus loin la comparaison avec notre administration française,
et si ce n'était pas légèrement ridicule, on pourrait comparer avec
nos sous-préfets). Ces Bulis, à leur tour, sont soumis à un Roko, qui
est à la tête d'une province, et dépend lui-même du chef des Native
Affairs.
Au début, les chefs de village, les Bulis, les Rokos étaient tous des
chefs héréditaires. Il arriva bientôt que l'incapacité de certains d'entre
eux obligea le Gouvernement à avoir recours à des fonctionnaires
non-chefs. Cette situation fut rapidement atteinte à l'échelon des
villages, et ne rencontra pas beaucoup d'opposition de la part des
indigènes, du fait qu'eux-mêmes avaient à souffrir de leurs chefs
incapables et se rendaient compte de la nécessité d'un changement.
Plus lentement, parce qu'il y a un choix plus large dans un canton
que dans un village, et aussi parce que la mesure eût été plus impop
ulaire du fait qu'une autorité et un prestige assez considérables
accompagnaient la charge, il en fut de même pour les Bulis. Cepend
ant, maintenant encore, un « roturier » ne sera nommé à cette
charge que s'il n'y a absolument pas de chefs capables de la remplir.
Comme le disait un District Cornmissioner : « Les indigènes acceptent
mieux un chef qui commet une injustice de temps en temps, qu'un
non-chef plus juste et plus capable. C'est regrettable pour ceux qui
sont lésés, mais c'est mieux pour le bien général ». Aussi inadmissible
que puisse paraître à un français une telle opinion, on est bien obligé
d'admettre que les faits la justifient, et que les administrés eux-
mêmes sont de cet avis, une fois passé quelques semaines sur le déni
de justice dont ils ont été eux-mêmes victimes de la part du chef.
Quant aux Rokos, c'est très exceptionnellement qu'ils ne sont pas
chefs, et même grands chefs, et les quelques rares « roturiers » qui
ont atteint ces fonctions ont eu besoin de beaucoup de tact et n'ont
pu éviter de se trouver de temps en temps dans des positions très
embarrassantes.
On aurait tort de déduire de ce qui vient d'être dit que, officiell
ement, les chefs héréditaires ne sont plus reconnus comme tels. Les
Native Regulations, les lois concernant les indigènes, prévoient qu'à
certaines époques, les membres d'une tribu ou d'un village travail
leront pour le chef : à ses plantations, pour construction de sa maison,
etc. Il n'en reste pas moins vrai qu'à l'heure actuelle, si un chef n'est DANS LES COUTUMES FIDJ1ENNES. 17 CHANGEMENTS
titulaire d'aucune fonction gouvernementale et n'a pas de ressources
personnelles (bétail, plantations de cocotiers, terrains loués, argent),
si au surplus il manque de personnalité, le simple fait qu'il est chef
ne lui assurera que très peu de respect. On lui conservera sa place
hiérarchique dans les offrandes de kava ou les distributions de nourri
ture, mais il n'exercera pratiquement aucune influence. Ce n'est qu'à
sa mort qu'on se souvient qu'il est chef et qu'on lui fait des funérailles
conformes à son rang.
Le peu de pouvoir qui reste au chef fait l'objet de récriminations.
Dans les deux sens : les anciens regrettent, de façon assez platonique,
que les chefs ne soient plus considérés, parce que, disent-ils avec
quelque raison, c'est la mort des anciennes coutumes; et les autres
disent que le temps des chefs est fini, que maintenant « seul l'argent
est chef» et qu'y, n'y a plus de raison d'accorder des privilèges à
certains plutôt qu'à d'autres.
D'après Waterhouse, le rang du chef est transmis par la mère, la
raison étant peut-être que le père était souvent inconnu ou douteux.
C'était peut-être vrai de son temps, mais cela ne l'est certainement
plus. Le rang n'est actuellement transmis que par le père. Le fils d'une
mère-chef ne sera jamais reconnu comme chef lui-même si son père
ne l'était pas, mais il aura droit à certains honneurs et privilèges de
la part de la tribu de sa mère.
Cependant les coutumes- connues comme Veitauvu, Vasu, Veitava-
leni, qui donnaient droit aux personnes d'une certaine parenté d'user
librement et de s'emparer de la propriété d'autres personnes dispa
raissent rapidement. .
Je connais le cas des membres d'une tribu allant dans un village
où ils étaient vasu, c'est-à-dire parents par leur mère, et faisant main
basse sur volatiles et cochons suivant leur droit traditionnel. Le village
ainsi lésé fit bonne figure sur le moment même, — ils auraient été
madua, ils auraient « perdu la face » en faisant autrement — , mais,
quelques jours après, portèrent plainte devant le magistrat. Il y eut
jugement, et réparation fut accordée aux propriétaires lésés. Ce geste,
si contraire aux anciennes coutumes indigènes, fut très critiqué par
les vieux, mais jugé sage et raisonnable par la plus jeune génération.
Un autre état de choses, lié à la question des chefs et des tribus,
et qui est lui aussi violemment critiqué, c'est la suprématie de la
Province de Bau. A l'époque de la cession de Fiji à la Grande-Bretagne,
le chef de Bau, Ratu Cakobau, était le chef le plus important du
groupe, et les Européens prirent l'habitude de l'appeler « Roi de
Fiji », ce qu'il était loin* d'être en fait. L'Acte de Cession fut signé par 1 S SOCIÉTÉ DES OCÉANISTE8.
lui, mais aussi par les autres grands chefs du Groupe, sur un pied
d'égalité avec lui. Depuis cette époque, le district de Bau et ses chefs
ont toujours

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