Étienne Gilson, historien de la pensée médiévale - article ; n°36 ; vol.77, pg 487-508
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Revue Philosophique de Louvain - Année 1979 - Volume 77 - Numéro 36 - Pages 487-508
The exceptional merits of Gilson as a mediaevalist are numerous: bringing out the importance of mediaeval philosophies, constant contact with the sources, penetrating exegesis of the texts, original and sound treatment of numerous problems, genius of historical synthesis, gifts as writer and orator.
But the scene is overcast by some shadows: certain excesses in the language of discussion, some historical errors, especially some highly questionable views on the relations between Christianity and philosophy. Having recalled the origins of the controversy over « Christian philosophy » and the distinctions which can throw light on the debate, the author criticizes the views of Gilson on Christian philosophy which the latter claimed to have discovered in St. Thomas, St. Bonaventure and St. Augustine. He concludes that there are Christian philosophers, but not Christian philosophies. Finally he emphasizes the disastrous consequences of the standpoint defended by the illustrious historian and his followers.
Les mérites exceptionnels de Gilson comme médiéviste sont nombreux: mise en valeur des philosophies médiévales, contact constant avec les sources, exégèse pénétrante des textes, traitement original et sûr de nombreux problèmes, génie de la synthèse historique, dons de l'écrivain et de l'orateur.
Mais il y a des ombres au tableau: quelques excès de langage dans la discussion, quelques erreurs historiques, surtout des vues très discutables sur les rapports entre christianisme et philosophie. Après le rappel des origines de la controverse sur la « philosophie chrétienne » et des distinctions qui peuvent éclairer le débat, l'auteur critique les vues de Gilson sur la philosophie chrétienne que ce dernier a cru découvrir chez S. Thomas, S. Bonaventure et S. Augustin. Il conclut qu'il y a des philosophes chrétiens, mais non des philosophies chrétiennes. Il souligne enfin les conséquences funestes de la position défendue par l'illustre historien et ses disciples.
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Publié le 01 janvier 1979
Nombre de lectures 71
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Fernand Van Steenberghen
Étienne Gilson, historien de la pensée médiévale
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 77, N°36, 1979. pp. 487-508.
Abstract
The exceptional merits of Gilson as a mediaevalist are numerous: bringing out the importance of mediaeval philosophies,
constant contact with the sources, penetrating exegesis of the texts, original and sound treatment of numerous problems, genius
of historical synthesis, gifts as writer and orator.
But the scene is overcast by some shadows: certain excesses in the language of discussion, some historical errors, especially
some highly questionable views on the relations between Christianity and philosophy. Having recalled the origins of the
controversy over « Christian philosophy » and the distinctions which can throw light on the debate, the author criticizes the views
of Gilson on Christian philosophy which the latter claimed to have discovered in St. Thomas, St. Bonaventure and St. Augustine.
He concludes that there are Christian philosophers, but not Christian philosophies. Finally he emphasizes the disastrous
consequences of the standpoint defended by the illustrious historian and his followers.
Résumé
Les mérites exceptionnels de Gilson comme médiéviste sont nombreux: mise en valeur des philosophies médiévales, contact
constant avec les sources, exégèse pénétrante des textes, traitement original et sûr de nombreux problèmes, génie de la
synthèse historique, dons de l'écrivain et de l'orateur.
Mais il y a des ombres au tableau: quelques excès de langage dans la discussion, quelques erreurs historiques, surtout des vues
très discutables sur les rapports entre christianisme et philosophie. Après le rappel des origines de la controverse sur la «
philosophie chrétienne » et des distinctions qui peuvent éclairer le débat, l'auteur critique les vues de Gilson sur la philosophie
chrétienne que ce dernier a cru découvrir chez S. Thomas, S. Bonaventure et S. Augustin. Il conclut qu'il y a des philosophes
chrétiens, mais non des philosophies chrétiennes. Il souligne enfin les conséquences funestes de la position défendue par
l'illustre historien et ses disciples.
Citer ce document / Cite this document :
Van Steenberghen Fernand. Étienne Gilson, historien de la pensée médiévale. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième
série, Tome 77, N°36, 1979. pp. 487-508.
doi : 10.3406/phlou.1979.6069
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1979_num_77_36_6069Etienne Gilson, historien de la pensée médiévale
Lorsqu'on a suivi, pas à pas, presque dès le début, les étapes de la
longue carrière d'Etienne Gilson et lorsqu'on a eu le privilège
d'entretenir avec lui des relations fréquentes, toujours amicales malgré le
heurt des idées, on est conquis par la personnalité si exubérante, si
puissante, mais aussi si humaine de ce maître prestigieux; on est saisi
d'admiration au spectacle d'une vie si féconde et d'une activité littéraire
vraiment prodigieuse. Dans les deux notices que j'ai consacrées à Gilson
au lendemain de sa mort, j'ai rappelé les grandes dates de sa carrière et les
principales œuvres du grand disparu, qui a exploré des domaines très
vastes et très variés de l'histoire, de la philosophie, de la théologie, de
l'esthétique et même des idées politiques1. Mon attention se portera
uniquement, aujourd'hui, sur l'historien de la pensée médiévale. Dans la
première partie de cette étude, je mettrai en relief quelques aspects de son
œuvre qui me paraissent caractéristiques et j'en soulignerai les mérites.
Dans la seconde partie j'exposerai ce que je considère comme les ombres
dans ce tableau débordant de lumière et de couleurs.
I
Bien que la chose soit évidente pour tous, il convient de rappeler
d'abord combien Gilson a contribué à la réhabilitation de la pensée du
moyen âge par ses publications nombreuses et brillantes. Sans doute, on
n'en était plus, au lendemain de la première guerre mondiale, au Sprung
ùber das Mittelalter, à ce total mépris du moyen âge qui avait longtemps
marqué l'histoire de la philosophie: le trou béant d'un millénaire
1 F. Van Steenberghen, In memoriam Etienne Gilson, dans Revue philosophique de
Louvain, 1978 (76), pp. 538-545; Hommage à dans Académie royale de
Belgique. Bulletin de la Classe des Lettres et des Sciences morales et politiques, 1978 (5e série,
tome 64), pp. 477-482.
Des lettres récentes de M. H. Gouhier me permettent de compléter et de rectifier deux
passages de ces notices. Gilson est rentré en France dès 1951, mais un peu plus tard que les
années précédentes (cf. In memoriam..., p. 541). Il est décédé à l'hôpital d'Auxerre, et non à
Cravant, comme je l'ai écrit sur la foi des communiqués de presse (cf. In memoriam..., p.
542; Hommage..., p. 479). 488 Fernand Van Steenberghen
ténébreux séparait l'Antiquité de la Renaissance. Les pionniers du
renouveau des études médiévales étaient à l'œuvre depuis un demi-siècle.
À Paris, François Picavet, bien que libre penseur, avait combattu sa vie
durant les préjugés répandus autour de lui sur la stérilité philosophique
du moyen âge et il avait finalement obtenu la création, à la Sorbonne,
d'un cours d'histoire des philosophies médiévales. Mais il restait beau
coup à faire pour révéler au monde moderne la pensée du moyen âge.
Héritier de la chaire de Picavet en 1921, Gilson l'occupe avec éclat
jusqu'en 1932; de 1932 à 1950, il poursuit son action au Collège de
France; à partir de 1929, son rayonnement s'étend à Toronto; mais bien
avant cette date, par ses publications et par ses leçons à l'étranger, son
influence est devenue universelle. Or, dès les premières années de son
enseignement, Gilson fait part de la découverte qu'il a faite en remontant
de Descartes à ses sources scolastiques. Il propose des thèses surprenant
es, presque provocantes. Il déclare que la philosophie moderne commenc
e au xme siècle, que S. Albert et S. Thomas sont les fondateurs du
«rationalisme» moderne et que, s'il existe aujourd'hui une philosophie,
on le doit aux grands penseurs du moyen âge. Le xme siècle n'est pas
moins riche en gloires philosophiques que ceux de Descartes ou de Kant.
S. Thomas a restauré l'idée d'une philosophie autonome; sa philosophie
est la solution purement rationnelle d'un problème uniquement philoso
phique. Pour toute pensée occidentale, ignorer son moyen âge, c'est
s'ignorer elle-même2.
Défendues brillamment par un laïc, professeur en Sorbonne, auteur
d'ouvrages de premier plan sur Descartes, ces idées ne manquèrent pas de
faire impression. Elle étaient développées dans des publications scientif
iques qui s'imposaient par leur solide documentation et par le charme
d'une langue limpide et élégante. De 1919 à 1934, les ouvrages se
succèdent à un rythme rapide, suivis de rééditions et de traductions
nombreuses3. Devant cette œuvre monumentale d'une qualité incontest
able, comment méconnaître plus longtemps la fécondité philosophique
du moyen âge?
Les talents de notre historien sont exceptionnels; ils se traduisent
dans ses écrits par un ensemble de qualités qu'il importe de souligner.
2 On trouvera un exposé plus complet de ces thèses avec références aux ouvrages de
Gilson dans mon Introduction à l'étude de la philosophie médiévale (Philosophes médiévaux,
XVIII), Louvain, 1974, p. 64-66.
3 Voir le détail de ces publications dans Y In memoriam Etienne Gilson, pp. 538-539.
D'autres ouvrages suivront, dont on trouvera le relevé dans la même notice, pp. 540-542. Gilson, historien de la pensée médiévale 489 Etienne
Le lecteur de Gilson est d'abord frappé par son contact constant
avec les textes. La chose est assez banale lorsqu'il s'agit de travaux
monographiques: on n'imagine pas un auteur sérieux traitant d'un sujet
historique particulier sans recourir aux sources. Mais la familiarité de
Gilson avec les textes se perçoit également dans ses grands travaux de
synthèse historique, ce qui est moins courant; il répugne manifestement à
travailler de seconde main.
Ensuite Gilson sympathise pleinement avec ses «chers scolastiques».
Non seulement avec l

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