Morale esthétique, morale militante: au delà de la «faribole»? - article ; n°73 ; vol.87, pg 23-58
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Revue Philosophique de Louvain - Année 1989 - Volume 87 - Numéro 73 - Pages 23-58
The elaboration of an «ethics» is a constant concern in the thought of Sartre. Equally constant is the relative failure attached to this enterprise, which never attained a degree of completion such that Sartre accepted during his lifetime to publish one or other of his attempts. In Saint Genet comédien et martyr Sartre defined the extent of his ambition: «Ethics is either a trifle or the concrete totality which achieves the synthesis of Good Evil» (p. 21 1). Since the death of Sartre two levels of this moral reflection have appeared: Cahiers pour une Morale, published posthumously by Gallimard, Sartre's first «ethics», written after L'Être et le Néant, a fragmentary, incomplete, teeming text, the chief characteristic of which is to connect «ethics» and aesthetic creation; the other level of Sartre's ethical thought, which is still unpublished, is posterior to the Critique de la Raison dialectique and ties moral questions to the problem of political and revolutionary involvement; this is the text of the lectures given by Sartre in 1964, at the Gramsci Institute in Rome and that of another series of lectures which should have been given at Cornell University (U.S.A.) in 1965, but which Sartre cancelled at the last minute in protest against American policy in Vietnam. The present study seeks to ascertain the meaning of these two poles, the aesthetic and the political, in the ethical thought of Sartre, and to attempt a possible articulation of the one on the other. (Transl, by J. Dudley).
L'élaboration d'une «morale» est un souci constant de la pensée sartrienne. Et tout aussi constant l'échec relatif attaché à cette entreprise, qui n'a jamais atteint un degré d'achèvement tel que Sartre accepte de publier de son vivant l'une ou l'autre de ses tentatives. Dans Saint Genet comédien et martyr, Sartre définissait l'ampleur de son ambition: «Ou la morale est une faribole ou c'est une totalité concrète qui réalise la synthèse du Bien et du Mal» (p. 211). Depuis sa mort, sont apparus deux pans de cette réflexion morale: les Cahiers pour une Morale, publiés chez Gallimard à titre posthume, et qui constituent la première «morale» de Sartre, écrite à la suite de L'Etre et le Néant; texte fragmentaire, inachevé, fourmillant, dont la caractéristique principale est de lier «morale» et création esthétique; l'autre pan de la pensée morale de Sartre, encore inédit, est postérieur à la Critique de la Raison dialectique, et lie les questions morales au problème de l'engagement politique et révolutionnaire; il s'agit du texte des conférences prononcées par Sartre en 1964 à l'Institut Gramsci à Rome, et de celui d'un autre cycle de conférences qui auraient dû avoir lieu à l'Université de Cornell aux États-Unis d'Amérique en 1965, conférences que Sartre annula en dernière minute pour protester contre la politique américaine au Vietnam. La présente étude se donne pour objet de dégager le sens de ces deux axes, esthétiques et politiques, de la pensée morale de Sartre, et de tenter éventuellement de les articuler l'un sur l'autre.
36 pages

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Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 46
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Juliette Simont
Morale esthétique, morale militante: au delà de la «faribole»?
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 87, N°73, 1989. pp. 23-58.
Citer ce document / Cite this document :
Simont Juliette. Morale esthétique, morale militante: au delà de la «faribole»?. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième
série, Tome 87, N°73, 1989. pp. 23-58.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1989_num_87_73_6536Abstract
The elaboration of an «ethics» is a constant concern in the thought of Sartre. Equally constant is the
relative failure attached to this enterprise, which never attained a degree of completion such that Sartre
accepted during his lifetime to publish one or other of his attempts. In Saint Genet comédien et martyr
Sartre defined the extent of his ambition: «Ethics is either a trifle or the concrete totality which achieves
the synthesis of Good Evil» (p. 21 1). Since the death of Sartre two levels of this moral reflection have
appeared: Cahiers pour une Morale, published posthumously by Gallimard, Sartre's first «ethics»,
written after L'Être et le Néant, a fragmentary, incomplete, teeming text, the chief characteristic of which
is to connect «ethics» and aesthetic creation; the other level of Sartre's ethical thought, which is still
unpublished, is posterior to the Critique de la Raison dialectique and ties moral questions to the problem
of political and revolutionary involvement; this is the text of the lectures given by Sartre in 1964, at the
Gramsci Institute in Rome and that of another series of lectures which should have been given at
Cornell University (U.S.A.) in 1965, but which Sartre cancelled at the last minute in protest against
American policy in Vietnam. The present study seeks to ascertain the meaning of these two poles, the
aesthetic and the political, in the ethical thought of Sartre, and to attempt a possible articulation of the
one on the other. (Transl, by J. Dudley).
Résumé
L'élaboration d'une «morale» est un souci constant de la pensée sartrienne. Et tout aussi constant
l'échec relatif attaché à cette entreprise, qui n'a jamais atteint un degré d'achèvement tel que Sartre
accepte de publier de son vivant l'une ou l'autre de ses tentatives. Dans Saint Genet comédien et
martyr, Sartre définissait l'ampleur de son ambition: «Ou la morale est une faribole ou c'est une totalité
concrète qui réalise la synthèse du Bien et du Mal» (p. 211). Depuis sa mort, sont apparus deux pans
de cette réflexion morale: les Cahiers pour une Morale, publiés chez Gallimard à titre posthume, et qui
constituent la première «morale» de Sartre, écrite à la suite de L'Etre et le Néant; texte fragmentaire,
inachevé, fourmillant, dont la caractéristique principale est de lier «morale» et création esthétique;
l'autre pan de la pensée morale de Sartre, encore inédit, est postérieur à la Critique de la Raison
dialectique, et lie les questions morales au problème de l'engagement politique et révolutionnaire; il
s'agit du texte des conférences prononcées par Sartre en 1964 à l'Institut Gramsci à Rome, et de celui
d'un autre cycle de qui auraient dû avoir lieu à l'Université de Cornell aux États-Unis
d'Amérique en 1965, conférences que Sartre annula en dernière minute pour protester contre la
politique américaine au Vietnam. La présente étude se donne pour objet de dégager le sens de ces
deux axes, esthétiques et politiques, de la pensée morale de Sartre, et de tenter éventuellement de les
articuler l'un sur l'autre.Morale esthétique, morale militante:
au delà de la «faribole»?*
Quant à la constitution d'une «morale», la pensée de Sartre, telle
qu'elle nous était livrée de son vivant, nous laissait, pour l'essentiel,
dans un double néant: le suspens de la promesse terminale de L'Être et
le Néant, renvoi à un autre ouvrage, le non-lieu de cette promesse tel
qu'il s'élabore dans la Critique de la Raison dialectique, où en une note
lapidaire Sartre produit la dénonciation de toute morale des valeurs et
de l'impératif comme facteurs aliénants et sérialisants de l'expérience
humaine, la seule issue libératoire à l'engluement de la praxis dans le
processus ou le pratico-inerte étant non pas morale, mais motivée par
l'urgence absolue et incompressible du besoin, urgence amorale, sans
devoir-être, la vie se mobilisant dans le refus de l'impossibilité de vivre,
non pas en fonction de quelque «respect» de la «valeur» de la vie, non
pas en du «devoir» de la préserver, mais en fonction de
«l'urgence de la seule perpétuation de son être»1 : sursaut de la liberté
matérialisée, concrétisée, «fusionnant» avec d'autres libertés, non pas
«règne des fins» a priori mais, en des circonstances concrètement
déterminées et définies, l'Apocalypse, universalité paradoxale, instan
tanée, limitée, précaire, vouée à la déperdition et à la retombée sérielle.
Avec la Critique, les choses semblaient tranchées: plus de nécessité
de la morale, mais la morale comme inductrice de nécessité, c'est-à-dire
d'aliénation; dès lors liquidation de la morale: aliénée, aliénante;
qu'elle soit imperative ou valorisante: dans les deux cas, faribole, mais
faribole à sinistre efficacité, l'inertie affectant la libre praxis, qu'elle la
rencontre comme lui venant du dehors, comme fin Autre (impératif), ou
qu'elle se la donne du dedans comme sens de sa fin (valeur)2.
* On utilisera les abréviations suivantes: pour la Critique de la Raison dialectique,
CRD; pour les Cahiers pour une Morale, CPM; pour L'Être et le Néant, EN; pour L'Idiot
de la Famille, IF.
1 CRD, I, p. 300.
2I, p. 355, note 1. Cf. à ce sujet: P. Verstraeten, «Impératif et Valeur», in:
Annales de l'Institut de Philosophie et de Sciences morales, numéro spécial Sartre, éditions
de l'Université libre de Bruxelles, 1987. 24 . Juliette Simont
Reste que ce tranchant en apparence décisif à l'égard de la morale
peut faire l'objet d'une reconsidération à partir des textes posthumes de
Sartre, aussi bien antérieurs que postérieurs à la Critique; textes édités,
comme les Cahiers pour une Morale et le deuxième tome de la Critique
de la Raison dialectique, textes encore inédits, comme les Notes de la
conférence à l'Institut Gramsci et Les conférences à Cornell. A travers
ces textes, qui s'étalent de 1948 à 1965, il apparaît avec évidence que la
question morale pour Sartre n'était pas tout simplement close: le
parcours annulatoire, d'une promesse à un renoncement dénonciatoire,
se complique et s'enrichit de péripéties multiples. Cette complexité
neuve infirme-t-elle le non-lieu de la question morale tel qu'il apparaît
dans la Critique, le confirme-t-elle en l'approfondissant, ouvre-t-elle des
perspectives? Ainsi peut se formuler le problème qui va être abordé ici.
Problème déjà abordé par plus d'un. Le sens de cet abord consis
tant généralement à saisir, à l'occasion de ces pans récemment dévoilés
de la pensée sartrienne, des symptômes ou des indicateurs de tendances
plus «positifs» quant à la possibilité et à l'effectivité d'une morale:
atténuation donc du décret porté à rencontre de toute morale par la
Critique. Il ne s'agit pas évidemment chez ces commentateurs de
restaurer ce que Sartre n'a cessé d'explicitement critiquer, y compris
dans ces textes nouvellement apparus, à savoir les morales de l'impératif
(du devoir, de l'exigence, de l'obligation), et les de la valeur;
mais de mettre en relief la possibilité d'un enjeu moral dans le discours
sartrien qui échappe à cette critique. On ne prétend pas ici faire une
recension exhaustive de ce qui s'est produit de «regain moral» dans
l'interprétation de la pensée de Sartre à partir de ces éléments nou
veaux. On se contentera de parcourir deux itinéraires significatifs et
d'en faire l'épreuve, éventuellement de tenter d'y répondre, en faisant
jouer, dans l'ensemble des textes évoqués, d'autres dimensions que celles
qu'ils mobilisent. Deux itinéraires significat

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