Politique coloniale et politique «néo-coloniale» à l égard de l Islam indonésien - article ; n°1 ; vol.46, pg 111-117
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Politique coloniale et politique «néo-coloniale» à l'égard de l'Islam indonésien - article ; n°1 ; vol.46, pg 111-117

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Description

Archipel - Année 1993 - Volume 46 - Numéro 1 - Pages 111-117
7 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 16
Langue Français

Extrait

W.F. Wertheim
Politique coloniale et politique «néo-coloniale» à l'égard de
l'Islam indonésien
In: Archipel. Volume 46, 1993. pp. 111-117.
Citer ce document / Cite this document :
Wertheim W.F. Politique coloniale et politique «néo-coloniale» à l'égard de l'Islam indonésien. In: Archipel. Volume 46, 1993.
pp. 111-117.
doi : 10.3406/arch.1993.2941
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arch_0044-8613_1993_num_46_1_2941W.R WERTHEIM
Politique coloniale et politique «néo
coloniale» à l'égard de l'Islam indonésien
professaient Dès le XVIIe l'islam, s., il des y ulama avait au prêts sein à du prendre royaume la tête de de Mataram, mouvements dont les de princes protes
tation sociale. La tension fut particulièrement vive sous le règne de Mangkurat
1er, qui considérait les ulama orthodoxes comme ses adversaires. Selon une
source hollandaise de l'époque, le conflit se termina par la mise à mort de deux
mille d'entre eux t1).
Au cours du XIXe s., lorsque le gouvernement indo-néerlandais eut pris la
suite de la Compagnie des Indes Orientales, l'islam inspira à nouveau divers
mouvements d'opposition, donnant lieu à des insurrections dans lesquelles les
ulama jouèrent un rôle important. Cette fois, les mouvements prirent d'autant
plus d'ampleur que les princes, mécontents de voir leur pouvoir leur échapper, se
joignaient aux mécontents et en prenaient même la direction. Ce fut le cas lors de
la grande insurrection de Java Central, que les Néerlandais appelèrent Guerre de
Java (1825-1830); ce fut encore le cas en pays Minangkabau, à Sumatra-ouest,
lors de la Guerre des Padris, ainsi que dans le nord de Sumatra, lors de la Guerre
d'Aceh, vers la fin du siècle.
A partir du début du XXe s., les protestations sociales prirent un caractère
nouveau. Les idées nationalistes, empruntées à l'Occident, commençaient à se
répandre dans les milieux formés dans les écoles coloniales — que l'on peut déjà
qualifier de «milieux intellectuels» — , mais même dans ces mouvements «proto
nationalistes», l'islam ne restait pas absent.
La «politique islamique» du gouvernement colonial était alors fortement
influencée par les vues de C. Snouck Hurgronje, un «expert» qui jouissait d'une
renommée internationale. Après avoir été, pendant presque deux décennies,
conseiller officiel du gouvernement pour l'islam et les affaires indigènes, il fut 112 W.F. Wertheim
nommé en 1907 professeur à l'université de Leyde, tout en conservant un rôle de
conseiller auprès du ministre des colonies à La Haye. La statégie qu'il préconis
ait consistait à laisser aux musulmans d'Indonésie le libre exercice de leurs
devoirs religieux, mais à combattre toute influence de l'islam sur la politique. Il
s'agissait surtout, selon lui, de faire pièce aux tendances «panislamiques».
Ce fut alors l'un des membres de la strate aristocratique des régents, Raden
Mas Tirto Adhisoerjo, qui prit l'initiative de créer, sous la bannière de l'islam,
une «Association de marchands musulmans» (Sarikat Dagang Islamiah) qui
devait prendre plus tard le nouveau nom de Sarekat Islam. Gabriel Angoulvant,
haut fonctionnaire colonial français, devait écrire à son propos : «En 1911, fut
fondée à Soerakarta, dans le but avoué de lutter contre l'emprise commerciale
des Chinois, une union des marchands musulmans appelée Sarekat-Islam» (2).
Telle était l'image du Sarekat Islam que G. Angoulvant avait recueillie, lors
de son voyage aux Indes néerlandaises, vers 1923, auprès des fonctionnaires hol
landais qui lui avaient servi d'informateurs, et telle est l'image que l'on en trou
ve dans les rapports officiels contemporains, ainsi que dans la plupart des études
historiques qui parleront par la suite des origines du mouvement nationaliste en
Indonésie, qu'elles soient écrites par des Hollandais ou par des étrangers.
Il y a ici un détail frappant. Dans la plupart de ces travaux, le nom de Tirto
Adhisoerjo est bien mentionné, en tant qu'initiateur du Sarikat Dagang Islamiah,
mais ensuite son nom est presque complètement effacé, comme si son rôle avait
été sans signification, et l'accent est mis sur deux autres figures, celle de Haji
Samanhoedi, un marchand de batik de Surakarta, et celle de Raden Umar Sayed
Tjokroaminoto, qui, comme Tirto Adhisoerjo, était d'origine aristocratique
(priyayï) et travaillait dans un bureau technique à Surabaya.
Dans la biographie de Tirto, qu'il a fait paraître en 1985 (sous le titre de Sang
Pemula «L'initiateur»), et qui fut interdite peu après O, le célèbre écrivain Pra-
moedya Ananta Toer a bien montré que Tirto Adhisoerjo était un nationaliste
convaincu et que, pour lui, le Sarekat Islam devait fonctionner au fond comme
une organisation qui s'opposerait au régime colonial, tout en cherchant à rassemb
ler toutes les forces vives de l'Archipel. La référence à l'islam excluait en prin
cipe la participation active des Chinois, mais on trouve, dans plusieurs de ses
articles, l'expression d'une certaine sympathie à leur égard et une certaine admi
ration pour leurs qualités d'organisateurs, dont les Indonésiens devaient pouvoir
s'inspirer.
De semblables idées furent très vraisemblablement considérées comme dan
gereuses par le gouvernement néerlandais. Le Sarekat Islam se proposait de don
ner à la religion une couleur politique, ce qui, selon les principes de Snouck Hur-
gronje, devait être évité à tout prix. Et ce fut un conseiller aux affaires indigènes
et islamiques, un successeur de Snouck Hurgronje, le Dr Rinkes, qui adressa au
Gouverneur Général Idenburg des rapports extrêmement négatifs sur le compte
de Tirto Adhisoerjo. Critiquant non seulement son attitude politique, mais son
caractère et sa probité dans la gestion financière, il parvint à ruiner le journal
qu'il avait lancé, à le faire incarcérer pour dettes et finalement à le faire exiler
aux Moluques.
Il parvint d'autre part, ce qui était habile d'un point de vue colonial, à fournir La politique à l 'égard de l 'Islam 113
au Sarekat Islam des dirigeants plus dociles et plus aisés à manipuler. Profitant
aussi des mouvements qui agitaient alors une partie de la population chinoise des
Indes — on était au lendemain de la Révolution de 1911 — il réussit à stimuler
les jalousies de certains marchands de batik javanais et à susciter, par l'intermé
diaire du Sarekat Islam, certaines bagarres interethniques. Pour ce faire, les mar
chands surakartanais, proches de Haji Samanhoedi, étaient plus faciles à influen
cer qu'un nationaliste convaincu comme Tirto. Quant à Tjokroaminoto, quoique
inspiré lui aussi par un véritable idéal nationaliste, il était tout prêt à déclarer que
le Sarekat Islam resterait loyal au gouvernment et que ceux qui lui prêtaient des
idées révolutionnaires étaient complètement fous W.
Si bien que, se fondant sur les rapports du conseiller Rinkes, le gouverneur
général put aisément calmer les inquiétudes d'un ancien ministre des colonies, en
lui assurant, non sans orgueil, que la situation aux Indes néerlandaises ne pouvait
être comparée à celle des Indes anglaises, et que si, d'un côté, le Parti du
Congrès poursuivait des buts politiques de caractère nettement nationaliste, de
l'autre, le Sarekat Islam n'avait qu'un caractère économique et ne faisait la guer
re qu'aux compétiteurs chinois (5\
Si l'on s'en tient cependant à l'analyse, juste à mon sens, que Pramoedya a
esquissée, c'est le gouvernement colonial lui-même qui, en éliminant Tirto Adhi-
soerjo et en l'effaçant temporairement des mémoires, est parvenu à transformer
le sens véritable du Sarekat Islam. Ce «détournement», qui visait à gommer les
aspects «protonationalistes» du mouvement, ne fut d'ailleurs qu'un succès temp
oraire.
Un juriste néerlandais, P. H. Fromberg, s'est du reste permis de comparer le
comportement du G. G. Idenburg à celui de Tartarin, dans le roman bien connu
d'Alphonse Daudet. Lorsque Tartarin s'en revient d'Afrique du Nord à Tarascon,
il est suivi, comme chacun sait, d'un chameau; tant que ce chameau se comporte
sagement, Tartarin le reconnaît pour sien et d

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