Positions politiques d Emile Zola jusqu à l affaire Dreyfus - article ; n°3 ; vol.5, pg 503-528
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Description

Revue française de science politique - Année 1955 - Volume 5 - Numéro 3 - Pages 503-528
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1955
Nombre de lectures 56
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monsieur Michel Girard
Positions politiques d'Emile Zola jusqu'à l'affaire Dreyfus
In: Revue française de science politique, 5e année, n°3, 1955. pp. 503-528.
Citer ce document / Cite this document :
Girard Michel. Positions politiques d'Emile Zola jusqu'à l'affaire Dreyfus. In: Revue française de science politique, 5e année,
n°3, 1955. pp. 503-528.
doi : 10.3406/rfsp.1955.402621
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1955_num_5_3_402621Positions Politiques d'Emile Zola
Jusqu'à l'Affaire Dreyfus
MARCEL GIRARD
Au matin du 13 janvier 1898, quand ils ouvrirent le numéro de
L'Aurore et y virent soudain, en gros titre, les mots j'accuse...,
suivis du nom d'Emile Zola, les vieux amis du romancier se
demandèrent : « Comment est-il possible qu'il en soit arrivé là ?»
Ils se souvenaient du temps où Zola proclamait qu'il n'était et qu'il
ne serait jamais qu'un artiste. La place publique lui paraissait alors
un lieu sordide et méprisable ; il l'abandonnait avec dégoût aux poli
ticiens professionnels. Pour lui, il ne demandait rien d'autre à l'Etat
que la liberté d'écrire et de publier en paix. Dans Le Figaro du
8 mai 1881, on avait pu lire sous sa plume cette affirmation :
« L'écrivain est d'autant plus grand qu'il est dégagé davantage. »
L'auteur de la « Lettre ouverte au président de la République »
était-il le même homme ? Que s'était-il donc passé dans l'intervalle ?
Les rapports de la littérature et de la politique, sous quelque
angle qu'on les examine, sont toujours extrêmement compliqués et
entremêlés. Avec les écrivains, on a affaire bien plus souvent à des
hommes de sentiment et de passion qu'à des hommes de raison.
Zola est de ceux-là. Ce serait, croyons-nous, fausser complètement
les perspectives réelles que de réunir en une doctrine cohérente les
différents articles politiques où il s'est exprimé d'un bout à l'autre
de sa carrière. Ou même, comme on l'a fait quelquefois, de poser
un point de départ rigoureux, à partir duquel on étudierait son
évolution comme un phénomène régulier et continu. Il ne faut pas
se fier à l'image traditionnelle que les manuels d'histoire littéraire
donnaient encore, il y a vingt ans, de l'auteur des Rougon~
Macquart : Zola est un esprit beaucoup moins systématique qu'il
n'y paraît. S'il a cherché parfois à s'en donner l'allure, c'est
est resté longtemps dominé par l'enseignement de Taine. et par
l'exemple de tous ces jeunes intellectuels, normaliens et philosophes,
503 Marcel Girard
qui peuplaient déjà les journaux. Puisqu'il s'était promu chef d'école,
il fallait bien qu'il eût des théories sur tout ! Mais si ses idées li
ttéraires manquent au fond de rigueur sous le spécieux appareil du
roman expérimental, à plus forte raison ses opinions sur la vie
publique et les partis ; car, là, il est toujours demeuré à l'extérieur.
Qu'on ne s'attende donc pas à trouver sous sa plume un système
de pensées politiques très cohérentes, ni même très originales : on
serait déçu.
Si les positions d'Emile Zola offrent peu d'intérêt pour le pur
théoricien, en revanche elles paraissent offrir à la science politique
un « cas » tout à fait remarquable. Voici un célèbre romancier qui
intervient dans les luttes ardentes d'un pays. D'un seul coup, il
met dans la balance, en faveur d'une cause, tout le poids de son
prestige littéraire. Une grande partie de la foule qui admirait ses
œuvres le suit maintenant dans cette nouvelle voie. Par une espèce
de transfert, toute popularité contient en germe une puissance poli-
tique : le Pouvoir peut avoir à compter avec elle, comme il eut un
jour à compter avec Zola, II n'est donc pas sans intérêt d'observer
comment cet homme s'est déterminé politiquement.
Journaliste pendant une grande partie de sa vie, Zola a été sou
vent amené à exprimer ses sentiments sur les événements dont il
était le témoin. On se référera avec profit à ses articles, bien que la
plupart soient demeurés ensevelis dans des collections de journaux,
parisiens ou provinciaux, fort difficiles à trouver. Mais il faut aussi
se reporter à l'expérience totale de l'homme et du romancier. Sur
prenantes ou contradictoires quand on les isole de la situation qui
leur a donné naissance, les idées de notre auteur s'expliquent mieux
dès qu'on les rapproche de son travail de romancier, qu'on les con
fronte avec les conceptions en vigueur dans son milieu littéraire,
ou encore qu'on songe à la nature de son public. Elles s'éclairent
enfin par certaines données de son tempérament... On aurait encore
à rechercher dans quelle mesure il s'exprime personnellement dans
ses romans, soit par les opinions qu'il prête à ses personnages, soit
par l'image qu'il donne de la réalité... Vaste enquête, que le présent
article n'a pas pour but d'épuiser ! Nous voudrions juste dégager
les constantes qui, sous leur diversité apparente, expriment le com
portement d'Emile Zola avant l'affaire Dreyfus.
Par sa naissance, Zola appartenait à la moyenne bourgeoisie.
Considérez-le à cinq ans, dans le grand tableau de famille qui
504 Politiques d'Emile Zola Positions
figura en 1952 à l'Exposition de la Bibliothèque nationale. Sur un
décor de tentures et de balustres, le petit garçon — fils unique —
porte une robe de velours bordée de fourrure. Il s'appuie à sa mère,
une très jolie femme, un peu forte, vêtue de satin noir : elle est la
fille d'un petit entrepreneur dé peinture et de vitrerie, installé à
Dourdan, et retiré des affaires dès l'âge de cinquante ans. A côté
d'elle, son mari, l'ingénieur François Zola, a également belle allure.
Il était alors au sommet de sa prospérité. Cet actif Vénitien, ancien
élève de l'Ecole militaire de Pavie, puis un des pionniers des che
mins de fer en Europe centrale, s'était expatrié quand la Vénétie
était devenue autrichienne. « S'étant trouvé mêlé à des événements
politiques, il avait été victime d'un décret de proscription » : du
moins c'est ainsi que son fils se plaisait à l'imaginer ; et quand on
sait que le jeune garçon fut élevé dans le culte de son père, disparu
quand il avait sept ans — qu'il fut destiné, en quelque sorte, à
« remplacer son père » — on peut penser que cet exemple n'a pas
été perdu. François Zola avait ensuite beaucoup voyagé ; il s'était
engagé en Algérie comme officier de la Légion étrangère ; puis,
installé à Marseille en 1833, il avait conçu les projets de quelques
grands travaux, dont l'un fut accepté sur l'intervention du ministre
Thiers : le fameux canal destiné à alimenter la ville d'Aix en eau
potable. On constitua une société au capital de 600.000 francs,
représentant dans les 200 millions d'aujourd'hui. C'est l'ingénieur
Zola qui dirigeait toute l'affaire. Sa famille occupait alors une riche
maison de l'impasse Sylvacanne, qui avait précédemment été habi
tée par la famille Thiers... Zola rêvera toute sa vie à cette belle
demeure. Il la mettra dans ses romans...
A la mort du père, sans doute le niveau de vie de la famille
Zola baissa dans une proportion sensible. La jeune femme eut à
défendre ses intérêts, y parvint mal, perdit beaucoup d'argent en
démarches et en procès. En 1 857, elle partit pour Paris, autant pour
cacher sa pauvreté que pour chercher des appuis. Mais il faut dire
que le jeune garçon semble n'avoir guère ressenti jusque-là ce revers
de la fortune. Sa mère et ses grands-parents avaient fait l'impos
sible pour continuer à l'élever selon les principes de sa classe. On
l'avait envoyé au pensionnat Notre-Dame pour le soustraire au
contact des fils d'ouvriers et des petits paysans ; puis au Collège
Bourbon, où ses meilleurs amis furent le fils d'un hôtelier, — le futur
polytechnicien J.-B. Baille, — et le fils d'un banqu

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