Prométhées futuristes - article ; n°1 ; vol.78, pg 151-162
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Communications - Année 2005 - Volume 78 - Numéro 1 - Pages 151-162
Au début du XXe siècle, une période d'effervescence a vu le jour en Europe, brisant des liens normatifs qui semblaient indestructibles. Des jeunes gens se sont propulsés sur le devant de la scène politique pour y jouer un rôle qui leur était en principe inaccessible de par les règles généalogiques. Parmi les différents mouvements littéraires ou artistiques qui ont contribué à cette effervescence, le Futurisme (1909) figure en bonne place. Les idées clés de Filippo Tommaso Marinetti (1876-1944), son porte-parole, seront au nombre de quatre : 1) rejeter la tradition (dans une tabula rasa radicale), renier en bloc l'héritage des temps anciens (musées, bibliothèques, etc.) ; 2) faire place au présent et surtout au futur, chanter les louanges de la modernité ; 3) aimer la « beauté de la vitesse », le danger, la témérité, l'audace et la révolte ; 4) exalter la guerre. Dans son roman Mafarka le Futuriste, (1909), ces idées étaient incarnées par un héros prométhéen. Mais Marinetti fera aussi l'apologie des foules, des révolutions, des ouvriers qui travaillent dans des industries lourdes pour construire paquebots ou avions. Et contrairement au fascisme, qui poussera en avant la seule figure du Duce., il proposera un rêve fou (dans La Nuit des Indomptables, 1922) : celui d'une société composée de Prométhées.
At the dawn of the twentieth century, an era of effervescence started in Europe, breaking normative ties that seemed to be everlasting. Dashing young men propelled themselves to the front of the political scene to play a role that would have been beyond their reach if genealogical rules had to be followed. Among the different literary or artistic movements that contributed to this trend, Futurism (1909) had a key position. Four were the main ideas developed by Filippo Tommaso Marinetti (1876-1944), its founder : 1) to reject traditions (in a radical tabula rasa), to repudiate the heritage of ancient times (museums, libraries, etc.) ; 2) to make place for the present time and especially for the future one, to praise modernity ; 3) to exalt the beauty of speedv, of danger, boldness, courage and rebellion ; 4) to glorify war. In his novel Mafarka the Futurist (1909)., these ideas were personified by a promethean hero. But Marinetti also praised crowds, revolutions, factory workers building steamers or planes. And contrary to Fascism that highlighted only the Dux figure, he proposed (in Gli Indomabili, 1922) an impossible dream : a society made up of Prornethei.
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2005
Nombre de lectures 34
Langue Français

Extrait

Maria Pia Di Bella
Prométhées futuristes
In: Communications, 78, 2005. pp. 151-162.
Citer ce document / Cite this document :
Pia Di Bella Maria. Prométhées futuristes. In: Communications, 78, 2005. pp. 151-162.
doi : 10.3406/comm.2005.2280
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_2005_num_78_1_2280Résumé
Au début du XXe siècle, une période d'effervescence a vu le jour en Europe, brisant des liens normatifs
qui semblaient indestructibles. Des jeunes gens se sont propulsés sur le devant de la scène politique
pour y jouer un rôle qui leur était en principe inaccessible de par les règles généalogiques. Parmi les
différents mouvements littéraires ou artistiques qui ont contribué à cette effervescence, le Futurisme
(1909) figure en bonne place. Les idées clés de Filippo Tommaso Marinetti (1876-1944), son porte-
parole, seront au nombre de quatre : 1) rejeter la tradition (dans une tabula rasa radicale), renier en
bloc l'héritage des temps anciens (musées, bibliothèques, etc.) ; 2) faire place au présent et surtout au
futur, chanter les louanges de la modernité ; 3) aimer la « beauté de la vitesse », le danger, la témérité,
l'audace et la révolte ; 4) exalter la guerre. Dans son roman Mafarka le Futuriste, (1909), ces idées
étaient incarnées par un héros prométhéen. Mais Marinetti fera aussi l'apologie des foules, des
révolutions, des ouvriers qui travaillent dans des industries lourdes pour construire paquebots ou
avions. Et contrairement au fascisme, qui poussera en avant la seule figure du Duce., il proposera un
rêve fou (dans La Nuit des Indomptables, 1922) : celui d'une société composée de Prométhées.
Abstract
At the dawn of the twentieth century, an era of effervescence started in Europe, breaking normative ties
that seemed to be everlasting. Dashing young men propelled themselves to the front of the political
scene to play a role that would have been beyond their reach if genealogical rules had to be followed.
Among the different literary or artistic movements that contributed to this trend, Futurism (1909) had a
key position. Four were the main ideas developed by Filippo Tommaso Marinetti (1876-1944), its
founder : 1) to reject traditions (in a radical tabula rasa), to repudiate the heritage of ancient times
(museums, libraries, etc.) ; 2) to make place for the present time and especially for the future one, to
praise modernity ; 3) to exalt the "beauty of speedv, of danger, boldness, courage and rebellion ; 4) to
glorify war. In his novel Mafarka the Futurist (1909)., these ideas were personified by a promethean
hero. But Marinetti also praised crowds, revolutions, factory workers building steamers or planes. And
contrary to Fascism that highlighted only the Dux figure, he proposed (in Gli Indomabili, 1922) an
impossible dream : a society made up of Prornethei.Maria Pia Di Bella
Prométhées futuristes
Au nombre de deux sont les romans de Filippo Tommaso Marinetti
(1876-1944) qui nous semblent intéressants dans la mesure où ils don
nent une idée claire du nouveau type d'homme que le mouvement appelé
Futurisme voulait susciter à deux moments bien précis de son histoire :
en 1909 pour ce qui est du premier roman, Mafarka le Futuriste, roman
africain., et en 1922 pour ce qui est du second, Gli Indomabili (le titre
de la traduction française, jamais parue, serait La Nuit des Indomptab
les). Cette comparaison aidera à faire comprendre non seulement l'évo
lution du mouvement futuriste mais, surtout, sa progressive phagocytose
par le fascisme.
L'année 1909 est pour Marinetti une année importante, celle où il fait
une percée remarquée sur une des places artistiques mondiales les plus
importantes, sinon la plus importante, de l'époque : Paris. En effet, le
quotidien Le Figaro publie le 20 février son Manifeste du Futurisme^
premier des innombrables manifestes que Marinetti et les futuristes feront
paraître jusqu'en août 1941. Mafarka le Futuriste^ sorti la même année,
reste à ce jour son roman le plus connu. Mais il est important, pour notre
propos, de commencer par le résumé des onze « objectifs » qu'il énumère
dans son manifeste, car non seulement ils sont illustrés de façon roma
nesque dans son Mafarka mais, de plus, ils resteront inscrits dans la
Weltanschauung futuriste.
Les voici, avec ses propres mots : chanter l'amour du danger ; affirmer
que les éléments essentiels de la poésie sont le courage, l'audace et la
révolte ; exalter le mouvement agressif, l'insomnie fiévreuse, le pas gymn
astique, le saut périlleux, la gifle et le coup de poing ; déclarer que
la splendeur du monde s'est enrichie d'une beauté nouvelle, la beauté
de la vitesse, et qu'une automobile de course est plus belle que la Victoire
de Samothrace ; chanter l'homme qui tient le volant ; dire au poète de
se dépenser avec chaleur, éclat et prodigalité, pour augmenter la ferveur
151 Maria Pia Di Bella
enthousiaste des éléments primordiaux ; décréter qu'il n'y a plus de
beauté que dans la lutte ; signaler qu'on est sur le promontoire extrême
des siècles où il n'est plus bon de regarder en arrière, car le Temps et
l'Espace sont morts ; vivre dans l'absolu, p^lisque l'éternelle vitesse
omniprésente a déjà été créée ; glorifier la guerre — seule hygiène du
monde -, le militarisme, le patriotisme, le geste destructeur des anar
chistes, les belles Idées qui tuent, et le mépris de la femme ; démolir les
bibliothèques, combattre le moralisme, le féminisme et toutes les lâchetés
opportunistes et utilitaires ; enfin, chanter les grandes foules agitées par
le travail, le plaisir ou la révolte, la vibration nocturne des arsenaux et
des chantiers sous les violentes lunes électriques, les gares, les usines, les
ponts, les paquebots, les locomotives et les aéroplanes (Lemaire, 1995,
p. 189-191).
Parmi ces impératifs, les plus importants sont, selon nous : la glorif
ication de la guerre, « seule hygiène du monde », qui va de pair avec le
militarisme, le patriotisme et le mépris de la femme ; l'éloge de la vitesse,
c'est-à-dire de l'automobile de course ainsi que du pilote qui, ensemble,
donneront naissance à un « centaure » d'un nouveau type, un « centaure
mécanique » ; la démolition des Idées et de la morale à travers la des
truction des livres, et, pour finir, la célébration des travailleurs d'industrie
(métallurgie, sidérurgie, automobile, aéronautique, etc.).
*
Regardons comment fonctionnent ces impératifs dans Mafarka le Futur
iste. Le roman se déroule en Afrique du Nord et parle de Mafarka
el-Bar, roi de Tell el-Kibir, qui aime la guerre, méprise les femmes et se
tourne vers le soleil lorsqu'il a besoin d'un conseil. Plusieurs épisodes se
suivent, censés montrer le courage exceptionnel de Mafarka. D'abord il
sauve des femmes laissées comme proies à des soldats, mais c'est pour
libérer ces derniers de leur esclavage vis-à-vis du sexe ; travesti en
mendiant, il pénètre à la cour de son adversaire, Brafane el-Kibir, pour
essayer de le subjuguer, d'abord avec des histoires fantastiques, ensuite
en le poussant à suivre une route qui l'amènera vers la défaite ; puis il
tue son oncle pour s'emparer du pouvoir. Mais la mort de son propre
frère, Magamal, le jette dans une crise profonde. Il décide finalement de
quitter son trône et d'apporter sa dépouille aux parents défunts dans le
monde souterrain de Kataletoro. Ces voyages, ces traversées contribuent
à sa transformation ; il a désormais le sentiment d'avoir enterré son
passé et de devoir préparer son futur. Dans un dernier discours, Mafarka
annonce à ses soldats qu'il est en train de construire un fils, un oiseau
152 Prométhées futuristes
mécanique, gigantesque et invincible, sans le concours ou la complicité
d'une femme, auquel il transmettra son âme dans un baiser. Les deux
derniers chapitres s'attardent sur les descriptions des préparatifs qui
transformeront son fils Gazourmah, le bel oiseau en bois aux ailes de
tissu, en oiseau immortel, « héros sans sommeil » à l'éternelle jeunesse.
D'un baiser, Mafarka lui insufflera la vie, avant d'en mourir, pour le
laisser libre de défier le soleil lors d'une grande bataille tellurique et de
devenir le patron du firmament.
Il est facile aujourd'hui, si l'on souhaite faire l'analyse de ce roman,
d'y déceler des élément

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