Qu est-ce qu un acte locutionnaire ? - article ; n°1 ; vol.32, pg 190-215
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Qu'est-ce qu'un acte locutionnaire ? - article ; n°1 ; vol.32, pg 190-215

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Description

Communications - Année 1980 - Volume 32 - Numéro 1 - Pages 190-215
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 34
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

François Récanati
Qu'est-ce qu'un acte locutionnaire ?
In: Communications, 32, 1980. pp. 190-215.
Citer ce document / Cite this document :
Récanati François. Qu'est-ce qu'un acte locutionnaire ?. In: Communications, 32, 1980. pp. 190-215.
doi : 10.3406/comm.1980.1485
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1980_num_32_1_1485François Rêcanati
Qu'est-ce qu'un acte locutionnaire ?
fin Austin de la septième commence conférence à développer de How la to théorie Do Things des with actes Words. de discours II distingue à la
alors l'acte locutionnaire — l'acte de dire quelque chose — et l'acte illocution-
naire qu'on accomplit nécessairement quand on dit quelque chose. Ces deux
actes ne sont distinguables que conceptuellement, parce qu'ils sont
aspects d'une seule et même réalité, l'acte de discours total : je ne puis
dire quelque chose sans eo ipso accomplir un acte illocutionnaire. Par
exemple : en énonçant la phrase « Georges viendra », je dis que Georges
viendra (acte locutionnaire), et en disant que Georges viendra j'avertis,
je constate, je menace, je conclus ou je prédis (acte illocutionnaire) ;
de même, en énonçant la phrase « viens donc » je te dis de venir (acte
locutionnaire), et en te disant de venir je te donne un ordre, une permission
ou un conseil, je te soumets une requête ou je te défie (acte illocutionnaire).
Dans la suite de cet article, je présupposerai une certaine familiarité du
lecteur avec la notion d'acte illocutionnaire, et je ne m'occuperai ni de la
définir, ni d'exposer les problèmes qu'elle soulève : seule va me retenir la
notion d'acte locutionnaire. Une mise au point la concernant présente un
double intérêt : d'une part, en effet, la théorie du locutionnaire est une
des parties les moins élaborées de la doctrine austinienne, et elle pose de
sérieux problèmes d'interprétation dont il convient au moins d'avoir
conscience ; d'autre part l'interprétation que je vais proposer, animée
par un souci plus théorique qu'exégétique, est adaptée aux récents dévelop
pements de la théorie des actes de discours et fournit un cadre adéquat
pour traiter le problème des actes de indirects et certains pro
blèmes apparentés (statut sémantique des performatifs explicites, etc.).
Dans la première section de cet article, j'expose l'analyse austinienne
de l'acte locutionnaire, en me fondant sur la huitième conférence de How
to Do Things with Words ; dans la deuxième section, je commente d'autres
indications que donne Austin concernant l'acte locutionnaire ; dans la
troisième section, je montre que ces deux types d'indications — celles
de la huitième conférence, et les autres — sont contradictoires. Je décris
ensuite trois attitudes que le théoricien des actes de discours peut adopter
face à la notion apparemment contradictoire d'acte locutionnaire : l'attitude
de Strawson (quatrième section), l'attitude de Searle (cinquième et sixième
sections) et, finalement, l'attitude que je préconise (septième section).
Cette attitude est, comme on le verra, inspirée par les développements
gricéens d' Austin. que la théorie des actes de discouis a connus depuis la mort
190 Qu* est-ce qu'un acte locutionnaire?
1. LES TROIS COMPOSANTS DE l'aCTE LOCUTIONNAIRE.
L'acte locutionnaire, consistant à dire quelque chose, est déjà un acte
qu' Austin décompose en trois sous-actes : l'acte phonétique, complexe,
l'acte phatique et l'acte rhétique. Pour dire quelque chose, il faut d'abord
que j'articule une certaine séquence sonore : c'est Y acte phonétique; il faut
encore que la séquence sonore articulée puisse valoir comme réalisation
d'une phrase du langage, et que je l'aie émise à ce titre : quand ces deux
conditions sont remplies, l'acte phonétique est aussi un acte phatique.
Austin appelle « phone » ce qui est énoncé au cours d'un acte phonétique,
et « phème » ce qui est énoncé au cours d'un acte phatique. Un perroquet
produit des phones, mais non des phèmes.
Le phème a nécessairement un sens : le phème est en effet une phrase
correcte, dont la construction relève de la syntaxe du langage, et les mots
de son vocabulaire (pour ne pas parler du patron mélodique, qui doit aussi
être conforme). Pour accomplir l'acte phatique, le locuteur doit savoir que
la phrase qu'il énonce a un sens, puisqu'il doit l'énoncer en tant qu'elle
a un sens, en tant qu'elle est une phrase correcte du langage ; mais il
n'est pas tenu de connaître ce sens. Quand, selon un exemple utilisé à
d'autres fins par Searle [1969, p. 44], un soldat américain capturé pendant
la guerre par les Italiens veut se faire prendre auprès d'eux pour un soldat
allemand et récite à cet effet une phrase allemande apprise par cœur dans
sa jeunesse (en espérant qu'eux ne savent pas l'allemand), il peut très
bien avoir oublié le sens de la phrase, il n'en fait pas moins un acte phatique,
dans la mesure où il prononce une séquence sonore qui est une phrase
allemande et dont il sait- qu'elle est une phrase allemande. Supposons
maintenant que la phrase en question signifie « Les citronniers sont en
fleur, et mon cœur est plein de joie ». Le soldat américain a-t-il, en l'énon
çant, dit que les citronniers sont en fleur et que son cœur est plein de joie ?
A-t-il accompli un acte locutionnaire ? Il ne semble pas. Enoncer une
phrase signifiant que p n'est pas automatiquement dire que p, et réciter
n'est pas parler. En d'autres termes, il ne suffit pas d'accomplir un acte
phonétique et un acte phatique pour accomplir un acte locutionnaire ;
il faut encore que renonciation puisse valoir comme acte rhétique *.
On ne peut accomplir un acte rhétique en énonçant une phrase dont
on sait seulement qu'elle a un sens : pour accomplir l'acte rhétique il faut
connaître le sens de la phrase et l'énoncer en tant qu'elle a, non pas un
sens, mais ce sens ; de plus, il faut actualiser ce sens en fonction de ce
qu'on veut dire. Si la phrase est ambiguë et a plusieurs sens, cette ambig
uïté ne doit pas en être une pour le locuteur, qui n'accomplit un acte
rhétique que s'il entend communiquer par cette phrase un sens déterminé
à l'exclusion de tout autre que pourrait avoir aussi, à la faveur d'une
1. L'acte phatique, selon Austin, présuppose l'acte phonétique, et de même l'acte
rhétique présuppose l'acte phatique. Dans cette mesure, on peut confondre sans danger
l'acte rhétique et locutionnaire, défini comme somme de l'acte phonétique, de phatique et de l'acte rhétique. Dans la suite de cet article, « acte rhétique » et
« acte locutionnaire » pourront souvent être considérés comme synonymes.
191 François Récanati
ambiguïté, le phème. Si le locuteur énonce la phrase « J'ai reçu le livre du
garçon », il doit vouloir dire soit qu'il a reçu le livre des mains du garçon,
soit qu'il a reçu le livre appartenant au garçon, soit qu'il a reçu le livre
écrit par le garçon, et il doit être en mesure de lever l'ambiguïté en pré
cisant sa pensée. De plus, s'il y a dans la phrase qu'il énonce — comme
c'est presque toujours le cas — des expressions référentielles, il doit avoir
l'intention en l'énonçant de référer à tel et tel objet par ces expressions,
et être en mesure éventuellement de préciser lesquels. Le locuteur doit,
en bref, assigner aux constituants du phème un sens et (s'il y a lieu) une
référence déterminés, pour qu'en accomplissant l'acte phatique il accomp
lisse aussi un acte rhétique, pour qu'en énonçant la phrase il dise quelque
chose.
Austin, on le voit, fait intervenir le sens à la fois au niveau du phème
et au niveau du rhème (le rhème étant ce qui est énoncé au cours d'un acte
rhétique). C'est qu'il y a deux sortes de sens, le sens déterminable du phème ' (= la signification linguistique de la phrase, éventuellement ambiguë)
et le sens déterminé du rhème (= le sens de l'énoncé). L. Forguson a fort
bien exposé la différence du sens phatique et du sens rhétique :

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