Quelques réflexions sur l anti-judaïsme chrétien au Moyen Âge - article ; n°3 ; vol.2, pg 355-366
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Description

Histoire, économie et société - Année 1983 - Volume 2 - Numéro 3 - Pages 355-366
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 16
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Gilbert Dahan
Quelques réflexions sur l'anti-judaïsme chrétien au Moyen Âge
In: Histoire, économie et société. 1983, 2e année, n°3. pp. 355-366.
Citer ce document / Cite this document :
Dahan Gilbert. Quelques réflexions sur l'anti-judaïsme chrétien au Moyen Âge. In: Histoire, économie et société. 1983, 2e
année, n°3. pp. 355-366.
doi : 10.3406/hes.1983.1329
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1983_num_2_3_1329ътг
QUELQUES REFLEXIONS SUR L'ANTI-JUDAISME
CHRETIEN AU MOYEN AGE*
par Gilbert DAHAN
Traiter, dans le temps nécessairement bref d'un exposé, le sujet qui m'a été proposé :
«Chrétiens et Juifs du 1er au XVIème siècle», tiendrait de la gageure ou de l'inconscience.
Certes, une solution élégante pour relever un tel défi pourrait consister en une approche
bibliographique, qui fournirait en même temps un grossier «état de la question». Elle
ne serait point illégitime : on sait combien se sont développés les travaux portant sur les
relations entre Chrétiens et Juifs et la part qu'y ont prise des savants tels que James
Parkes, Peter Browe, Jules Isaac, Marcel Simon, Bernhard Blumenkranz, Léon Poliakov
et quelques autres — que leur approche ait été historique au sens strict ou plutôt théo
logique, qu'elle ait été le fruit d'une réflexion studieuse ou le résultat d'une interroga
tion véhémente sur le destin du peuple juif (1). Pourtant, je ne choisirai pas cette voie.
Tout en rappelant ici ou là les travaux principaux sur tel ou tel point, je tenterai de vous
livrer une sorte de synthèse — ou, plutôt, une photographie aérienne qui, nécessairement,
sera imprécise, partielle et partiale. Et encore m'en tiendrai-je à la période que je con
nais le moins mal, le Moyen Age occidental — ce qui représente tout de même dix siècles
d'histoire et de rapports fluctuants.
En guise de préliminaires, quelques mises en garde sont, je crois, indispensables.
1 — Tout d'abord, le terme même qui désigne l'objet de cette étude pose problème :
l'ensemble des travaux présentés aujourd'hui est placé sous le signe d'une réflexion sur
V antisémitisme. Est-ce la bonne désignation ? Il est vrai que l'on emploie ce mot à tort
et à travers. Vous savez qu'il est de création récente, ayant été forgé lors de l'affaire
Dreyfus. Sa connotation essentielle est indubitablement raciste. L'antisémite voue sa
haine aux Juifs en tant que ceux-ci lui semblent constituer une race déterminée. On voit
ici déjà combien est inadéquat ce terme pour le Moyen Age, période pendant laquelle
les Juifs, quand ils sont persécutés, le sont au nom d'idées essentiellement religieuses ;
que des facteurs économiques expliquent souvent les explosions de rage anti-juive ne
* Communication présentée au colloque annuel de VInstitut de recherches sur les civilisations de
l'Occident moderne (Université de Paris-Sorbonne) du 19 mars 1983 sur V Antisémitisme : hier et au
jourd'hui.
1 . Les ouvrages des auteurs cités constituent la base de toute étude de l'anti-judaïsme chrétien :
J. Parkes, The Conflict of the Church and the Synagogue, Londres, 1934 ; P. Browe, Die Judenmission
im Mittelalter und die Pàpste, Rome, 1942 ; J. Isaac, Genèse de l'antisémitisme , Paris, 1956 ; M. Simon,
Verus Israel, Paris, 1948 ; B. Blumenkranz, Juifs et Chrétiens dans le monde occidental, 430-1096,
Paris-La Haye, 1960 ; L. Poliakov, Histoire de l'antisémitisme, t. 1 et 2, Paris, 1955 et 1961. 356 Gilbert DAHAN
change rien à l'affaire : seules des considérations religieuses justifient — aux yeux des
persécuteurs du moins, et nous verrons que sur ce plan même ils sont dans leur tort —
seules des considérations religieuses justifient les agressions contre le peuple juif. Le Juif
converti appartient dès son baptême à la famille chrétienne, et jamais son origine n'a
pu constituer un obstacle à l'ascension dans la société ou dans l'Eglise d'un ancien Juif.
A ma connaissance, une seule fois durant tout le Moyen Age se pose ce problème et
c'est dans les discussions autour du «pape juif», Anaclet II, à qui ses adversaires repro
chent clairement ses origines juives : saint Bernard, par exemple, déplore que «la sou
che judaïque occupe le siège de Pierre, au mépris du Christ» (2). Mais nous sommes dans
un contexte de polémique politicienne et, de toutes façons, malgré une étude récente (3),
cette question reste encore obscure : qu'en est 41 vraiment de l'origine juive d'Anaclet ?
Quels ont été les arguments de son parti en face de ces attaques ? Un autre exemple que
l'on pourrait m'objecter est la législation wisigothique, extrêmement dure à l'égard non
seulement des Juifs, mais aussi des prosélytes : bien que je déteste ce genre de parallèle,
je ne puis m'empêcher de rapprocher ces lois de celles de l'Allemagne nazie ou de la
France de Vichy. Mais je ne pense pas que la législation wisigothique soit le fruit d'un
racisme proprement dit. Les mesures contre les convertis s'expliquent par la faiblesse
du pouvoir royal, incapable de faire respecter ses décrets^ donc multipliant les mesures
répressives, et aussi par la persistance d'une résistance juive. En effet, le caractère rigou
reux des mesures prises par Sisebut, menant à l'alternative baptême ou exil, ne met pas
fin à la présence juive, comme en témoignent les lois mêmes de ses successeurs et l'i
mportance de l'établissement juif dès les débuts de la conquête arabe.
Enfin, la controverse sur le Verus Israel permet de clarifier le débat : la promulgation
d'une Loi nouvelle rend caduque l'ancienne et le caractère de peuple élu est transféré
du peuple juif au peuple chrétien. Mais, si l'ensemble des Chrétiens deviennent le vérita
ble Israël, ils n'oublient pas que les Juifs sont les descendants des élus de l'ancienne Loi.
Une certaine jalousie, pourrait-on dire, parcourt les textes de polémique, qui ne man
quent pas de mettre dans la bouche des Juifs leur fierté d'appartenir au peuple des pa
triarches et des prophètes, et certains textes théologiques rappellent les liens charnels
qui unissent le Christ au peuple juif. Il ne parait donc pas possible de parler de racisme
et d'antisémistisme au Moyen Age. Aussi emploierai-je le terme d'anti-judaisme, dont la
connotation est beaucoup plus spécifiquement religieuse.
2 — Une seconde observation préliminaire concerne encore le sujet même de cet ex
posé : je vais donc parler d'anti-judaisme — et de cela seulement. Autrement dit, mon
exposé ne concernera qu'un aspect de l'histoire juive. Je ne sais si cette remarque vous
paraît aller de soi. Mais, souvent, l'histoire juive a pu être considérée comme une histoire
de l'anti-judaisme — son récit étant celui des souffrances et des malheurs du peuplejuif.
Les historiens anciens ont été les premiers à donner cette orientation — et, en fait, ils
n'ont pas été bien compris. L'exemple le plus connu est celui de Joseph ha-Kohen, qui ' vécut en Italie au XVIème siècle et dont l'ouvrage principal, Emeq ha-bakha — La val
lée des larmes — est une chronique des souffrances juives pendant le Moyen Age et à
son époque ; on oublie souvent que cet ouvrage avait primitivement une destination l
iturgique, son auteur souhaitant qu'on le lût lors des offices du jour anniversaire de la
2. Ep. 139, éd. J. Leclercq et H. Rochais des Opera omnia, t. 7, Rome, 1977, p. 335.
3. A.Grabois, «From 'Theological' to 'Racial' Antisemitism : the Controversy of the Jewish Pope
in the 12th Century» (en hébreu), dans Z/on, 47 (1982), pp. 1-16. CHRÉTIEN AU MOYEN AGE 357 ANTI-JUDAISME
destruction des temples de Jérusalem, journée de deuil et d'affliction où sont également
commémorés les maux plus récents dont a souffert le peuple juif . Cependant, la tendance
à voir dans l'histoire des Juifs, surtout au Moyen Age, une «vallée de larmes» a longtemps
prévalu. Même si le sang et les larmes surabondent dans cette histoire, il n'y a pas que
cela : des historiens modernes, s'élevant contre cette histoire «larmoyante», ont mis
l'accent sur les hauts faits des Juifs, leur importance politique, économique ou sociale,
leur apport culturel (4). Un autre aspect, insuffisamment développé à

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