Recherches de patois et questions de linguistique - article ; n°4 ; vol.74, pg 535-565
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Description

Annales de Bretagne - Année 1967 - Volume 74 - Numéro 4 - Pages 535-565
31 pages

Informations

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Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

G. Guillaume
J.-P. Chauveau
R. Lagrange
Recherches de patois et questions de linguistique
In: Annales de Bretagne. Tome 74, numéro 4, 1967. pp. 535-565.
Citer ce document / Cite this document :
Guillaume G., Chauveau J.-P., Lagrange R. Recherches de patois et questions de linguistique. In: Annales de Bretagne. Tome
74, numéro 4, 1967. pp. 535-565.
doi : 10.3406/abpo.1967.2430
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391X_1967_num_74_4_2430G. GUILLAUME, J.-P. CHAUVEAU, R. LAGRANGE
RECHERCHES DE PATOIS
ET QUESTIONS DE STYLISTIQUE
II conviendrait peut-être dans un long préambule, de défi
nir ce mot passablement difïicultueux de « stylistique ».
Plutôt que de nous engager dans cette épreuve redoutable,
nous inviterons le lecteur à nous accorder d'entrée le bénéf
ice d'une simplification, et à s'en tenir d'abord à la pre
mière partie du titre : « recherches de patois» .
Dans un premier essai, j'écouterai des mots et des phrases
de Saint-Martin-sur-Oust. Puis nous rapporterons d'enquêt
es à travers le territoire de l'ALAR (Atlas linguistique
armoricain roman) quelques réponses à un des derniers
chapitres de notre questionnaire (chapitre W à orientation
« stylistique »), ou aussi bien des propos patois qui devront
plutôt illustrer le thésaurus que l'atlas. Enfin une dernière
partie pourra s'en tenir à présenter brièvement des échant
illons bazougeais, — c'est-à-dire quelques compositions,
diverses par le thème et le genre, de Mademoiselle Adèle
Denys.
Si je disposais d'un recueil de textes, ou, pour simplifier
encore, d'un texte en patois de Saint-Martin-sur-Oust qui
fût digne de quelque anthologie littéraire, quelle étude
« stylistique » pourrait être faite de cet enviable trésor ?
Cependant, écartons ou éludons cette hypothèse.
J'ai l'avantage de posséder, pour le « parler » de Saint-
Martin, un petit fichier de deux mille mots (et quelques cen
taines) diversement patois, recueillis la plupart en 1950.
J'essaierai d'évoquer, dans une intention stylistique mal
définie, quel intérêt ou quel charme je trouve à certaines
Téponses enregistrées, distinctions plus ou moins fines, défi- 536 PATOIS ET QUESTIONS DE STYLISTIQUE
nitions plus ou moins imagées, saveur de certaines phrases
en leur pittoresque, leur sagesse ou leur poésie.
Au seuil de mon étude, j'aurais peut-être à me demander
s'il y a plusieurs patois dans la commune et paroisse de
Saint-Martin.
Prenons un peu le large pour apporter des éléments de
réponse.
L'enquêteur est habitué à cette recommandation : « Vous
devriez aller dans telle commune voisine. Eux, ils parlent
patois. » Ou bien des personnes d'entre septante et octante
vous disent ingénument : « II faudrait aller consulter des
vieux. »
Plus intéressantes que ces réflexions propres à exercer
la patience, des réponses discernent une prononciation ou
un mot de la commune des formes usitées dans une région
limitrophe ou plus éloignée.
J'ai noté par exemple, à Saint-Martin, pour la dénomi
nation du « tour du champ qu'on ne laboure pas », de la
« chaintre », de la « cruère » : « keriëre /këryër/ » se dit
« kervëre à la mode de Carentouaï /kàrâtwài/ ». — Pour
ce mot je joindrai dès maintenant cette illustration phra-
séologique : « C'est un avaricioux /àvàrisyu/, il ne laisse
point de keriëre (car il laboure jusqu'au bord de la haie). »
Soit maintenant l'adjectif « teniërge » ou « tegnërge »,
que j'ai transcrit /tënërj/, au sens de « sombre, noir », en
parlant du temps : « i fait-i teniërge ! = qu'il fait sombre ! »
— Voici la glose : « mot bien connu à Saint-Martin, mais
comme étant de Peillac ou de Saint-Grave ». Ce sont des
communes limitrophes au sud ; — Carentoir est au nord.
La glose d'une appellation de tel « râteau (en bois) à
longues dents », transcrite /pihern/ ou /pi-èrn/, est ceci :
« mot connu à Saint-Martin, mais " non naturalisé " au sens
technique », — car il se dit par métaphore d'une femme
bavarde, méchante, sans ordre... : « vieille pihergne ! » ;
de même d'ailleurs, on dira d'un « oisel /wézè/ qui
s'épiouinse /s épiwês/ : oiseau qui crie », de « garçailles
qui s'ébrésent /gàrsâi ki sébréz/ = enfants qui crient » : ET QUESTIONS DE STYLISTIQUE Ô37 PATOIS
« tcheule (s) pihergne(s) ! — faut-il traduire par « quelle
scie ! » ?
Pour appeler tel récipient (mais était-ce bien de la même
forme ?), « les " Nantais" (entendez : les paysans venus,
il y a quelques dizaines d'années, de la Loire-Atlantique),
ça të des tchaoux /tchu/ (qu'ils disaient) ; nous, ça të des
ringeots /rêjô/ ».
Les " Nantais " avaient aussi apporté des faucilles plus
grandes et moins recourbées, des « radeuses » ; et le rang
coupé avec la grande faucille devenait une « radée » ; « les
radeuses, ça rade rak », c'est-à-dire qu'avec elles on coupait
ras, tandis que les faucilles plus petites, — et plus « ancien
nes » — , avec lesquelles on « sciait » (le seigle surtout)
poignées par poignées, les « poigne tteuses /pô/îètoéz/ »,
étaient employées pour couper à y»ë/, c'est-à-dire en lais
sant du glui. « Radeuse, radée, rader, /ràdoéz, ràdé, ràdë/
« n'auront-ils pas été mieux intégrés au lexique de Saint-
Martin que « tchaou s> ?
Pour nettoyer le four il fallait une guenille, ou un vieux
sac au bout d'une perche. Or, pour l'écouvillon, j'ai deux
dénominations : « le dalin » et la « nippe », avec les notes
suivantes : « Un seul témoin (jeune) m'a dit qu'il se rappel
ait avoir vu chez eux le bonhomme qui venait faire le pain
nettoyer le four avec deux écouvillons, dont l'un était sensé
être le plus propre. " Dalin " et " nippe " ont une distribu
tion géographique différente ; " nippe " est inconnu au Val,
c'est plutôt un mot de l'est de la commune ; un certain
nombre de gens connaissent les deux. » Les verbes corre
spondants sont « /dalinë/ (l(e) four) » et « /nipë/ ». Ont-ils
la même répartition que les substantifs ? Une métaphore,
d'usage occasionne], « cache ton dalin » signifiait « rentre
ta langue » ; on ajoutait parfois à l'adresse de qui tirait sa (sur la lèvre) : « ramasse ta lippe » (qui n'est pas
« nippe »). Voici enfin, pour en terminer avec ce mot, une
comparaison (à la disposition de beaucoup de locuteurs ?) :
« Y est naï (il est noir) comme un dalin de four. » (En
m'écartant du four, j'aurais à rapporter cette autre compar
aison « naï comme un chamaou », — à quoi telle interlo- PATOIS ET QUESTIONS DE STYLISTIQUE
cutrice a opposé que des chameaux ne sont pas noirs, —
sauf peut-être ceux de la crèche de l'église...) Faut-il privi
légier un mot des deux « dalin, nippe » (ou « daliner vs
nipper ») comme plus représentatif du vieux parler de
Saint-Martin ?
J'ai eu l'occasion de signaler déjà que des formes « bouëde
/bwëd/ = bouillir », — « couette /kwët/ (de balle ou de
plume, avant les matelas) » étaient des formes de l'ouest,
et qu'à l'est on disait plutôt « bouide /bwid/, — couitte
/kwit/ ».
D'autres séries pourraient-elles être portées sur un axe
non plus géographique ou horizontal, mais sur un axe dia-
chronique ou vertical ?
« D'août faï ça të demoux, assourci c'est crémoux », donc,
« autrefois », on employait pour « crémeux », l'adjectif
correspondant à l'ancien nom de la crème « la dëme ». (Je
crois avoir noté grimace et répugnance chez telle patoisante
en face de ce mot « dëme », — pour lequel l'étymologie
reporte à « duvet », ou plutôt à quelque « d

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