Ridicule ? L image ambiguë de saint Joseph à la fin du Moyen Âge - article ; n°39 ; vol.19, pg 96-111
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Médiévales - Année 2000 - Volume 19 - Numéro 39 - Pages 96-111
Ridiculous ? The Ambiguous Image of Saint Joseph in the Late Middle Ages - In the late Middle Ages, when theologians were starting to valorize the image of Saint Joseph and the first signs of devotion to the saint appeared, iconography sometimes represented him in an unfavorable light, often interpreted as derisive. The study of a corpus of iconographic documents, when compared with texts, shows however that this phenomenon was a minor one, and that in a way it has contributed to the valorization of the saint, even before the development of his cult.
À la fin du Moyen Âge, alors que saint Joseph commence à être mis en valeur par les théologiens et qu'apparaissent les premiers signes d'une dévotion à son égard, l'iconographie le représente parfois dans une position peu favorable qui a souvent été interprétée comme une façon de le ridiculiser. L'étude d'un corpus iconographique confronté aux textes montre que ce phénomène reste minoritaire, et qu'il contribue d'une cer taine façon à valoriser le personnage, avant même le développement de son culte.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 39
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Paul Payan
Ridicule ? L'image ambiguë de saint Joseph à la fin du Moyen
Âge
In: Médiévales, N°39, 2000. pp. 96-111.
Abstract
Ridiculous ? The Ambiguous Image of Saint Joseph in the Late Middle Ages - In the late Middle Ages, when theologians were
starting to valorize the image of Saint Joseph and the first signs of devotion to the saint appeared, iconography sometimes
represented him in an unfavorable light, often interpreted as derisive. The study of a corpus of iconographic documents, when
compared with texts, shows however that this phenomenon was a minor one, and that in a way it has contributed to the
valorization of the saint, even before the development of his cult.
Résumé
À la fin du Moyen Âge, alors que saint Joseph commence à être mis en valeur par les théologiens et qu'apparaissent les
premiers signes d'une dévotion à son égard, l'iconographie le représente parfois dans une position peu favorable qui a souvent
été interprétée comme une façon de le ridiculiser. L'étude d'un corpus iconographique confronté aux textes montre que ce
phénomène reste minoritaire, et qu'il contribue d'une cer taine façon à valoriser le personnage, avant même le développement de
son culte.
Citer ce document / Cite this document :
Payan Paul. Ridicule ? L'image ambiguë de saint Joseph à la fin du Moyen Âge. In: Médiévales, N°39, 2000. pp. 96-111.
doi : 10.3406/medi.2000.1497
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_2000_num_19_39_1497Médiévales 39, automne 2000, p. 96-111
Paul PAYAN
RIDICULE ? L'IMAGE AMBIGUË DE SAINT JOSEPH
À LA FIN DU MOYEN ÂGE
La situation peut paraître paradoxale : l'homme qui a été le plus
proche de la Vierge et de l'Incarnation, celui qui est le père nourricier,
le père « putatif » du Christ, c'est-à-dire désigné comme tel par la
société, cet homme ne bénéficie pas d'un culte officiel avant la fin du
XVe siècle1. Pourtant, les théologiens se sont souvent intéressés à saint
Joseph en abordant l'histoire de la Vierge ou la définition du mariage.
Saint Bernard, par exemple, a écrit quelques pages célèbres sur l'époux
de Marie2. Mais aucun de ces textes ne concerne directement saint
Joseph. Il n'existe que dans l'ombre de la Vierge, et sa présence n'est
justifiée que par la nécessité de lui donner une aide et un époux légitime
aux yeux des Juifs. C'est pourquoi il est pratiquement absent de la
prédication avant le XVe siècle. Il faut attendre l'action de Gerson en sa
faveur, et surtout l'insistance des franciscains, pour que saint Joseph
soit présenté aux fidèles comme un modèle, et que la dévotion à son
égard soit officialisée. Ce mouvement n'atteint son point culminant
qu'en 1870, lorsque le chef de la Sainte Famille est proclamé patron de
l'Église universelle.
Le développement tardif de la dévotion à l'époux de la Vierge
confère au personnage une position singulière dans l'image médiévale :
dépourvu d'une sainteté bien établie, mal défini par l'iconographie, et
pourtant omniprésent dans les scènes de l'Enfance du Christ, il apparaît
souvent en marge de la scène, comme un contrepoint humain au Myst
ère divin, un personnage en apparence sans relief mais qui laisse aux
1. La fête de saint Joseph au 19 mars apparaît dans le bréviaire romain au cours
des années 1480, sous le pontificat de Sixte IV, un pape franciscain, mais ce n'est qu'en
1621 qu'elle devient une fête de précepte. Pour l'histoire du culte de saint Joseph, la
seule synthèse importante reste celle de J. Seitz, Die Verehrung des hl. Joseph in ihrer
Geschichtlichen Entwicklung bis zum Konzil von Trient dargestellt, Fribourg-en-Brisgau,
1908. Pour une mise au point bibliographique récente, voir l'article de A. Dordoni, « Per
la storia délia devozione a san Giuseppe : indicazioni di metodo e linee di ricerca »,
Annali di Scienze Religiose, 1, 1996, p. 321-342.
2. Homelia II super Missus est. Bernard de Clairvaux, À la louange de la Vierge
Mère, J. Leclercq éd., Paris, 1993, p. 152-169 (Sources Chrétiennes, n° 390). AMBIGUË DE SAINT JOSEPH À LA FIN DU MOYEN ÂGE 97 L'IMAGE
artistes une grande liberté de traitement. À la fin du Moyen Âge, ce
« flou » iconographique a donné lieu à des images étonnantes où Joseph
est identifié à un paysan assez lourdaud, à un vieillard fatigué qui
s'occupe modestement des tâches matérielles ou contemple d'un air las
l'arrivée des rois mages. Ces images ont depuis longtemps intrigué les
historiens de l'art et les spécialistes d'histoire religieuse, qui y ont vu
une façon de se moquer de l'époux de la Vierge et, à travers lui, de
l'institution du mariage, sur le mode comique des Mystères - une « ridi-
culisation » comme l'écrit Jean Wirth3 -, un moyen de délasser le spec
tateur de la gravité de la scène principale en retrouvant la situation
typique des fabliaux, celle du vieux mari trompé. Or, si l'on quitte
l'histoire de l'art pour chercher dans les textes le personnage de saint
Joseph, on s'aperçoit qu'au moment même où surgissent ces images
étonnantes - essentiellement entre 1380 et 1430 - des théologiens, au
premier rang desquels Gerson, construisent une vision très aboutie de
l'époux de la Vierge, le plaçant même parfois au-dessus de Jean-Bapt
iste dans la hiérarchie céleste4. Les ordres mendiants, et surtout les
plus rigoureux d'entre eux, s'intéressent vite à ce personnage humble
et effacé, mais si proche de l'humanité du Christ. Dès 1324, les servites
de Marie adoptent sa fête à la date du 19 mars, suivis au milieu du
XVe siècle par les franciscains observants et les carmes.
Un personnage controversé
D'une part, un traitement iconographique qui semble parfois à la
limite de l'irrévérence, de l'autre les premières manifestations d'une
dévotion à son égard : deux tendances, deux phénomènes opposés, du
moins à première vue, incitant l'historien à s'interroger sur l'enjeu de
ce personnage au tournant des XIVe et XVe siècles. Or, la fracture qui a
longtemps existé entre histoire des textes et histoire de l'art a contribué
à transposer dans l'historiographie contemporaine ce décalage entre le
texte et l'image : d'un côté des historiens de l'art qui décrivent les
aspects « ridicules » dans la représentation du père nourricier du Christ5,
de l'autre des historiens de la théologie et de la spiritualité qui constatent
la promotion de son culte à la fin du Moyen Âge6. Dès lors, l'analyse
3. J. Wirth, L'image médiévale. Naissance et développements (vr-xv siècles),
Paris, 1989, p. 308.
4. Nous nous permettons de renvoyer à notre précédent article, P. Pay an, « Pour
retrouver un père... La promotion du culte de saint Joseph au temps de Gerson », dans
Être père à la fin du Moyen Âge, D. Lett dir., Cahiers de Recherches Médiévales (xur-
xv siècles), n°4, 1997, p. 15-29. Le présent article doit aussi beaucoup aux suggestions
du professeur Jacques Chiffoleau. Nous le remercions d'avoir bien voulu lire avec acuité
la première version de ce travail.
5. Par exemple L. Réau, Iconographie de l'art chrétien, Paris, 1958, t. m, vol. 2,
p. 753.
6. Voir le remarquable travail d'érudition effectué par les Cahiers de Joséphologie,
publiés depuis 1953 par l'Oratoire Saint-Joseph de Montréal. 98 R PAYAN
de l'iconographie de saint Joseph est extrêmement délicate, et a donné
lieu à des interprétations radicalement différentes, selon qu'elles insis
tent sur l'indépendance de l'image ou sur son rapport avec les textes.
Deux exemples nous paraissent assez significatifs de ces débats
historiographiques. Le premier est célèbre : il s'agit du retable de
Mérode où Joseph apparaît sur le panneau de droite, dans son atelier
de charpentier, alors que la scène centrale représente l'Annonciation7.
Un article bien connu de Meyer Schapiro, daté de 1945 et constamment
repris par la suite, a montré que Joseph était en train de fabriquer des
pièges à souris, allusion à la mé

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