Annales des Sciences de l Homme et de la Société
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Description

Les Annales des Sciences de l'Homme et de la Société sont une revue scientifique interdisciplinaire de l'Université Officielle de Bukavu, en République Démocratique du Congo. Elles publient les articles dans les domaines de Droit, de Science Politique, de Sociologie, d'Economie et de philosophie.

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Publié le 10 février 2012
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Langue Français

Extrait

Le stade de Kadutu : cellule de cohésion interculturelle ou sanctuaire des conflits tribaux à Bukavu ?
Amos Cishunguluka Kanani et John Habamungu Bashwira Assistants au Département de sociologie
Introduction La présente réflexion relève d’une angoisse existentielle qui se justifie par la persistance et la montée en flèche des logiques identitaires au sein des formations sportives à Bukavu. Certes, ce n’est ni nouveau ni typiquement « Bukavien » ce phénomène qui s’érige déjà en subculture car partout, chacun s’identifie d’abord par rapport à son groupe d’appartenance et la nature veut que l’on soit toujours du côté de quelqu’un ou d’un groupe. Il n’y a pas de mal à cela ! D’ailleurs, Colette Braeckman démontre que Mobutu manipulait l’ethnicité pour ses fins, il occasionnait pour ce faire des luttes ethniques pour mieux apparaître comme le garant de l’unité du pays.(1) L’observation que nous venons de faire au stade de Kadutu et dans le milieu de vie (cités) à Bukavu est la énième de son genre et aujourd’hui la question commence à être plus préoccupante qu’hier en ce que l’instrumentalisation de l’ethnicité en politique au Sud-Kivu a déjà pris place dans le sport (football) à Bukavu. Le constat fait état d’un regain de l’intolérance, d’un refus de concession, d’un refus d’acceptation mutuelle,… entre les fanatiques de deux formations sportives : Bukavu-Dawa et Muungano. Ces deux équipes sont constituées sur base des considérations tribales (Shi pour la première et Lega pour la seconde) et ces deux tribus sont les plus majoritaires dans la configuration tribale à Bukavu. L’on se rappellera que ce sont encore les deux tribus qui ont toujours gouverné la Province du Sud-Kivu, la logique étant que le gouverneur doit être un Shi et le vice-gouverneur un lega. Par-dessus tout, les comités qui gèrent lesdites équipes de football sont essentiellement composés d’individus de ces tribus là et à la tête de chaque comité on a un politicien de cette tribu. Jamais on ne peut compter un seul lega dans le comité de Bukavu-Dawa et vice-versa. Les fanatiques de Muungano sont en majorité les lega soutenus par les membres des tribus de la région de basse altitude de la province du Sud-Kivu (Babembe, Bavira, etc.) et pour l’autre camp (Bukavu-Dawa), les fanatiques sont les Shi, essentiellement de Walungu et Kabare soutenus par les Bahavu d’Idjwi et de Kalehe. A chaque rencontre (match) entre ces deux formations sportives l’on doit enregistrer des casses, des blessures, des injures, et tout récemment des pertes en vies humaines. Les rencontres finissent toujours à queue de poisson, les arbitres en sont les premières victimes qui écopent des coups de couteau et essuient des jets de pierres dans le camp des fanatiques et non des joueurs eux-mêmes. Or, pour essayer de limiter les tendances libertaires chez les joueurs comme chez les fanatiques et organisateurs, les règlements généraux et sportifs prévoient des sanctions à quiconque publiquement, rabaisse, discrimine ou dénigre une personne d’une façon qui porte atteinte à la dignité humaine en raison de la race, couleur, langue, religion, origine ethnique ou tribale et/ou toute autre forme de discrimination dans les installations sportives.(2) Paradoxalement, les rencontres opposant les autres équipes de la place outre les deux précitées sont pacifiques et sereines alors que les mêmes personnes qui fanatisent les deux premières équipes sont celles-là mêmes qui assistent à tous les matches.
1C. Braeckman,africaine, Burundi, Rwanda, Zaïre, les salines de la violence,Terreur Bruxelles, Fayard, 1996, p.69.
2FIFA,Les règlements généraux et sportifs de la Fecofa, art.50
Quant l’OC (Omnisport Club) Bukavu-Dawa reçoit une équipe visiteuse c’est-à-dire en provenance d’une autre province, les fanatiques de l’OC Muungano se rangent du côté du visiteur et si c’est Muungano qui reçoit le visiteur, les fanatiques de Bukavu-Dawa fanatisent l’équipe visiteuse. Il se pourrait que ce soit la même chose au Katanga où V.CLUB cohabite à couteaux tirés avec le DC Motema Pembe mais l’on doit tout de même mentionner que pour le cas de Bukavu, bien que meurtrières, les rencontres entre « Buda » et « Shalalile » sont les plus stimulantes, populaires, où l’on observe un engouement de plusieurs membres de ces deux équipes. Cet engouement profite financièrement pour une grande part à l’organisation qui gère le football en province. Cette démonstration du problème assortie du constat saillant suscite un questionnement : · OcPourquoi les rencontres sportives entre l’« OC et l’« » Bukavu-Dawa en » Muungano compétition sont toujours émaillées de troubles au Stade de Kadutu à Bukavu ? ·La composition de chacune de ces deux équipes en ressources humaines (les joueurs et les dirigeants) constitue-t-elle une menace à la cohésion socio-culturelle à Bukavu ? ·pour barrer la route à l’expansion des conflits à base tribaleQuelles mesures peut-on adopter chez les supporteurs (les dirigeants et les fanatiques) de ces deux formations et préserver la cohésion culturelle au stade de Kadutu à Bukavu ? En guise d’hypothèses, on peut penser a priori que : ·L’instrumentalisation de l’ethnicité par les politiques a fait tâche d’huile dans ces formations sportives où certains politiques veulent conserver une base solide et constituer une sorte de terreur en face des autres politiques. Les fanatiques Shi préféreraient troubler le déroulement de la compétition au cas où l’équipe des Lega se montrait déterminée à gagner et vice versa, en vue pour les uns de garder le même monopole qu’on a à la tête de la province et pour les autres de renverser la situation pour humilier ceux qui se croient grands ; ·La cohésion culturelle n’est pas menacée dans ces deux équipes qui incluraient des joueurs ayant la technicité, peu importe leurs tendances tribales. On peut compter quelques joueurs Shi dans l’équipe de Muungano et des joueurs lega dans l’équipe de Bukavu-Dawa ; ·La conception et l’application d’une sociothérapie après avoir pris conscience du danger et des enjeux de ces conflits au stade de Kadutu seraient d’une extrême urgence pour que ces deux formations continuent à se rencontrer, au nom d’une cohésion culturelle. ·Pour opérationnaliser notre étude, nous avons recouru aux techniques et à une méthode. Ainsi, la récolte des données a été rendue possible grâce aux techniques suivantes : ·L’observation désengagée : En tant que dirigeant d’une équipe affiliée à l’Entente urbaine de Bukavu et amateur du football, nous avons assisté à plusieurs rencontres sportives au stade de Kadutu où nous constatons l’engouement des fanatiques de deux camps lors des rencontres entre ces deux équipes ; les slogans scandés par les uns et les autres frisent l’hostilité, nous avons vu que le soutien qu’ils apportent à leurs équipes est manifestement indéfectible. Nous avons donc observé tout cela de l’extérieur sans nous impliquer dans les cuisines internes de chacune formation ; ·L’interview non directive a conduit à un débat, à une conversation avec nos unités d’enquête tirées des deux camps adverses et du camp neutre. Somme toute, cette technique vivante nous a fourni un certain nombre des données sur l’ensemble des problèmes soulevés par la question de départ ; ·L’échantillonnage par quotas nous a permis d’interroger à chaud (quelques instants après les troubles du 30 juin 2009 au stade) 10 individus (hommes) supporteurs de « Bukavu-Dawa », 10 supporteurs « Muungano », 7 individus neutres et 3 policiers ; soit au total 30 individus qui constituent notre échantillon. C’est un quota des Shi, des lega, des neutres,… tous du sexe masculin dans la mesure où les hommes sont en majorité écrasante, les plus présents au stade de Kadutu ; ·elle, incontournable, a fourni une base bibliographiqueLa technique documentaire quant à à cette analyse.
Pour analyser les données recueillies, nous avons recouru à l’analyse quantitative qui a permis de donner une valeur mathématique ou chiffrée aux données et à l’analyse qualitative (de contenu) pour interpréter les données. De même, l’usage d’une méthode structuro-fonctionnelle (fonctionnalisme systémique) de Talcott Parsons s’est imposé (3). Nous voulons comprendre et faire comprendre que le football est un tout, une totalité, comme d’ailleurs la ville de Bukavu elle-même. En effet, la domination que chacune de ces deux équipes concernées veut imposer à l’autre peut être expliquée par rapport à la configuration culturelle à Bukavu où les Shi sont numériquement plus nombreux que les Lega, les deux occupant la première place dans la configuration ; tandis que les autres tribus viennent numériquement après. Vouloir expliquer systémiquement la situation du football « Bukavien » revient à dire qu’en tant que système, le foot se maintient grâce aux fonctions utiles remplies par ses sous-systèmes (économique, politique, social et culturel). Les impératifs ou prérequis fonctionnels remplis par chaque sous-système peuvent ainsi être identifiés pour comprendre la fonctionnalité ou la dysfonctionnalité du système football à Bukavu. Le football génère des ressources (financières) à Bukavu. Quiconque fait son entrée au stade (excepté les officiels) doit payer son billet d’entrée qui varie entre 300FC et 2000 Fc (4) pour le match local. L’importance technique du match entraîne une importance populaire et de surcroît une augmentation des recettes. Effectivement, lorsqu’à l’affiche c’est « Bukauv-Dawa » qui va jouer avec « Muungano », l’engouement est plus remarquable ; cela est stratégiquement bénéfique pour la caisse de l’entente sportive. Les joueurs ou les équipes ayant joué ont droit à 70% des recettes réalisées, la Division de sport 13%, 5% pour la Direction générale des recettes administratives et domaniales (DGRAD), 6% pour l’organisation ou l’entente urbaine de Football et 6% pour les dépenses engagées notamment l’arbitrage, les soins médicaux, la police, la presse, l’impression des billets, etc. Notons que lorsque le stade fait le plein, le nombre de supporteurs est estimé à 16000 têtes avec possibilité pour un club de réaliser 1000$ de recettes par rencontre. Le football poursuit des buts diversifiés mais le but ultime est d’encadrer la jeunesse, rassembler cette dernière au nom d’une cohésion qui se veut inclusive, gage de concorde culturelle. Bien entendu, cet encadrement a aussi des visées utilitaristes dans la mesure où il s’agit de propulser les jeunes doués dans ce métier. C’est, au départ, un loisir mais dans l’avenir une profession. Le Football joue une fonction d’intégration. Cela revient à dire que ce sport doit s’approprier de tous ses membres, peu importe leurs tendances tribales. Cette fonction est très importante pour le maintien de tout système inclure tous ses membres quels qu’ils soient est une exigence pour la vie d’un système. Le foot est une affaire technique avant de revêtir d’autres considérations subjectives (logiques identitaires). Ça signifie que la technique ne peut pas être l’apanage d’un seul groupe tribal, quelle que soit son importance numérique et stratégique. A Bukavu, cette fonction semble être remplie au sein des équipes malgré le contexte de leur émergence (Tribu, village d’origine, commune, quartier,…). Nous le démontrons dans cette analyse. Enfin, le football contribuerait au maintien des normes et des valeurs culturelles à Bukavu. C’est cette fonction qui est en panne au stade de la concorde de Kadutu à Bukavu. Les normes et les valeurs connues par les parties sont transgressées à tout moment qu’on se laisse guider par des considérations tribales. Le fanatisme est un droit mais devrait être soumis à une réglementation pour favoriser la cohésion culturelle et l’intégration de tous dans ce tout appelé « football ».
3Cité par G. Rocher,Introduction à la sociologie générale, T2,Organisation sociale, Paris, MHM, 1968, p.176.
41$ = 900 Fc en juillet 2009
Les préjugés et stéréotypes orchestrés par des chansons triomphalistes, provocatrices à cause de leur caractère injurieux sont le reflet du dysfonctionnement dans le sous-système de latence (culturel) au sein du football à Bukavu. Nous nous proposons de baser notre analyse sur trois points, outre cette introduction et la conclusion. Dans le premier point nous exposons sur la composition tribale et la cohésion culturelle au sein de ces deux formations sportives ciblées, l’objectif étant de vérifier si la cohésion sociale est menacée par la configuration de l’équipe ; le deuxième point sera axé sur les raisons qui justifient la récurrence des troubles lors des rencontres entre « Bukavu-Dawa » et « Muungano », l’objectif étant de voir si ces troubles spontanés ne donnent pas déjà lieu à des conflits tribaux même en dehors du stade et dans le troisième point, nous proposons une sociothérapie afin de préserver la cohésion sociale dans la diversité culturelle à Bukavu et au stade de Kadutu. I. Composition Tribale de « Bukavu-Dawa » et « Muungano » et cohesion culturelle au Stade de Kadutu Nous savons déjà que chaque équipe a un comité élu pour un mandat de 3 et 5 ans et les animateurs de ces comités sont de la tendance qui a motivé la création de l’équipe. Si l’équipe est de la tendance Shi, le comité doit être composé des Shi et à sa tête une grande figure politique ou apolitique. Si l’équipe est de telle commune son comité doit provenir de cette commune-là et être chapeauté par un politicien originaire de cette commune. La question principale ici est de savoir si chaque tribu a ses propres joueurs pour constituer l’équipe de sa tendance. Les réponses obtenues de la part de nos enquêtés essayent d’apporter la lumière à cela. Nous sommes parti d’une question posée aux enquêtés en ces termes : « connaissez-vous l’origine tribale de chaque joueur régulièrement inscrit dans les équipes « Bukavu-Dawa » et « Muungano » ? Les réponses données par les enquêtés permettent de présenter la situation de la façon suivante : Tableau 1 : Origine tribale des joueurs de l’équipe « Bukavu-Dawa » de 2005 à 2009 Origine Période Effecti % tribale des f total joueurs20052006200720082009 Eff. % Eff. % Eff. % Eff % Eff % . Shi 23,3 37 24,11 36, 7 23, 6 20 6 20 7 6 3 6 Bembe1 3,3 1 3,3 1 3,3 7 1 3,3 3 10 4,6 Vira et 9 30 6 205 16, 8 26, 8 26, 24 36  Fuliro6 6 6 Tetela 1 3,3 5 3,3- - 2 6,6 2 6,6 - -Lega 13, 4 13, 43 10 3 10 4 12 13,3 18 3 3 Kinoise- - 1 13, 4 4 - 3,3 2 11 7,3 13,3 3 Lokele2 6,6 2 6,6 1 3,3 1 3,3 - - 6 4 Autres7 23, 5 16, 6 20 5 16, 5 16,6 28 18, (Rwandais3 6 6 6 , Burundais, Ougandai s) Luba 2 1,3 - - - - -1 3,3 1 3,3 -Total 100 15 30 100 30 10030 100 30 100 30 100 0
Source : Notre enquête au stade de la concorde et au bureau urbain des sports et loisir.
Il ressort du tableau 1 que les joueurs de l’équipe « Bukavu-Dawa » ne sont pas de même origine tribale et ne sont pas tous des Shi. Au cours de cinq dernières années, les joueurs shi n’y représentent que 24,6% et constituent la 1èreressource, suivis des joueurs Bavira et Bafuliro avec 24%, les Rwandais, les Ougandais et les Burundais ont intervenu à l’ordre de 18,6% pendant que les Barega ont occupé le quatrième rang des joueurs de l’OC Bukavu-Dawa. On comprend donc que la donne tribale qu’on essaie de valoriser dans le fanatisme ne concerne pas la configuration tribale des joueurs. Ces derniers s’identifient, non par leur origine tribale, mais par leurs qualités techniques, leur savoir-faire sportif,… c’est ainsi que tout en alignant 30 joueurs pour une saison sportive, les joueurs originaires d’Uvira se sont distingués des autres par leur titularisation suite à la technicité dans l’OC Bukavu Dawa. Nous pouvons aussi constater l’inclusivité dans la configuration tribale de l’équipe de « Bukavu-Dawa ». Ceci prouve déjà qu’aucune tribu n’a ses propres joueurs, la question du football étant technique, elle n’est pas une affaire de sang, de tribu,… c’est pourquoi, parfois, une équipe A peut recruter un mercenaire jugé fort dans l’équipe B même si A et B sont des équipes opposées (c’est le cas du joueur Mwepu recruté par l’OC Bukavu-Dawa chez Muungano). Tout de même, « Bukavu-Dawa » et « Muungano » ont toujours importé un ou des joueurs rwandais comme mercenaires, peu importe les péripéties politiques entre la RDC et le Rwanda. C’est un bon dépassement pour la concorde et la cohésion sociale au sein de la jeunesse sportive pour l’intégration de chacun. Nous pouvons alors retenir que la configuration tribale de l’équipe « Bukavu-Dawa » ne constitue pas en soi une menace contre la cohésion culturelle en son sein, dans la mesure où il y a coexistence de plusieurs tribus qui œuvrent harmonieusement au nom d’un goal et d’une victoire. Est-ce aussi le cas dans l’équipe de « Muungano » ? Tableau 2 : Configuration tribale de l’équipe de football l’OC « Muungano » de 2005 à 2009 Origine Période Effect % jdesu rs20052006200720082009Toitf al oue Ef % Ef % Ef % Ef % Ef % f f f f f Lega 2 66, 1 63, 1 60 1 60 1 56, 92 61, 0 6 9 3 8 8 7 6 3 Bembe 2 6,6 4 13, 3 10 2 6, 5 16, 16 10, 3 6 6 6 Vira et 2 6,6 2 6,6 3 10 3 10 3 10 13 8,6 Fuliro Kinoise - - - - - - 3 10 - - 3 2 Shi 1 3,3 1 3,3 1 3,3 1 3, 2 6,6 6 4 3 Lokele 1 3,3 - - - - - - - - 1 0,6 Luba - - 1 3,3 1 3,3 - - - - 2 1,3 Autres 4 13, 3 10 4 13, 3 10 3 10 17 11, (Rwand 3 3 3 ais, Burunda is, ouganda is) Total 3 10 3 10 3 10 3 10 3 10 150 10 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 Source : Notre enquête au stade de la concorde et au bureau urbain de sports et loisir.
Au regard du tableau n°2, nous constatons que l’équipe « Muungano » est aussi inclusive que « Bukavu-Dawa , à raison de 61,3% des Lega, talonnée par les mercenaires avec 11,3%, les » Bembe avec 10,6%, les Vira-fuliro 8,6% alors que les Bashi ne viennent qu’à la 5e position avec 4%.Par ailleurs, d’après nos informateurs (Shi, Lega,…) aucun joueur de la tribu Shi n’est recruté par transfert dans l’équipe de « Muungano ». Cette équipe préfère recruter ailleurs que dans l’OC Bukavu-Dawa. En outre, dans l’OC Muungano, les joueurs Bashi montent difficilement si pas rarement sur la liste de 16 ou 18 joueurs appelés à monter sur l’aire de jeu. Mais, il convient de se demander pourquoi on peut compter des joueurs Lega dans l’équipe « Bukavu-Dawa » qu’on attribue aux Shi alors qu’il n’y a qu’un joueur Shi dans l’équipe « Muungano » chaque année. En effet, deux types d’explication de ce phénomène nous sont venus des deux camps. Pour les Shi (supporteurs), il y a rejet des Shi dans « Muungano » qui ne peut recruter que des joueurs Lega pour garder sa vraie identité et certains joueurs de la tendance linguistique similaire ou presque (alliés) notamment le FC Orgaman, l’AC Mozende. Donc, même si un joueur Shi manifestait le désir de jouer dans l’équipe « Muungano », il ne peut pas prétendre être accepté car on verra en lui un agent destructeur de l’identité. Ceci est l’explication de 10 supporteurs de « Bukavu-Dawa » enquêtés, soit 36% de notre échantillon. Pour les Lega interrogés à ce sujet, 8 sur 10, soit 80%, les Shi ont un entêtement, un mépris à l’égard des Lega et estiment que c’est un rabais pour un Shi de jouer dans une équipe des « Chiens », des « Singes », et que c’est même une trahison de leur identité. On peut déjà comprendre que les supporteurs de ces deux formations sportives développent des attitudes de rejet et s’échangent des injures en s’identifiant les uns les autres aux animaux tels que « chien », « singe » pour désigner les lega et « vache » pour désigner les Shi. Nous avons vu précédemment que dans l’équipe « Bukavu-Dawa » il y a quelques Lega ; ces derniers y ont toujours joué et combinent bien avec les joueurs Shi. Mais, un joueur lega du nom de « Jeannot Witakenge » avait un jour été exhorté de faire son entrée dans « Bukavu-Dawa », l’équipe la plus forte en ce temps là. Il a répondu que « même si toutes les équipes disparaissaient et qu’il ne restait que l’OC « Bukavu-Dawa », il ne peut pas porter la varaise « Noir-blanc » (de cette dernière équipe). Cette réponse frise le tribalisme et empêche aux uns et aux autres d’exploiter l’aspect professionnel du football en tant que cadre opportun de rencontre des cultures différentes pour une synthèse en termes de cohésion. Ces attitudes des fanatiques qui ne sont pas forcément celles des joueurs nous font dire avec Yves Lacoste que « la grande majorité des pays africains sont traversés des conflits ethniques et régionaux qui, dans certains cas, mettent en cause la survie même de l’entité politique. La conscience nationale paraît bien faible et seconde par rapport aux solidarités ethniques » (5) Au regard de cette situation et à la lecture des tableaux 1 et 2, nous pouvons comprendre que la donne tribale est plus aiguë en direction des Shi dans l’équipe « Muungano » qui ne peut pas recruter un Shi, tandis que dans « Bukavu-Dawa », la donne tribale est potentialisée par la domination qu’elle assure sur les autres équipes en général et sur « Muungano » en particulier mais qui ne supporte pas le succès de l’équipe sœur. Tout de même, la configuration tribale de « Muungano » étant inclusive des autres tribus exceptée la tribu Shi, elle menace la cohésion culturelle entre les fanatiques de cette équipe et ceux de l’équipe « Bukavu-Dawa ». Cela fait peur aux Shi et les pousse à prendre distance. Les actes de vandalisme à l’occasion des rencontres sportives sont tributaires d’un certain nombre de facteurs que nous nous proposons de dévoiler dans le point suivant. II. Etiologie des conflits pendant les rencontres sportives de « Bukavu-Dawa » contre « Muungano » au stade de Kadutu Avant d’aborder ce point, il importe d’abord de dire un mot sur l’origine des conflits entre Bukavu Dawa et Muungano.
5Y. Lacoste,Unité et diversité du Tiers-monde, Paris, Maspero, 1980, p.7.
II.1. Historique des conflits au stade et leurs conséquences connues Pour Rudolf Rezsohazy, le conflit est une donnée historique. C’est depuis Caïn et Abel ; frère et sœur, époux, jeune et vieux, voisins, tribus, classes, ethnies, pays etc. se disputent quand ils poursuivent des objets contradictoires. Tout ce qui attire : nourriture, richesse, prestige, pouvoir, personne d’autre sexe et ce qui est rare peut devenir objet d’opposition (6) Alain Birou quant à lui précise qu’il existe une situation de conflit chaque fois que deux ou plusieurs personnes, groupes sont en antagonisme déclaré, en désaccord violant, à l’occasion d’intérêts ou d’idées qui les opposent. Le conflit définit une situation de lutte où chacun des adversaires utilise divers moyens pour contraindre l’autre à capituler dans ses ambitions (7) Pour le besoin de ce travail, nous nous limitons au conflit entre l’OC Bukavu Dawa et l’OC Muungano considérés à tort ou à raison comme les deux grandes équipes de la ville de Bukavu par leurs supporteurs. Le conflit entre ces deux équipes remonte à l’époque coloniale. Les membres supporteurs de ces deux équipes se définissent fortement par leur appartenance ethnique et par conséquent ils s’engagent dans la concurrence entre leurs groupes ethniques et ceux des autres ethnies (8) Fondé en 1950, le Bushisport, actuel Bukavu-Dawa, a servi de cadre pour l’unification des Bashi et a abouti à la création de l’union des ressortissants du Congo pour la défense et la promotion du Congo en août 1959, mais celle-ci n’aura pas de lendemain car incapable de concilier le chef traditionnel (Mwami Kabare) et l’autorité coloniale (Mpozu). D’où la création d’un véritable parti politique (le Regroupement de l’Est du Congo, RECO en sigle) en mars 1960. Sous la conduite de Dieudonné Boji et Edmond Rudahindwa, le RECO aura le soutien de la coutume avant de s’étendre sur Uvira, Kaziba et Kalonge. A Bukavu, les intellectuels Bashi qui espéraient trouver dans cette organisation une opportunité de promotion sociale et d’accession à des postes politiques y avaient adhérer sans problème. L’union des enfants de Rega (UNERGA), actuel OC Muungano a été créée en 1949 à Bukavu afin de regrouper tous les warega de Bukavu quelle que soit l’origine territoriale. Devant l’effervescence politique de la veille de l’indépendance, cette association culturelle et sportive va se glisser timidement en politique sous la houlette de Jean Marie Kititwa élu président de l’équipe en 1959. Pour participer aux élections du pays, le comité directeur transforma l’UNERGA en parti politique de Rega en avril 1960. N’étant pas suffisamment représentée dans les institutions du pays, l’UNERGA se verra écartée du Gouvernement Miruho. Les oppositions entre les Bashi et les Barega se manifestent également en 1963 lors des élections communales car l’UNERGA n’obtiendra que deux sièges sur 94 tandis que le cartel CEREA-RECO gagnait 35 sièges. Avec tant d’échecs, les leaders Rega ont découvert que l’élément tribalo-ethnique de l’UNERGA n’était plus de mise. Il fallait donc adhérer à un parti aux dimensions nationales pour avoir une audience sur le plan national. C’est dans ce contexte politique qu’ont évolué les deux formations sportives précitées car non seulement elles constituaient de bases politiques pour les leaders originaires mais aussi qu’il fallait monter des stratégies pour paraître forte et grande par rapport à l’autre. Dans le but d’atténuer la dose tribale dans ces équipes, on a exigé à ces équipes de changer leur dénomination. D’où le remplacement de Bushisport par le nom de l’OC Bukavu-Dawa et de l’UNERGA par l’OC Muungano.
6R.Rezsohazy,Pour comprendre l’action et le changement politique, Bruxelles, Duculot, 1996, p.190.
7A. Birou,Vocabulaire pratique des sciences sociales, Paris, ouvrière, 1962, p.70.
8Milenge Wimba, les manifestations des logiques identitaires à travers les formations sportives à Bukavu, mémoire, L2 Sociologie, C.U.B, 2001-2002
II.2. Les causes des conflits au stade Pour réunir des éléments probants sur les conflits « Bukavu-Dawa » et « Muungano » à l’occasion de leurs rencontres au stade, nous avons posé une question aux enquêtés. C’est celle de savoir « Qu’est-ce qui, selon vous, fait que les matchs entre ces deux équipes soient toujours problématiques et conflictuels à Bukavu ? ». Plusieurs raisons ont été soulevées par nos enquêtés comme le montre le tableau 3. Tableau 3 : Raisons explicatives des conflits entre « Bukavu-Dawa » et « Muungano »lors des compétitions sportives.
Raisons évoquées
Effectif % s Echange d’injures entres les fanatiques 7 23,3 Tribalisation du football par les politiciens 12 40,0 La peur réciproque de ces deux équipes 9 30,0 traditionnellement fortes Autres raisons 2 6,6 Total 30 100 Source : Notre enquête au stade de Kadutu Au regard du tableau 3, la première raison qui justifie la conflictualité des rencontres sportives entre ces deux équipes est la tribalisation du football par les politiciens, la deuxième et non la moindre est la peur que chaque équipe a envers l’autre compte tenu de leur rapport des forces, la troisième, conséquente de la deuxième, c’est l’échange des injures de part et d’autre. Nous passons en revue ces raisons constituant l’étiologie de la conflictualité des rencontres sportives entre ces deux formations. II.2.1. Tribalisation du football par des politiciens Nous avons précisé auparavant que chaque formation sportive à Bukavu et peut-être ailleurs en R.D.C, a comme président une autorité politique de la même tribu que celle qu’on attribue à l’équipe (étant donné aussi que ces équipes s’identifient soit par les milieux dans lesquels elles sont nées soit par les tribus de leurs comités). C’est ainsi que l’équipe « Bukavu-Dawa » est identifiée comme appartenant aux Shi de Kabare et Ngweshe ; celle de « Muungano » est identifiée comme réunissant les Lega de Mwenga et Shabunda. En fait, ces mêmes politiciens qui financent beaucoup d’actions sportives instrumentalisent la tribu à travers les joueurs et les supporteurs, pour se créer une base solide et faire peur aux autres politiciens. Illustrons cette situation par le fait que les politiciens s’arrangent pour présider à la destinée de beaucoup de clubs qu’ils ont transformés en base politique. Ils sont conscients de l’enjeu que représentent une équipe et l’unité des fanatiques (Supporters) pour mener la campagne et briguer un mandat politique. Ainsi, les hommes politiques s’affrontent à travers les formations sportives sur l’aire de jeu (le stade de la concorde). Certains ont été élus comme représentants du peuple à l’Assemblée Nationale grâce à leurs équipes. C’est le cas de S.MB., président de l’omnisport club Bukavu-Dawa et de J.M.B.K, président de l’omnisport club Muungano Shalalile. D’autres ont réussi à la députation provinciale toujours grâce à leurs équipes comme B.K.M. (épouse de N.E., président du F.C.I.S., etc.). D’autres encore préparent leurs bases en se faisant élire à la tête de nombreuses équipes de football en perspective des futures élections il s’agit des politiciens comme le sénateur B.N, président du FC Kivu ? Le ministre N.B.K président de la J.S.B. Ces équipes tribalisées constituent un positionnement pour les politiciens qui n’ont à gagner que dans les luttes entre des individus ou entre groupes d’individus. C’est pour autant dire que le fanatisme dans ce football est une autre manière de battre campagne en mobilisant les liens ethniques et en les utilisant stratégiquement pour défendre les intérêts. Ces
fanatiques sont donc un instrument dont se servent certains politiciens pour troubler l’ordre public ou à la limite inquiéter les adversaires. Philippe Braud extrapole les débats instrumentalistes et note à juste titre l’existence des différences objectivables et repérables entre des groupes d’individus. Pour lui, si ces différences n’existaient pas, il serait difficile de les créer de toutes pièces et malaisé de les instrumentaliser, de les exacerber avec efficacité.(9) Ce sont donc les différences qui sont à la base de l’instrumentalisation. Les différences démographiques entre les Shi et les Lega à Bukavu entraînent des différences sur le plan du pouvoir politique et cette situation est récupérée dans le sport. Somme toute, on peut se rendre à l’évidence de la réalité selon laquelle la tribalisation du football à travers ces deux équipes est stimulée par des enjeux stratégiques.
II.2.2. La peur réciproque des deux équipes En tant que grandes équipes de la place traditionnellement reconnues (même si d’autres ont commencé à prendre l’ascenseur), chacune d’elle a peur de l’autre. Plusieurs fois « Muungano » a emporté la coupe provinciale en battant « Bukavu-Dawa » et plusieurs fois cette dernière a eu la victoire sur l’autre dans des rencontres houleuses. Depuis un temps, chaque fois que c’est « Muungano » qui marque le premier but « Bukavu-Dawa » ne doit plus marquer pour égaliser. Il suffit que cela arrive pour que les supporteurs de « Muungano » se jettent dans le stade pour troubler la continuité de match, d’autres blessent les arbitres et les supporteurs de l’autre camp par des jets des pierres,… Le match se termine à queue de poisson. C’est par crainte que l’égalisation ne puisse donner lieu à la défaite face à l’équipe opposée. Ces attitudes prouvent que l’esprit sportif est englouti par des considérations bellicistes animées par le tribalisme. Cette peur réciproque a pour préoccupation de renverser les perspectives. « Bukavu-Dawa » veut monopoliser sa domination sur l’autre qui veut que les choses tournent en sa faveur, même quand ce n’est plus imaginable. Cette peur est aussi tributaire de l’obligation que la boîte de commande de chacune de ces deux équipes fait porter aux joueurs : celle de gagner à tout prix le match ! Quand c’est une autre équipe qui fait la victoire contre « Mungano » ou contre « Bukavu-Dawa » il n’y a aucun bruit de guerre. C’est seulement le match contre « Bukavu-Dawa » et « Muungano » qu’il faut gagner si l’on est du côté de l’un ou l’autre camp ; dans le cas contraire, il vaut mieux empêcher le déroulement de la rencontre. Cette peur ne signifie en rien l’unité dans la diversité, c’est la peur de l’un de se voir dilué dans l’autre. C’est comme si chacune de ces équipes se décide de dire, comme Néron : « Qu’ils me haïssent, cela importe peu, pourvu qu’ils me craignent ».(10) A cause de cette peur préméditée, préfabriquée par les uns et les autres, le match se convertit en champ de bataille, chaque camp veut « restaurer l’ordre » par le recours aux pierres, bâtons et non à la technique. Tout ce qui aiguillonne cette peur réciproque n’est que cette fausse idéologie déjà développée par ceux qui veulent diviser pour bien régner. Elle consiste, en effet, à contester le résultat quand il ne favorise pas tel, à refuser d’être vaincu par tel ou tel autre, etc. II.2.3. Echange d’injures entre fanatiques Toute guerre ethnique commence par des discours injurieux, haineux, sur base des stéréotypes. Pour les fanatiques de « Bukavu-Dawa », les joueurs et les supporteurs de « Muungano » sont des chiens, des signes comme ils proviennent des régions forestières ; tandis que pour les fanatiques de « Muungano », les joueurs et les supporteurs de « Bukavu-Dawa » sont des vaches, des domestiques,… comme ils proviennent des régions montagneuses. Ces injures sont véhiculées par des chants nourris, moyennant tambours, sifflets et trompettes, pour provoquer 9P. Braud,Sociologie politique,5èmeEd. Paris, LGDJ, 2000, p.82.
10 par F.Abibi Azapane M., CitéSur les sentiers de la paix dans la région des Grands Lacs, Kisangani, éd. F.U.E.D. 1999, p.9.
l’autre camp, pour anéantir sa vigilance vis-à-vis des objectifs poursuivis. On peut illustrer cette attitude par de chanson du genre : « Kabila mubaya, kunguta ! » Pour dire qu’il faut abattre la mauvaise tribu. La spontanéité avec laquelle ces injures sont proférées permet de confirmer avec Poutignat et Streiff-Fenart que « l’ethnicité est une construction sociale de l’appartenance, situationnellement déterminée et manipulée par les acteurs ».(11) Ces chants triomphalistes ne sont pas le reflet de la paix et de la concorde culturelle au stade. C’est une manifestation des conflits, de non paix, gage de l’insécurité,… Ce type de fanatisme est incompatible avec la démocratie, et surtout tant qu’il ne prêche pas la « tolérance réciproque ». Comme instruments de provocation, ces injures constituent des antivaleurs qu’on fait passer pour des valeurs à Kadutu, la grande commune populaire. On peut se demander pourquoi les différents responsables des formations sportives n’osent pas se prononcer sur ces actes de vandalisme posés par les supporteurs de leurs équipes. Leur silence ne signifie pas qu’ils en sont ignorants, ils sont complices et se réalisent à travers ces déviations. Le stade est en proie aux violences à tel point que le monde du football à Bukavu devient le prolongement du monde politique. De cette provocation par des injures, s’entretient une atmosphère d’hostilité dont la gestion peut un jour poser problème. Personne ne sait clairement si ces conflits tribaux au stade ne feront pas un jour irruption dans les milieux de vie des supporteurs. Dans tous les cas, comme l’a bien vu feu le président Kennedy, « rien n’est irréalisable sur cette terre, à condition que nous le fassions ensemble ». (12) En clair, ce deuxième point de notre analyse a permis de faire l’étiologie de la conflictualité entre ces deux équipes en compétition. L’on retiendra que le football est victime de la politisation, eu égard à la manière dont il est tribalisé, instrumentalisé par les politiciens. Donc, si la configuration tribale des équipes ne menace pas la cohésion culturelle parce qu’inclusive, il convient cependant de noter que la situation ou le degré de conflictualité, après avoir fait son étiologie, est à même de menacer la concorde, la cohésion des cultures au stade de Kadutu. Qui en tirerait profit ? Face à ces contradictions internes, il est utile de trouver des mécanismes réalistes étant entendu que ce sont déjà des problèmes concrets pratiques, ils nécessitent une prescription en guise de thérapeutique adéquate. Conclusion et recommandations Les sentiments de répulsion et d’attraction sont fonction d’affinités interindividuelles. En partant d’une observation directe, nous avons rendu intelligible la situation de conflictualité récurrente lors » des rencontres sportives entre les équipes « Bukavu-Dawa » et « Muungano en vérifiant leur composition tribale qu’il faut mettre en relation avec la cohésion culturelle au sein de ces équipes. Les résultats de l’enquête ont renseigné que les configurations tribales desdites équipes sont inclusives, sauf que Muungano devrait admettre quelques athlètes shi dans l’avenir. Elles ne sont donc pas de nature à détruire la cohésion dans ces équipes. L’étiologie des conflits examinés a montré que trois raisons majeures sont à la base des troubles lors des rencontres sportives de ces deux formations sportives : la tribalisation du football par des politiciens qui veulent avoir une base arrière, la peur réciproque entre ces deux équipes et l’échange d’injures à travers des cantiques de haine pour provoquer les uns et les autres. Ces faits sont tellement graves qu’ils requièrent une intervention réaliste. C’est ce qui nous pousse à émettre les recommandations suivantes : ·les dirigeants de « Bukavu-Dawa » et de « Muungano ».le dialogue réunissant les comités ou Ils devront se dire la vérité sans complaisance car, comme le soutien J.P. Sartre, le meilleur comportement d’un intellectuel en temps de crise est qu’il faut « Prendre position ». Ce 11P.Poutignat et S. Fenart.Théories de l’ethnicité, Paris, PUF, 1995, p.166.
12 J. Kennedy, cité par F.Abibi Azapane,Op.Cit.,p.7.
faisant, ces dirigeants d’équipes vont forger dans leurs structures des génies constructeurs de la paix en vue de réduire l’aliénation sociale et déclencher le processus d’une libération définitive. Les débats pourraient porter sur les oppositions d’intérêts du système sportif et non des tribus. Ce dialogue ne doit pas être conçu comme un tribunal mais comme un moment de partage d’expériences sur les dérapages que leur action a déjà produits à Bukavu. · enLa réconciliationtranscender la logique du vainqueur et du vaincu et celle du vue de renversement des perspectives. Certes, chaque camp pourrait dénoncer l’œuvre instrumentaliste des politiciens pour sauver l’avenir du foot à Bukavu ; ·En attendant que ces deux premières prescriptions soient observées, que les rencontres sportives de « Bukavu-Dawa » et « Muungano » se passent à « stade fermé », chaque fois  qu’ils auront violé précédemment le règlement, c’est-à-dire sans présence des supporteurs (malgré le manque à gagner que cela peut entraîner) et qu’elles soient télévisées ; ·Que les règlements généraux et sportifs soient imposés à tous sans complaisance. ·Les politiciens manipulateurs de l’ethnicité au sein de ces formations sportives devraient savoir que c’est un retard de continuer à compter sur les divisions interethniques pour espérer gagner des postes politiques dans un pays qui aspire à la démocratie et à un Etat de droit. Nous leur suggérons de renoncer à cette stratégie, de se comporter en rassembleurs de toutes les communautés ethniques car, par exemple, ce serait une grande fierté pour un politicien Shi d’avoir des voix dans le camp des Rega et aussi pour un politicien Rega de réaliser des voix dans le camp des Shi à l’occasion d’une élection. Ce serait un indicateur important de la cohésion sociale et même de la réconciliation. Cela pourrait également dissiper la peur réciproque et forger dans les supporters des attitudes de collaboration. En définitive, dans cette situation de conflits tribaux alimentés par des logiques identitaires, la solution durable passe par l’homme qu’il faut préparer à un changement de mentalité et de comportement, étant admis que la paix que nous recherchons dans toute organisation sociale est fondée à la fois sur notre discipline personnelle et sur la culture des valeurs humaines. Tout compte fait, les acteurs doivent choisir de faire du stade de Kadutu un cadre propice de refondation de l’unité culturelle, car comme le pense Edgar MORIN, « l’ordre est un désordre voulu ».(13)
Bibliographie -Birou, A., Vocabulaire pratique des sciences sociales,Paris, ouvrière, 1962. -Braeckman, C.,Terreur africaine, Burundi, Rwanda, Zaïre, les salines de la violence, ,llseruxeB Fayard, 1996. -Braud, Ph.,Sociologie politique, 5èmeEd. Paris, LGDJ, 2000. -F.Abibi Azapane M.,sur les sentiers de la paix dans la région des Grands Lacs, Kisangani, éd. F.U.E.D. 1999. -FIFA,Les règlements généraux et sportifs de la Fecofa, art.50 -Guy Rocher,Introduction à la sociologie générale, T2,Organisation sociale, Paris, MHM, 1968. -Lacoste, Y., Unité et diversité du Tiers-monde, Paris, Maspero, 1980. -Milenge Wimba,Les manifestations des logiques identitaires à travers les formations sportives à Bukavu, Mémoire, L2 Sociologie, C.U.B, 2001-2002. -Morin, E., cité par F. Abibi Azapane,Sur les sentiers de la paix dans la région des Grands Lacs,Kisangani, éd. F.U.E.D, 1999. -Poutignat, P. et Streiff-Fenart,Théories de l’ethnicité, Paris, PUF, 1995. 13Cité par F. Abibi Azapane,Op.Cit.,p.8.
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