De l analogique au digital. À propos de sociologie du langage et/ou sociolinguistique et/ou linguistique - article ; n°1 ; vol.89, pg 125-137
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De l'analogique au digital. À propos de sociologie du langage et/ou sociolinguistique et/ou linguistique - article ; n°1 ; vol.89, pg 125-137

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Description

Langage et société - Année 1999 - Volume 89 - Numéro 1 - Pages 125-137
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 222
Langue Français

Extrait

Louis-Jean Calvet
Lia Varela
De l'analogique au digital. À propos de sociologie du langage
et/ou sociolinguistique et/ou linguistique
In: Langage et société, n°89, 1999. Ethnométhodologie et analyse conversationnelle. pp. 125-137.
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Calvet Louis-Jean, Varela Lia. De l'analogique au digital. À propos de sociologie du langage et/ou sociolinguistique et/ou
linguistique. In: Langage et société, n°89, 1999. Ethnométhodologie et analyse conversationnelle. pp. 125-137.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lsoc_0181-4095_1999_num_89_1_2887De l'analogique au digital
À propos de sociologie du langage
et/ou sociolinguistique et/ou linguistique
Dans un article récent*, Gabrielle Varro revenait sur ce qu'elle pré
sentait comme « toujours le même vieux débat », celui de la distinc
tion entre la sociolinguistique et la sociologie du langage. Nous lai
sserons de côté le prétexte de sa réflexion (deux ouvrages portant le
même titre, Sociolinguistique) pour n'en retenir que l'essentiel. Elle
voyait en effet dans le refus de certains linguistes d'abandonner la
sociologie du langage aux sociologues la trace d'une crainte des pre
miers de se voir envahir par les seconds, ou le refus d'un débat sur les
rapports à la fois entre langue et société et entre linguistique et socio
logie. Le choix exclusif de l'appellation sociolinguistique, l'évitement
de sociologie du langage, constitueraient ainsi une sorte d'exclusion
des sociologues, interdits de séjour sur le territoire de la langue qui
resterait réservé aux seuls linguistes.
Cette façon de poser le problème des rapports entre sociolinguis
tique et sociologie du langage, très marquée par la qualité de son
auteur (une sociologue qui travaille sur le langage), n'épuise pas le
sujet et, surtout, ne le prend pas à sa racine. Nous voudrions repartir
de la "généalogie" des deux syntagmes pour proposer ensuite un
autre regard sur ce débat.
Gabrielle Varro, « "Sociolinguistique" ou "sociologie du langage" ? Toujours le
même vieux débat ? À propos de deux ouvrages intitulés Sociolinguistique », Langage
et société, n° 88, juin 1999 : 91-97.
© Langage et société n° 89- septembre 1999 126 DÉBAT
I - Généalogie des deux termes
Lorsque Marcel Cohen publie en 1956 ses Matériaux pour une sociologie
du langage, il écrit dans son avant-propos: « D fallait tenir compte à la
fois de toutes les espèces de langages et de toutes les espèces de sociét
és, des actions des langages dans et sur la société, des manières dont
les sociétés agissent sur les langages » (tome 1 : 8). Pourquoi « toutes
les espèces de langages » et non pas « de langues »? Et que changerait-
on dans ce passage en remplaçant trois fois langage par langue ? Cohen
ne s'explique guère sur ce point et son avant-propos pourrait laisser
penser que les deux termes sont synonymes. Ce flou terminologique
est étonnant lorsqu'on se rappelle qu'à l'époque dominaient les dis
tinctions introduites par Ferdinand de Saussure entre langage, langue
et parole. Mais Cohen ne cite guère (qui n'apparaît que
quatre fois dans son livre, une fois en bibliographie et trois fois en
notes de bas de page). Sa longue collaboration avec Antoine Meillet
(qui est lui, cité vingt-cinq fois) en particulier pour la réalisation des
Langues du monde, ainsi que ses positions marxistes (membre du Parti
Communiste Français - Cohen collabore régulièrement à son organe,
l'Humanité) - laissent penser qu'il se situe face à Saussure sur les
mêmes positions critiques que Meillet. Mais quel sens donne-t-il donc
à langue et langage ? Il y a pour lui le langage, les langages et les langues,
sans que la différence entre langages et langues soit très claire. C'est bien
sûr le pluriel qui fait ici problème : on comprendrait une distinction
entre le langage et les langues, mais Cohen parle également des lan
gages. Traitant par exemple, sous le titre « Les compartimentages
sociaux et les variétés de langage », des langues dans la ville, il évoque
à la fois les villes macédoniennes « où des quartiers différents sont
occupés par des éléments de langue slave, grecque, turque, tsigane »,
ou les villes du monde arabe où « les juifs groupés dans un quartier à
part ont un parler arabe différent de celui de leurs voisins musul
mans » (1 : 131) ; toutes ces formes sont donc pour lui des langages, ce
qui reviendrait à dire que le choix de son titre, Matériaux pour une socio
logie du langage, ne fait pas pour lui de sens particulier, ou du moins ne
s'oppose pas à d'autres formulations possibles.
Quinze ans plus tard, dans son additif à l'avant-propos, rédigé
pour la réédition de l'ouvrage (1971) Cohen indique que le terme 127 DÉBAT
sodolinguistics s'est répandu aux USA, qu'il est passé en français,
c'est-à-dire qu'il prend acte de l'apparition d'une autre appellation,
soriolinguistique, et non pas d'une autre science ou d'une autre
approche. Il semble ignorer que le terme sodolinguistics est ancien,
remontant à la fin des années 30, et indique simplement qu' « acces
soirement » il « a reçu droit de cité en français ».
Les deux syntagmes qui nous retiennent sont donc nés l'un en
France et en français {sociologie du langage), l'autre aux Etats Unis et en
anglais {sodolinguistics), ils sont d'abord synonymes puis, ayant cha
cun été traduit vers l'autre langue {sociology of language, sociolinguist
ique), ils sont entrés en concurrence (on aurait pu imaginer que l'un
remplace l'autre, qu'il n'en reste qu'un seul). C'est-à-dire qu'ils n'ont
pas à l'origine été proposés de façon oppositive, comme un certain
nombre de couples (langue/ parole, synchronie /diachronie, syntag-
me/ paradigme, etc.) mais séparément, et qu'ils ont dû coexister.
Ainsi, lorsqu'en novembre 1966, Dell Hymes remet son rapport sur la
sociolinguistique au Social Science Research Council, il signale
qu'elle est enseignée sous les noms de linguistique, langue et culture,
sociolinguistique, sociologie du langage et comportement linguistique...
Cette coexistence, qui ne semble pas gêner outre mesure Marcel
Cohen, a mené d'autres auteurs à les différencier. Joshua Fishman
par exemple publie successivement Readings in the sociology of lan
guage (en 1968) et Sodolinguistics (en 1970) mais il s'arrêtera final
ement à la première formule pour nommer l'ensemble du domaine.
De nos jours cependant, la distinction le plus souvent proposée
entre les deux est radicale : la sociologie du langage serait un secteur
de la sociologie, la sociolinguistique un secteur de la linguistique (ou
une certaine linguistique, ou la linguistique). Mais on ne semble pas
s'interroger sur le fait de savoir si ce n'est pas la dualité lexicale qui
aurait créé cette dualité de territoires ou de sciences de rattachement,
si l'héritage des deux syntagmes (des deux signifiants) n'avait pas
poussé à leur donner des signifiés différents. C'est pourtant, nous
semble-t-il, ce qui s'est produit. Il s'est passé sensiblement la même
chose lorsque, face au couple politique/planification linguistiques (tr
aduction en français de l'anglais language policy et language planning),
les Québécois ont tenté d'imposer en français politique et aménagement 128 DÉBAT
linguistiques. Ce dernier terme aurait pu remplacer planification, ou
être remplacé par lui, mais les deux coexistent et certains ont
aujourd'hui tendance à distinguer entre politique/ planification/
aménagement. Au demeurant, et quelle que soit la façon dont les
appellations sociolinguistique et sociologie du langage sont apparues, le
débat sur les champs qu'elles désignent, sur les disciplines aux
quelles elles se rattachent et sur les appareils heuristiques qu'elles
impliquent reste légitime, et c'est à ces questions que nous voudrions
maintenant en venir.
2 - Le digital et l'analogique
La vogue dans les années 1950 et 1960 de la linguistique structurale,
discipline qui a servi un temps de modèle à d'autres sciences comme
l'anthropologie, l'ethnologie, la sociologie, voire une certaine psychan
alyse, tenait essentiellement au fait qu'elle donnait l

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