Le système du pouvoir en Islam d après Ibn Khaldûn - article ; n°3 ; vol.35, pg 534-550
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Annales. Histoire, Sciences Sociales - Année 1980 - Volume 35 - Numéro 3 - Pages 534-550
The Islamic system of power according to Ibn Khaldûn A. Cheddadi The Muqaddima of Ibn Khaldûn, a Maghribi historian of the 14 th century (1332-1406) contains a model of human society which is at the same time a theory concerning the relationship between urban and rural pastoral societies. It is appropriate to study Ibn Khaldùn's conception of the Islamic political system within the framework of this model. One of the key concepts for understanding this model is the notion o/jâh, a concept which escaped the attention of modern scholars. Jâh straddles between the social and the psychological ; it evokes notions of prestige, of social rank as well as the aura of power and its fascination. It is a multifunctional concept which simultaneously takes into account the political contest, the dynamics of social structuring and the mechanism for the distribution of economic surpluses. It is related to the concept o/mulk (which does not designate an institution, but the reality of a supreme power over a human group of the broadest possible extent) as the other side of the same phenomenon of central power. A detailed analysis of the concepts o/mulk and jâh allows the author of this article to propose a model for the system of power in Islam as it emerges from the works of Ibn Khaldûn and more particularly from the Muqaddima.
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 55
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Abdesselam Cheddadi
Le système du pouvoir en Islam d'après Ibn Khaldûn
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 35e année, N. 3-4, 1980. pp. 534-550.
Abstract
The Islamic system of power according to Ibn KhaldûnA. Cheddadi The Muqaddima of Ibn Khaldûn, a Maghribi historian of the 14
th century (1332-1406) contains a model of human society which is at the same time a theory concerning the relationship
between urban and rural pastoral societies. It is appropriate to study Ibn Khaldùn's conception of the Islamic political system
within the framework of this model. One of the key concepts for understanding this model is the notion o/jâh, a concept which
escaped the attention of modern scholars. Jâh straddles between the social and the psychological ; it evokes notions of prestige,
of social rank as well as the aura of power and its fascination. It is a multifunctional concept which simultaneously takes into
account the political contest, the dynamics of social structuring and the mechanism for the distribution of economic surpluses. It is
related to the concept o/mulk (which does not designate an institution, but the reality of a supreme power over a human group of
the broadest possible extent) as the other side of the same phenomenon of central power. A detailed analysis of the concepts
o/mulk and jâh allows the author of this article to propose a model for the system of power in Islam as it emerges from the works
of Ibn Khaldûn and more particularly from the Muqaddima.
Citer ce document / Cite this document :
Cheddadi Abdesselam. Le système du pouvoir en Islam d'après Ibn Khaldûn. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations.
35e année, N. 3-4, 1980. pp. 534-550.
doi : 10.3406/ahess.1980.282653
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1980_num_35_3_282653LE SYSTEME DU POUVOIR EN ISLAM
D'APRÈS IBN KHALDÛN
De la société humaine, Ibn Khaldûn propose un modèle très simple, mais dont
on n'a pas jusqu'ici tiré toutes les conséquences. Deux états sont distingués, qui
sont en même temps les deux grands stades d'évolution de l'Homme : la badàwa
(état de la société agro-pastorale), première et originelle — logiquement et
historiquement — , proche de la nature (at- tab' ou at-tabi'a), simple et ne réalisant
que le nécessaire (ad-darùri), en un mot, « être en puissance » ; la hadàra (état de
la société urbaine), seconde et dérivée, complexe, préoccupée du superflu, où
s'accomplit Г « être en acte » de la société. Le destin du 'umràn (civilisation dans
le sens large) est d'osciller, selon une loi implacable, entre ces deux stades. Mais,
alors que la progression de la badàwa vers la hadàra réalise une courbe
ascendante et positive, le mouvement inverse, à l'image du cycle naturel de la vie,
dessine une courbe déclinante et négative. Si les hommes sont nés agriculteurs et/
ou pasteurs, la civilisation urbaine remonte elle aussi à la nuit des temps. Ce qui
est historiquement donné et qui apparaît ici ou là sous l'espèce d'une société
urbaine florissante ou d'un agglomérat de tribus « sauvages » (wahshiyya), ne
constitue donc, aux yeux d'Ibn Khaldûn, qu'un moment de ce cycle dont les
phases d'évolution sont inéluctables.
Rapportées à ce modèle, les analyses khalduniennes de la société appliquées à
des cas concrets acquièrent une immense portée théorique. Elles permettent de
poser dans toute sa généralité, à un moment précis de l'histoire, le problème des
rapports, dans le vaste monde de l'Islam, entre deux systèmes de civilisation, deux
modèles de société : l'un, qui remonte à la révolution néolithique, est basé sur
l'agriculture et/ ou le pastoralisme ; l'autre, dérivé du premier, est fondé sur le
commerce et une production artisanale plus ou moins large et diversifiée. A
travers ce qu'en dit Ibn Khaldûn, ces deux systèmes étaient, d'évidence, perçus
comme autonomes et concurrentiels, voire opposés, avec une prétention certaine
à l'hégémonie du côté du système urbain.
A ce titre, la Muqaddima est doublement précieuse : d'un côté, elle indique le
véritable terrain sur lequel il faut placer l'étude de l'Islam en tant qu'expression,
après les premières expériences gréco-romaine et byzantine, de la civilisation
urbaine montante dans le monde de la Méditerranée ; elle offre, de l'autre, la
534 CHEDDADI LES REPRÉSENTATIONS DU POUVOIR A.
première et probablement la seule tentative jamais faite de produire une théorie
des rapports entre ordre urbain et ordre agro-pastoral.
/. Le jâh, une notion méconnue
Dans le Maghreb du xive siècle, l'autorité, associée au plus grand prestige,
portait fièrement son nom. Elle n'allait pas sans une manifestation bruyante,
prolixe. Sa légitimité, elle semblait avant tout la tenir de son être-là, de
l'immédiateté de sa manifestation, avec son apparat et sa pompe \ la dignité et la
gloire qui en émanent. Et, pour la désigner dans son être-pour-les-autres, elle
avait un nom : le jàh.
Cette notion clé pour la compréhension du système politique de l'Islam, tout
particulièrement au Maghreb, est paradoxalement passée inaperçue des historiens
modernes. C'est que, comme celle de 'açabiyya, elle semble essentiellement vécue
au niveau de l'implicite et, de ce fait, n'apparaît que rarement dans la littérature
historique. A ce refoulement, il y a sans doute des raisons liées à l'idéologie
« officielle » du pouvoir en Islam, plus préoccupée de théologie et de
jurisprudence que d'analyse sociale. Un simple survol de l'évolution sémantique
du terme jàh (que l'on situe ici dans le contexte du Maghreb) suffit cependant à en
faire apparaître toute l'importance.
D'après le Lisàn 2 (deuxième moitié du xine siècle), Xejàh désigne « la position,
le rang tenu dans l'entourage du sultan » ; le mot serait, selon le grammairien Ibn
Jinnî 3, obtenu par métathèse à partir de wajh, dont le sens premier est : face,
visage. Wajh, employé au singulier comme dans l'expression rajulun wajh, est
donné comme synonyme de jàh; au pluriel, comme dans les expressions wujûh
al-balad et wujûh al-qawn, il renvoie à l'idée ď honneur, surtout lié à la naissance.
De wajh à jàh est ainsi marquée la première phase d'une évolution bien antérieure
au хше siècle, où se reflète l'apparition, à côté du groupe, d'une nouvelle source
de légitimation du prestige et de l'autorité : la souveraineté du sultan 4.
Dans les dictionnaires arabes modernes 5, on ne trouve plus, pour jàh, aucune
référence au pouvoir central ; mais la signification du mot s'enrichit de nouvelles
nuances dans l'arabe parlé, celui du Maroc notamment 6. Celles-ci se manifestent
dans des expressions telles que y à jàh nnbi (que — par son jâh — le Prophète me
(nous) vienne en aide) etjàb Ijàh (faire jouer une intercession — qui peut être, soit
l'intervention d'un homme de prestige, soit un présent) ; et, dans le même sens,
cette formule que chantent les femmes de Fès avant de laisser fuser leurs
youyous : là jâh y la jàh siydnâ Muhammad, Alláh m'a jjàh V'âli (il n'y a de jàh
que celui du Prophète Muhammad ; Dieu est avec le jâh le plus haut). Nuances
importantes qui signalent l'intervention d'une nouvelle source de l'autorité et du
prestige : l'appartenance à la famille du Prophète, phénomène historiquement
connu sous le nom de chérifisme. Mais l'ancien contenu de la notion de jàh n'en
est pas pour autant perdu ; on le retrouve dans un terme tout à fait différent, celui
de kelma 7.
Cette importance de la notion de jàh n'a pas échappé à Ibn Khaldûn : dans
toute son œuvre, il en fait un usage constant, notamment dans la Muqaddima, où
il lui consacre des pages d'un extrême intérêt, l'élevant au niveau d'un concept
opératoire. Il est vrai que le terme jàh n'apparaît pas très souvent chez les
contemporains d'Ibn Khaldûn. Il en est de cette notion comme des autres concepts
535 .
L'ISLAM ET LE POLITIQUE
que Г hist

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