Sur le pouvoir: un chapitre polybien de Salluste (à propos de Cat., 2, 1-6) - article ; n°1 ; vol.27, pg 717-729
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Sur le pouvoir: un chapitre polybien de Salluste (à propos de Cat., 2, 1-6) - article ; n°1 ; vol.27, pg 717-729

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Publications de l'École française de Rome - Année 1976 - Volume 27 - Numéro 1 - Pages 717-729
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Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Antoinette Novara
Sur le pouvoir: un chapitre polybien de Salluste (à propos de
Cat., 2, 1-6)
In: L'Italie préromaine et la Rome républicaine. I. Mélanges offerts à Jacques Heurgon. Rome : École Française de
Rome, 1976. pp. 717-729. (Publications de l'École française de Rome, 27)
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Novara Antoinette. Sur le pouvoir: un chapitre polybien de Salluste (à propos de Cat., 2, 1-6). In: L'Italie préromaine et la Rome
républicaine. I. Mélanges offerts à Jacques Heurgon. Rome : École Française de Rome, 1976. pp. 717-729. (Publications de
l'École française de Rome, 27)
http://www.persee.fr/web/ouvrages/home/prescript/article/efr_0000-0000_1976_ant_27_1_1832ANTOINETTE NOVARA
SUR LE POUVOIR: UN CHAPITRE POLYBIEN DE SALLUSTE
(À PROPOS DE CAT., 2, 1-6)
Le deuxième chapitre de la Conjuration de Catilina comporte une
esquisse de l'histoire du pouvoir dans les Etats, un aperçu historique sur
l'impérialisme et une réflexion générale sur les transferts du pouvoir.
« 1. Igitur initio reges - nam in terris nomen imperi id primum fuit -
diuorsi pars ingenium, alii corpus exercebant; etiam turn uita hominum
sine cupiditate agitabatur, sua cuique satis placebant. 2. Postea uero quam
in Asia Cyrus, in Graecia Lacedaemonii et Athenienses coepere urbis atque
nationes subigere, lubidinem dominandi causam belli habere, maxumam
gloriam in maxumo imperio putare, turn demum periculo atque negotiis
compertum est in bello plurumum imgenium posse. 3. Quod si regum
atque imperatorum animi uirtus in pace ita ut in bello ualeret, aequabilius
atque constantius sese res humanae haberent, neque aliud alio ferri neque
mutari ac misceri omnia cerneres. 4. Nam Imperium facile is artibus retinetur
quibus initio partum est. 5. Verum ubi pro labore desidia pro continentia
et aequitate lubido atque superbia inuasere, fortuna simul cum moribus
immutatur. 6. Ita Imperium semper ad optumum quemque a minus bono
transfertur. « Donc, au début les rois, car ce fut là en premier le nom
du pouvoir dans le monde, déployaient, diversement, une partie leurs
qualités intellectuelles, les autres leurs forces physiques; alors encore la
vie des hommes se passait sans ambition, chacun se contentait de ce
qu'il avait. Mais, après qu'en Asie Cyrus, en Grèce les Lacédémoniens
et les Athéniens ont commencé à soumettre les villes et les nations, à
trouver dans leur goût de la domination une cause de guerre, à penser
que la plus grande gloire réside dans le plus grand empire, alors seulement
l'expérience et la pratique firent reconnaître que c'est l'esprit qui, dans
la guerre, a le plus grand rôle. Et si la valeur de l'âme x des rois et des
1 Salluste a usé de l'expression animi uirtus dans le premier chapitre (§ 5): «sed diu
magnum inter mortalis certamen fuit uine corporis an uirtute animi res mütaris magis ANTOINETTE NO VARA 718
gouvernants se manifestait autant dans la paix que dans la guerre, le cours
des affaires humaines se montrerait plus régulier et plus constant, et l'on
ne verrait pas tout aller à la dérive, ni tous ces changements et boule
versements. Car le pouvoir se conserve facilement par les vertus grâce
auxquelles il a été acquis au début. Mais quand ont fait irruption, à la place
de l'effort, l'indolence, à la place de la maîtrise de soi et de l'esprit
d'équité, la débauche et l'arrogance, la fortune change en même temps que
les mœurs. Ainsi le pouvoir passe toujours du moins bon au meilleur » 2.
Le thème du pouvoir a été introduit et abordé par la théorie de la gloire
avec laquelle commence l'ouvrage. La gloire ne se conquiert que grâce à
l'esprit exerçant, comme il le doit, le pouvoir sur le corps. Mais la gloire
militaire est-elle obtenue grâce à l'esprit? Comme les exploits guerriers cons
tituent l'un des principaux titres de gloire d'un citoyen, sinon le premier3,
la question s'est imposée à Salluste. Pour lui, la démonstration que « c'est
l'esprit qui, dans la guerre, a le plus grand rôle » a été réalisée par les
conquérants et maîtres d'empires. Avant de répondre ainsi à la question
qu'il a soulevée à propos de la force physique et de la valeur de l'esprit
dans l'art militaire 4, Salluste a jugé bon de remonter aux origines du pouvoir
dans l'Etat; il s'en est procuré l'occasion en évoquant la période où l'impé
rialisme n'existait pas encore et où n'avait pas été faite la démonstration
procederei». Karl Büchner (Salitisi, Heidelberg, 1960, ρ: 96) établit simplement au sujet de la
«Geisteskraft» l'équivalence: animi uirtus = ingenium. Avec subtilité A. D. Leeman (Sallusts
Prolog und seine Auffassung von der Historiographie. I. Das Catilina proömium, Mnemosyne,
ser. IV, VII, 1954, p. 325) avait écrit que «l'esprit est comme intellectualisé en ingenium,
tandis que uirtus à travers l'association avec animus est spiritualisée». Dans l'édition qu'il a
5e éd. 1962) traduisait procurée de la Conjuration, Alfred Ernout (Paris, Belles Lettres,
«animi uirtus» en I, 5 par «la vigueur de l'esprit» et en II, 3 par «qualités morales».
Dans l'un et l'autre passages l'expression est très proche d'ingenium, mais paradoxalement,
puisqu'elle associe deux termes abstraits, elle tend à rendre de manière plus sensible la manif
estation et le dynamisme de l'animus.
2 Pour le traducteur, la vieille édition de F. Antoine et R. Lallier (Paris, Hachette 1888)
reste souvent très utile. A propos du sens de «aliud alio Ferri», cf. η. 32.
3 Cf. Cat, III, 1; Cic, De Off., II, 45.
Les théories de la gloire présentées par Salluste et Cicéron doivent être rapprochées,
cf. Alain Michel, Entre Cicéron et Tacite: aspects idéologiques du « Catilina » de Salluste,
Acta Classica Uniuersitatis Scientiarum Debreceniensis, V, 1969, p. 84; Etienne Tiffou, Essai
sur la pensée morale de Salluste à la lumière de ses prologues, Paris, 1975, p. 42-43, 61-65,
75-117 (chapitre IV: la gloria, rétrospective. Etude comparée chez Salluste et Cicéron).
4 Cf. I, 5, cité au début de la n. 1. SUR LE POUVOIR: UN CHAPITRE POLYBIEN DE SALLUSTE 719
que l'esprit joue dans la guerre le rôle prédominant. Puis Salluste déplore,
dans un raisonnement par contraste, que l'esprit qui a donné des preuves
semblables de sa valeur dans la guerre, n'ait pas réussi à en fournir autant
dans la paix; ainsi s'expliquent dans les Etats, comme dans les empires, la
corruption, puis le transfert du pouvoir. Pour la stabilité du pouvoir, il suffit
que le gouvernant conserve les qualités du conquérant. Mais la conquête
d'un empire, la prise du pouvoir dans la cité suscitent des vertus que la
possession du pouvoir altère d'ordinaire. Alors le pouvoir passe aux mains
de plus vertueux qui chassent les mauvais maîtres.
Les trois maximes sur le pouvoir en général, qui sont groupées de
façon à démontrer que le pouvoir va de pair avec la supériorité intel
lectuelle et morale, sont unies aux aperçus historiques sur les débuts du
pouvoir dans l'Etat et de l'impérialisme par une phrase de transition, où
sont comparées les manifestations de la valeur de l'âme dans la paix et
dans la guerre. L'expression animi uirtus constitue la liaison entre l'esprit
de la guerre et les vertus de la paix. En effet, après avoir mis en lumière
l'esprit, ingenium, Salluste passe à la valeur de l'âme, animi uirtus, puis
il lui substitue les vertus, artes, dont la sentence sur les changements
conjoints des mœurs et de la fortune laisse entendre qu'elles sont morales.
L'enchaînement complexe des idées dans le chapitre laisse supposer
qu'il n'y a pas là une rédaction de premier jet, mais une construction
appliquée, dont les matériaux premiers et essentiels sont d'une part l'histoire
de l'impérialisme, sa définition, la démonstration qu'il a accomplie de la
valeur prépondérante de l'esprit dans les guerres, et de l'autre la maxime
sur le pouvoir qui se conserve facilement grâce aux vertus par lesquelles
on l'acquiert.
Cette mise en œuvre dont on sent qu'elle résulte d'un effort particulier
de Salluste excite la curiosité: on est amené à se demander si les idées
présentées par l'historien, au lieu de lui appartenir en propre, ne sont pas

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