Temps, lieux et espaces. Quelques images des XIVe et XVe siècles - article ; n°18 ; vol.9, pg 101-120
21 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Temps, lieux et espaces. Quelques images des XIVe et XVe siècles - article ; n°18 ; vol.9, pg 101-120

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
21 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Médiévales - Année 1990 - Volume 9 - Numéro 18 - Pages 101-120
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Christine Lapostolle
Temps, lieux et espaces. Quelques images des XIVe et XVe
siècles
In: Médiévales, N°18, 1990. pp. 101-120.
Citer ce document / Cite this document :
Lapostolle Christine. Temps, lieux et espaces. Quelques images des XIVe et XVe siècles. In: Médiévales, N°18, 1990. pp. 101-
120.
doi : 10.3406/medi.1990.1171
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_1990_num_9_18_1171Médiévales 18, printemps 1990, p. 101-120
Christine LAPOSTOLLE
TEMPS, LIEUX ET ESPACES. QUELQUES IMAGES
DES XIVe ET XVe SIÈCLES
Les lieux de l'image médiévale
La peinture classique ouvre devant nous des espaces fictifs, des
images d'espace qui, de même que les romans empruntent l'étoffe de
nos plaisirs et de nos peines, recréent les apparences de l'espace dans
lequel nous évoluons. Dans la peinture du Moyen Age (laissons pour
le moment de côté cette période intermédiaire qui commence à la fin
du XIIIe siècle avec le retour à la représentation des volumes), l'image
ne produit pas l'effet de trouée, d'abolition du support auquel nous
a habitués la représentation classique1. Les figures s'inscrivent en
général sur un fond non mimétique, uni ou décoré de motifs répétit
ifs, qui n'imitent nullement l'espace dans lequel les scènes illustrées
sont censées s'être déroulées.
Ce fond ornemental n'est pas non plus une exhibition du sup
port matériel de l'image2. Il en cache en général la matière par des
aplats de couleurs qui définissent un lieu spécifique à l'image. Ce lieu
n'est donc ni la simulation d'un « ailleurs », ni, laissé tel quel, le lieu
réel dans sa matérialité. Ainsi, quand nous regardons le Passage de
la Mer Rouge sur la paroi d'une nef, ou la Fuite en Egypte sur une
page de manuscrit, l'espace dans lequel la scène est montrée, c'est le
nôtre, dont font partie aussi ces lieux spécifiques que sont le livre ou
1. Sur la représentation occidentale et ses dispositifs de présentation, voir les tra
vaux de Louis Marin, récemment : Opacité de la peinture Essais sur la représentat
ion au Quattrocento, Paris, Usher, 1989.
2. Sur les distinctions entre support matériel, fond et surface d'inscription, voir
Jean-Claude Bonne, L 'art roman de face et de profil Le tympan de Conques, Paris,
Le Sycomore, 1984, pp. 140-143. Sur la relativité des fonctions dévolues aux éléments
non mimétiques dans l'image, cf. Meyer Schapiro, « Sur quelques problèmes de sémio-
tique de l'art visuel — champ et véhicule dans les signes iconiques », Critique, 315-316,
1973, p. 843-866. 102
l'église. Et l'image vient modifier par sa présence la qualité, le régime
visuel de la surface du mur ou de la page où elle s'inscrit.
Examinons, à partir de l'exemple de la peinture de manuscrits,
cette situation, caractéristique de la représentation médiévale, où
l'image est pour ainsi dire dans une relation de plain pied avec la
surface sur laquelle elle s'inscrit. Dans un manuscrit, la place faite
aux images principales est souvent soulignée par un fond ornemental
encadré d'une bordure. Mais la possibilité physique, matérielle, de
déborder ce cadre, qui n'est qu'un cadre peint, n'est repoussée par
aucune convention. Ce pas que le cadre n'ait aucune valeur :
globalement, il délimite bien le lieu de l'image dans le lieu de la page.
Mais si l'on doit représenter un géant, une rivière qui déborde ou un
personnage qui s'en va... on peut tout à fait recourir à l'effet littéral
du franchissement du cadre. On ne cherche pas à faire oublier que
le lieu de l'image, comme celui du texte, comme celui des marges,
c'est toujours le lieu de cette unité plus grande qu'est la page. A
l'inverse, on s'appuiera sur une subdivision de cette page en lieux
secondaires — lieu de la marge et lieu de la miniature encadrée, par
exemple — pour exprimer des différences de nature entre les éléments
représentés. Ainsi pourra-t-on trouver, sur le fond encadré l'image d'un
saint ou d'une scène biblique et, près de cette image plus importante,
dans les marges, à une échelle plus petite, la figure en prière d'un
moine ou d'une nonne du couvent pour lequel le livre est réalisé3.
Jouer de telles possibilités suppose qu'on considère aussi que les lieux
de la miniature et de la marge appartiennent à une même unité, un
même lieu — celui de la page — et qu'ils sont hiérarchiquement dis
tincts, qualitativement différents.
On retrouve, dans l'organisation interne de l'image, cette manière
de charger de sens les différents emplacements d'une même surface.
Une scène de Fuite en Egypte peut très bien être représentée sans le
moindre indicateur de lieu — sans aucune perspective sur les lointains
vers lesquels la Sainte Famille est censée s'éloigner. Pourtant, la lon
gueur du voyage, l'idée d'éloignement sont susceptibles d'être expri
més en dehors de toute recherche d'illusionnisme spatial, sous une forme
littérale4 : la scène étant organisée selon une disposition linéaire (en
général de gauche à droite), ce pourra être, à gauche, le corps de l'âne
3. Je fais précisément référence ici à un légendier du xm« siècle réalisé pour les
religieuses dominicaines du couvent de la Sainte-Croix à Ratisbonne (Oxford, Bodleian
bibl., Keble C 49).
4. J'oppose « effets littéraux » à ce qu'il paraîtrait ambigu d'appeler « effets figu
rés » quand on parle d'images. Je dirais que dans les images qui créent l'illusion d'une
troisième dimension, les effets sont figurés : on est dans un système qui suppose de
la part du spectateur l'acception des règles de la fiction spatiale. Par opposition, les
situations où une figure coupée évoque un passé ou une suite immédiate suivant que
la partie non visible correspond à l'arrière ou à l'avant de cette figure, me semblent
fondées sur une appréhension directe des rapports de l'image avec son cadre et l'exté
rieur de ce cadre. 103
coupé par la baguette du cadre qui suggérera une durée, une conti
nuation du voyage en amont. Ou bien ce sera, à droite, une partie
du fond ornemental pas « encore » occupée par les personnages, évo
quant le chemin qu'il reste à parcourir. Des éléments complémentair
es renforcent parfois ces effets : un arbre, par exemple, intercalé entre
le plan des personnages et celui du fond — à droite, pas encore atteint
par les personnages, ou, à gauche, soulignant l'idée du chemin
parcouru.
Cette transposition de données spatiales en rapports littéraux peut
aussi se doubler de l'expression de rapports symboliques. Ainsi l'arbre
pourra-t-il servir à marquer une séparation, une distinction entre la
figure extraordinaire de la Vierge et la figure ordinaire de Joseph ;
ou encore, deux arbres encadrant la Vierge à l'Enfant la mettront en
valeur, la désigneront dans cette scène de fuite...
C'est donc à partir de leur position véritable sur le lieu véritable
du fond non mimétique que les éléments de l'image agissent entre eux.
Ils se rapprochent, s'éloignent, se superposent, se touchent. Et ces posi
tions font sens : c'est le gagnant qui se superpose au vaincu ; ou
quand ailleurs deux personnages extrêmement proches l'un de l'autre
ne se touchent pourtant pas, c'est qu'on manifeste une Tetenue, un
obstacle aux rapports qu'ils pourraient avoir.
Ainsi, si les images médiévales ne proposent pas un aperçu sur
un autre espace qui paraîtrait conçu dans les termes du nôtre, si les
notions de milieu et de continuité spatiale n'y ont pas cours, la sur
face occupée par l'image est en revanche régie par une organisation
des lieux où le sens s'investit. Chaque élément y trouve «a place, son
« lieu » 5, qui ne saurait être interchangeable avec aucun autre. C'est
en effet à partir de ce lieu précis que s'expriment ses rapports avec
les autres éléments de l'image — et ceci en des termes qui ne ren
voient pas directement aux rapports que les referents de ces figures
pourraient entretenir dans notre espace

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents