Un breton du XVIIe siècle à l avant-garde de la critique : le père Jean Hardouin, de Quimper (suite et fin) - article ; n°1 ; vol.38, pg 171-187
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Un breton du XVIIe siècle à l'avant-garde de la critique : le père Jean Hardouin, de Quimper (suite et fin) - article ; n°1 ; vol.38, pg 171-187

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Annales de Bretagne - Année 1928 - Volume 38 - Numéro 1 - Pages 171-187
17 pages

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Publié le 01 janvier 1928
Nombre de lectures 28
Langue Français
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Extrait

E. Galletier
Un breton du XVIIe siècle à l'avant-garde de la critique : le père
Jean Hardouin, de Quimper (suite et fin)
In: Annales de Bretagne. Tome 38, numéro 1, 1928. pp. 171-187.
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Galletier E. Un breton du XVIIe siècle à l'avant-garde de la critique : le père Jean Hardouin, de Quimper (suite et fin). In:
Annales de Bretagne. Tome 38, numéro 1, 1928. pp. 171-187.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391X_1928_num_38_1_1635ED. GALLETIER
UN BRETON DU XVIP SIÈCLE
à l'avant-garde de la critique :
LE PÈRE JEAN HARDODIN, DE QUIMPER
Suite et fin
II. — Le Père Hardouin et le Pseudo-Virgile.
Si le commun des mortels se laisse aveugler par la tradi
tion et croit à l'unité de l'œuvre d'Horace, un esprit avisé
doit, selon le Père Hardouin, discerner aisément le vrai du
faux et rejeter impitoyablement les Odes. Il faut adopter la
même attitude à l'égard des poèmes virgiliens et démasquer
les larrons qui s'affublent de ce nom vénéré pour abuser de
notre crédulité : Virgile est et doit seulement rester pour
nous l'auteur des Bucoliques et des Georgiques, mais YEnéide
est une œuvre apocryphe, comme il est facile de s'en per
suader à la lecture de la cinquantaine.de pages in-folio qui
sont consacrées dans les Opéra Varia à cette audacieuse
démonstration W.
Ne soyons pas étonnés que la bonne foi des hommes ait
été si longtemps surprise : les faussaires ont fait preuve de
tant d'habileté ! A la fm du quatrième chant des Géorgiques,
Virgile avait eu soin de placer un épilogue de quatre vers <2)
(1) Voir dans le volume des Opéra Varia, Amsterdam, 1733, le mémoire intitulé
Pseudo-Vlrg llius slve observationes in Mneldem, p. 280-327.
(2) Gêorgiiques, IV, 559-562 : Haec super arvorum cultu pecorumque canebam
Et super arboribus, Caesar du m magnus ad altuin Fulminât Euphraten bello
victorque volentîs Per populos dat iura viamque affectât Olympo. J'emprunte
la récente traduction H. Goelzer. :
UN BRETON DU XVIIe SIECLE 172
où il résumait le poème tout entier et où il précisait la date
de son achèvement : « Voilà ce que je chantais sur la culture
des champs, sur les soins à donner au bétail et aux arbres,
dans le même temps, que le grand César lance contre
l'Euphrate profond les foudres de la guerre, et que victorieux
il impose ses lois aux peuples consentants, se frayant ainsi
un chemin vers l'Olympe ». Or cet épilogue a doublé de
longueur parce que les faussaires lui ont adjoint quatre autres
vers (3) qui n'ajoutent rien à la conclusion précédente, mais
qui mettent en relief le séjour de Virgile à Naples et les
doux loisirs bien faits pour permettre la mise en chantier
de quelque nouveau poème : « Alors la douce Parthénope me
nourrissait, moi Virgile, qui m'abandonnais avec zèle aux
humbles arts de la paix, après avoir composé en badinant
des vers bucoliques et, avec l'audace de la jeunesse, t'avoir
chanté, ô Tityre, couché sous l'abri d'un hêtre touffu. »
Après avoir ainsi rendu possible la composition de YEnéide
à la suite des Géorgiques, il ne restait plus qu'à lui donner
la consécration de témoignages contemporains ou postérieurs.
Et de fait, les allusions ou les citations sont multiples chez
Ovide, Properce, Juvénal, Stace, Silius Italicus,. Martial,
Quintilien ou Tacite et chez un grand nombre d'écrivains
ecclésiastiques. Hélas, ces références sont sans valeur,
puisque tous ces auteurs païens n'ont jamais existé et que
la plupart des seconds doivent à la même époque tardive et
à la même officine une existence imaginaire ! Une vaste cons
piration a été organisée pour authentiquer cet indésirable
poème, mais on peut poser sans crainte cette triple affi
rmation :
1° Virgile n'a jamais écrit YEnéide.
2° C'est d'ailleurs une œuvre fautive, indigne d'un grand
poète et d'un ancien.
(3) IMd., 563-566 Rio Vergilium me tcmpore dulcis alebat Parthénope studiis
florentem ignobilis oti, Carmina qui lusi pastorum oudaxque inventa Tiiyre,
te patulae cecini sub tegmine fagi. Vers que le P. Hardouin appelle adscititii
et prope insulsi! :
:
:
:
PÈRE JEAA* HARDOUIN, DE QU IMPER 173 LE
3° Elle a en outre un sens allégorique que nul encore n'a
réussi à percer et, par ses allusions et ses préoccupations
modernes, elle nous oblige à la dater du XIIIe siècle.
I
Virgile n'a pas écrit Y Enéide, par la raison très simple
qu'il n'y a jamais songé. Une fois achevé son poème rural,
il se proposait en effet d'élever un monument à la gloire de
César et de chanter ses exploits personnels. La préface du
chant III des Géorgiques (4) est, à cet égard, tout à fait expli
cite : « Plus tard toutefois, je me préparerai à chanter les
batailles ardentes de César et à porter si haut son nom que
la renommée le perpétue durant autant d'années qu'il y en a
entre César et Tithon, origine première de sa race ». N'est-
ce pas du reste à un projet de ce genre qu'Horace fait allu
sion, dans l'épître (5> où il nous montre Varius et Virgile
liés à Auguste par ses bienfaits et, par là même, tenus de
lui consacrer un poème ? La promesse faite et la récompense
acquise par avance, peut-on manquer décemment à son
protecteur ?
Pourquoi d'ailleurs, à défaut d'Auguste, fût-il allé chercher
parmi les héros du passé le personnage d'Enée ? Malgré
l'opinion courante il n'y a aucun rapport à établir entre Enée
et Rome : Homère atteste qu'après la chute de Troie il a
régné sur la ville ainsi que ses descendants (g), d'où il est
(4) Géorgiques, III, 46-49 Mox tamcn ardcntis aecingar dicere puonus Caemtis
et vomen lama tôt ferre per annos, Tlthonl prima quoi al) est ab origine Caesar.
C'est à propos de ces vers que le P. Hardouin affirme VeryUio nvmquarn venit
JEnei&em- scribere. Deliberatum enlrn ei fuit post édita Georgica prodere carminé
res gestas non Mneae certe sed caesaris Augusti.
(5) Epitres, il, 1. <>4&-247 At, neque dedr.cnravt tua de se iudivin nique Mimera,
quae rnulta dan Us cum laudc tulerunt Dilecti tibi Vergilius Variusque poetae.
Le P. Hardouin ajoute : An Ujitur ca neglecta spovsione, ea spreta invltatione,
tôt ac tantis testata muneribus ad aliud animuni transferret oarminis argu-
mentum? (p. 281), comme il avait dit plus haut (p. 280) Potuitne vivo principe
ftdem ei f aller e et In tara dissirnili arguniento stilum eoviererei
(6) Hardouin cite Homère. IVade, XX, vers 306-308, à propos d'Enéide, IV, 361. 174 UN BRETON DU XVIIe SIECLE
impossible de conclure qu'il s'est échappé des ruines de la
cité pour aller fonder un jour la race romaine. Le vrai
Virgile, celui qui a écrit les Géorgiques, sait fort bien que
des Troyens sont venus en Italie, dans le pays des Ausoniens,
non point en fugitifs ni après les désastres de leur patrie,
mais auparavant et sous la conduite de Tithon (?), fils de
Laomédon et frère de Priam, à peu près au temps où les
Lydiens avec Tyrrhénus s'établissaient en Elrurie. Il ignorait
donc totalement la fable qui fait le sujet de YEnéide.
Un vers du poème nous donne au surplus la preuve que
Virgile n'a pas eu le temps de l'écrire avant de mourir, en
admettant même qu'il y eût songé. Au chant VII, en effet,
il y a une allusion très nette à la vengeance de la défaite
subie par Crassus en 53 et à la reddition des étendards que
les Parthes avaient alors enlevés aux légions (8). Or, nous
dit le Père Hardouin (9), Grassus n'a été vengé qu'en 735/19
et c'est précisément la date de la mort de Virgile. « Le poète
est-il remonté des Enfers pour composer toute son épopée
ou tout au moins les six derniers livres? » II n'est pas
besoin de supposer que Virgile est revenu à la vie pour
ajouter à son œuvre ce détail d'un intérêt tout contemporain.
Il suffit de savoir que cet le remise des étendards avait été
promise dès l'an 23 à l'Empereur Auguste par le roi Phraate
— et dès lors le poète pouvait par anticipation la consid

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