Un personnage féminin dans l œuvre d Ovide : Ariane - article ; n°1 ; vol.10, pg 151-163
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Un personnage féminin dans l'œuvre d'Ovide : Ariane - article ; n°1 ; vol.10, pg 151-163

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Description

Travaux de la Maison de l'Orient - Année 1985 - Volume 10 - Numéro 1 - Pages 151-163
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 217
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Marc Frécaut
Un personnage féminin dans l'œuvre d'Ovide : Ariane
In: La femme dans le monde méditerranéen. I. Antiquité. Lyon : Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean
Pouilloux, 1985. pp. 151-163. (Travaux de la Maison de l'Orient)
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Frécaut Jean-Marc. Un personnage féminin dans l'œuvre d'Ovide : Ariane. In: La femme dans le monde méditerranéen. I.
Antiquité. Lyon : Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, 1985. pp. 151-163. (Travaux de la Maison de l'Orient)
http://www.persee.fr/web/ouvrages/home/prescript/article/mom_0766-0510_1985_sem_10_1_2035UN PERSONNAGE FEMININ DANS L'OEUVRE D'OVIDE : ARIANE
Jean-Marc FRÉCAUT
Dans une de ses œuvres les moins connues à l'heure actuelle et composée de
lettres en vers écrites par des héroïnes (Epistulae heroidum, d'où le titre français
a'Héroïdes), Ovide a mis en scène un certain nombre de femmes illustres de la
mythologie, et il les a passablement modernisées. La dixième lettre est écrite par
la tendre Ariane, une fille de Minos et de Pasiphaé, qui s'éprit d'un étranger venu
d'Athènes, Thésée, et l'aida à vaincre le Minotaure puis à retrouver son chemin
dans le Labyrinthe. Un grand poète latin, Catulle, avait conté avant Ovide les aven
tures de cette jeune héroïne que Thésée emmena sur son navire et abandonna peu
après dans une île, où elle fut secourue par un dieu, Bacchus-Dionysos. L'étude du
personnage d'Ariane chez Ovide, et plus particulièrement dans les Héroïdes, per
met de découvrir des modifications importantes, et fort révélatrices pour qui s'i
ntéresse à la peinture de la femme dans l'antiquité gréco-latine.
Dans le célèbre poème 64 de Catulle, qu'on intitule généralement Epithalame
(ou Noces) de Thétis et de Pelée et qui comprend 408 vers, vient s'insérer un deu
xième sujet, la légende d'Ariane et de Thésée, développé à l'occasion de la descrip
tion (ou ekphrasis) d'une belle tapisserie, richement brodée, recouvrant le lit nupt
ial de la déesse marine (v. 50-266; 217 vers). En voici la structure d'ensemble ·. v.
50-51 : Transition relative à la tapisserie; v. 52-75 : Ariane abandonnée par Thésée
dans l'île de Dia; v. 76-115 : Évocation rétrospective se rapportant à la geste de
Thésée, séducteur et guerrier, vainqueur du Minotaure; v. 116-131 : Ariane aban
donnée-, v. 132-201: Long discours d'Ariane, ses reproches à Thésée, ses plaintes,
son appel à la justice et à la vengeance divines; v. 202-250: Le retour de Thésée à
Athènes, son «oubli» qui provoque la mort de son père Egée (il y a là aussi une
évocation rétrospective; v. 212-237 : Recommandations d'Egée à Thésée avant son
appareillage d'Athènes); v. 251-264: Arrivée de Bacchus et de son thiase auprès
d'Ariane; v. 265-266: Conclusion relative à la tapisserie (1). Notons tout d'abord
que la cause de l'abandon d'Ariane à Dia (ou Naxos) n'est pas aussi évidente
qu'on le croit communément. Si l'héroïne catullienne dénonce d'emblée dans son
discours la trahison dûment caractérisée et sans excuse de son amant, le poète
lui-même croit pour sa part, comme le signale J. Granarolo dans une étude judi
cieuse, à un oubli involontaire, à «une absence de mémoire», sûrement «d'origine
1. Sur la composition «embrassée» de tout le poème 64 ainsi que dans l'épisode d'Ariane, voir H. Bardon,
L'art de la chez Catulle, Paris, 1943, p. 39-45. Quant à l'insertion dans un premier sujet
(Thétis et Pelée) d'un deuxième sujet (Ariane et Thésée) d'égale importance, elle a suscité diverses expli
cations qui se rattachent le plus souvent, en définitive, à l'interprétation que l'on donne de l'ensemble
du poème.
La femme dans le monde méditerranéen
TMO 10, Lyon, 1985. 152 J.-M. FRËCAUT
surnaturelle» : «Thésée est une victime de Dionysos qui, pour parvenir à ses fins,
l'a frappé d'une sorte d'amnésie partielle et passagère (2). Se jugeant donc trahie
par un homme au cœur dur qui l'a séduite et enlevée à son foyer pour l'abandon
ner peu après, au petit matin, sur la plage d'une île déserte, la jeune femme, en
proie à l'affolement, à la douleur et au désespoir, est dans une situation éminem
ment pathétique, que Catulle a dépeinte avec un art admirable, les commentateurs
en conviennent unanimement :
Quem procul ex alga maestis Minois ocellis,
Saxea ut effigies bacchantis, prospicit, eheu!
Prospicit et magnis curarum fluctuât undis.
«Il s'éloigne et, depuis les algues, la Minoïde, aux grands yeux tristes, telle la sta
tue de pierre d'une Bacchante, le fixe là-bas, hélas! là-bas, et les chagrins la rou
lent de leurs grandes vagues.» (v. 60-62) (3)
Illa... toto ex te pectore, Theseu,
Toto animo, tota pendebat perdita mente.
«Mais elle..., avec tout son cœur, Thésée!, toute son âme, toute sa pensée, elle
s'accrochait à toi éperdument.» (v. 69-70) (4)
Saepe illam perhibent ardenti corde furentem
Clarisonas imo fudisse e pectore uoces,
Ac turn praeruptos tristem conscendere montes,
Vnde aciem pelagi uastos per tenderet aestus,
Turn tremuli salis aduersas procurrere in undas
Mollia nudatae tollentem tegmina surae.
«Souvent, dit-on, dans la fureur de son cœur brûlant, elle laissait échapper du
fond de sa poitrine des plaintes aiguës; tantôt, dans son affliction, elle gravissait
les monts escarpés, afin d'étendre ses regards sur les flots de la vaste mer, tantôt
elle s'élançait à la rencontre des ondes de la mer houleuse, relevant la souple étof
fe qui couvrait son mollet nu.» (v. 124-129) (5)
Quant au discours de l'héroïne, introduit par plusieurs interrogations pathé
tiques (v.132-138) (6) et où, aux reproches de perfidie, d'ingratitude et de cruauté,
se mêlent les plaintes d'une femme désenchantée, au rêve brisé, meurtrie et
dégradée par la vie en quelques instants, n'ayant d'autres perspectives qu'une mort
sans sépulture, il donne une forte impression d'authenticité, malgré le recours à
divers procédés de rhétorique et à quelques lieux communs ou expressions pro
verbiales (7). Il n'est sans doute pas hasardeux de penser avec certains critiques,
2. J. Granarolo, «L'infidèle Thésée», dans Annales de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de
Nice, 2 (littérature grecque, latine, française), 1967, p. 17-18; l'auteur insiste sur la valeur de l'adjectif
immemor aux vers 58, 123 et 248, et traite le problème général des causes de l'abandon d'Ariane.
3. Traduction H. Bardon, Catulli Carmina (texte et trad.), Collection Latomus, vol. 112, Bruxelles, 1970.
4. Trad. H. Bardon.
5.A. Ernout, Catulle, Poésies, Paris, 1964, avec une modification en ce qui concerne furentem : «fu
reur» au lieu de «transport».
6. Voici ce qu'en dit J. Granarolo, L'œuvre de Catulle, Aspects religieux, éthiques et stylistiques, Paris,
1967, p. 355 : «... c'est la trahison en amitié ou en amour ...qui devait arracher au poète... les interroga
tions «incrédules» les plus pathétiques, parce que les plus chargées de stupeur et en même temps de
consternation et de reproches».
7. Voir à ce sujet les diverses éditions commentées de Catulle, comme celles de W. Kroll, M. Lenchantin de
Gubernatis, C.J. Fordyce. J. Granarolo, op. cit., p. 356, remarque d'ailleurs à juste titre qu'il peut y a-
voir union chez ce poète entre l'affectivité frémissante et tout l'arsenal de la rhétorique. :
L'ARIANE D'OVIDE 153
peu suspects de naïveté, que Catulle a transposé dans les plaintes et le désespoir
d'Ariane son «expérience personnelle des cruautés de l'amour» (8). J. Bayet, il est
vrai, se fait l'avocat du diable en refusant de se laisser prendre totalement à ce
morceau magistral dans lequel il aperçoit du «composite» et du «fabriqué», et il
critique notamment un «aparté gnomique» d'Ariane relatif à «la différence entre
l'amant suppliant et l'amant satisfait

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