Un problème d histoire culturelle : perception et représentation de l espace au Moyen Age - article ; n°18 ; vol.9, pg 5-15
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Un problème d'histoire culturelle : perception et représentation de l'espace au Moyen Age - article ; n°18 ; vol.9, pg 5-15

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Description

Médiévales - Année 1990 - Volume 9 - Numéro 18 - Pages 5-15
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 21
Langue Français

Extrait

Monsieur Patrick Gautier-Dalché
Un problème d'histoire culturelle : perception et représentation
de l'espace au Moyen Age
In: Médiévales, N°18, 1990. pp. 5-15.
Citer ce document / Cite this document :
Gautier-Dalché Patrick. Un problème d'histoire culturelle : perception et représentation de l'espace au Moyen Age. In:
Médiévales, N°18, 1990. pp. 5-15.
doi : 10.3406/medi.1990.1164
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_1990_num_9_18_1164Médiévales 18, printemps 1990, p. 5-15
Patrick GAUTIER DALCHÉ
UN PROBLÈME D'HISTOIRE CULTURELLE :
PERCEPTION ET REPRÉSENTATION
DE L'ESPACE AU MOYEN AGE
En 1987, à l'occasion de l'exposition « Age of Chivalry », la
grande mappemonde jusque-là conservée en la cathédrale de Hereford
fut exposée à la Royal Academy of Arts de Londres. Par sa taille
et par le nombre de ses vignettes, elle attirait l'attention des visiteurs
qui se pressaient devant elle. Qui connaissait l'objet ne pouvait manq
uer d'observer plutôt les réactions de la foule, où dominait un inté
rêt fait d'amusement attendri devant la naïveté de l'iconographie, et
de curiosité pour l'aspect aberrant du dessin des continents et des pays.
Face aux monuments de la géographie et de la cartographie médiév
ales, la plupart des doctes n'ont pas une attitude bien différente1.
L'histoire des représentations spatiales du Moyen Age continue à véhi
culer quelques lieux communs séculaires qui, pour l'essentiel, remont
ent aux Lumières, et dont l'histoire sera d'ailleurs intéressante à écrire
quelque jour. Au mieux, les œuvres qui ont l'espace de Vorbis terra-
rum pour objet sont prises pour des catalogues de curiosités permett
ant de définir et d'illuster la « culture » ou la « mentalité »
médiévale2. Dans le domaine des connaissances géographiques, elles
1. Il convient d'écarter de ce jugement certains travaux : ceux de Anna-Dorothée
von See- den und brincken, Regionalkarten notamment (Typologie l'utile des synthèse sources récente du Moyen : Kartographische Age occidental, Quellen. fasc. Welt-, 51),
Turnhout, 1988, ainsi que la plupart des études concernant le Moyen Age rassemblées
dans J.B. Harley, D. Woolward, The History of Cartography, t. I, Chicago, 1987 ;
J.-G. Welt- Arentzen, und Ôkumenekarten Imago mundi unter cartographica. besonderer Beriicksichtigung Studien zur Bildlichkeit des Zusammenwirkens mittelalterlicher
von Text und Bild, Munich, 1984, (Munstersche Mittelalter-Schriften, Bd. 53).
2. L'exemple le plus récent est donné par l'ouvrage de A.J. Gourevitch, Kate-
gorii srednevekovoj kul'tury, Moscou, 1972, p. 33 sqq. (trad, française Les catégories
de la culture médiévale, Paris, 1983, p. 38 sqq.), dont les présupposés théoriques, seraient caractérisées par la prééminence du symbolique et de l'imagi
naire. Au pire, et c'est le jugement le plus courant, on continue à
reprocher aux auteurs médiévaux d'être des « géographes de cabinet »,
qui se bornent à recopier les textes de l'Antiquité et refusent de regar
der le monde qui les entoure.
Ce mépris persistant ne laisse pas d'étonner. D'abord, parce que
le grand nombre des textes qui le contredisent devrait inciter à y regar
der d'un peu plus près. Surtout, parce que l'abandon d'une certaine
ingénuité dans d'autres secteurs de la recherche historique aurait dû
porter à mettre en doute la pertinence d'une telle attitude. Géogra
phes de cabinet ? Mais on ne sache pas que le Moyen Age ait tou
jours privilégié, dans quelque autre discipline que ce soit, le recours
à l'autopsie, à l'observation directe et attentive de la réalité : d'un
mot, il est vain de demander aux auteurs du Moyen Age des résul
tats qui ne se peuvent concevoir qu'après Galilée et Descartes. Et
quelle réalité ? Notre notion courante de la réalité n'est guère qu'une
illusion, fondée sur les réussites de la science et des techniques et sur
les reconstructions implicites qu'elles déterminent3. Prenons l'exem
ple de la carte géographique. Il est certain qu'une carte routière nous
permet de nous déplacer d'un point à un autre, et qu'il semble donc
y avoir une adéquation parfaite entre la réalité et sa représentation.
Mais on a trop souvent oublié que, plus que tout autre objet, la repré
sentation cartographique est fondée sur la convention, et que cette
convention est très rarement perçue4. Cette observation ne vaut d'ail
leurs que pour autant que l'on ait appris à lire la carte, capacité qui,
comme on sait, est assez peu partagée5.
Le thème qui fait l'objet de ce dossier a suscité une énorme li
ttérature. Elle est souvent répétitive, l'essentiel, dans le domaine des
études monographiques, ayant déjà été écrit au XIXe siècle. Il ne faut
pas hésiter à affirmer que la plupart des travaux qui se bornent à
décrire telle ou telle partie du monde en tant qu'elle se reflète dans
la littérature et dans la cartographie, ou encore le contenu informatif
de telle ou telle œuvre, n'ont strictement aucun intérêt. La tâche,
aujourd'hui, est triple. Il faut chercher et éditer les textes qui dor-
mélange de Kant et d'Althusser qui représentaient sans doute le point extrême de la
modernité permise dans l'U.R.S.S. des années 1970, sont eux-mêmes dignes d'une lec
ture ethnologique.
3. Le caractère scandaleux de cette affirmation n'est dû qu'à la persistance, spé
cifique à la France, d'une théorie inductiviste qui méconnaît les développements de la
philosophie des sciences postérieurs à Poincaré.
4. Une expérience grossière, mais instructive, consiste à demander au premier venu
si la Corse est plus proche du littoral français ou des côtes italiennes. Le choix génér
al de la première réponse vient de l'habitude de représenter l'île dans un carton situé
en bas et à droite de la carte de France.
5. Que la carte soit aujourd'hui prise pour du réel, on en aura une autre preuve
dans le fait que certains n'hésitent pas à écrire, par exemple, que le Nil s'écoule du
nord au sud, erreur d'ailleurs impensable au Moyen Age, et qui provient, à l'évidence,
de l'orientation au nord des cartes modernes. ment encore, inconnus, dans les manuscrits ; beaucoup sont suscepti
bles de remettre en cause les idées reçues. Il faut réaliser des monog
raphies, mais en s'appuyant sur la connaissance précise et de pre
mière main des espaces considérés6. Il faut enfin avoir conscience des
questions soulevées par des textes d'apparence trop naïve pour que
l'on continue à reproduire leur contenu, sans autre réflexion. Ces ques
tions sont d'ordre épistémologique, et relèvent, non pas de l'histoire
de la géographie, discipline assez vieillie, mais plus généralement de
l'histoire de la culture et des techniques intellectuelles.
Les articles ici réunis corrigent par l'exemple la vision réductrice
que l'on vient de dénoncer, tout en posant quelques problèmes fon
damentaux d'une véritable histoire des représentations géographiques
médiévales, encore largement terra incognita. On les passera rapide
ment en revue en les regroupant sous trois rubriques. D'abord, le pro
blème du passage à la représentation cartographique, à partir de la
perception des espaces concrets. Ensuite, la nature et l'utilisation des
cartes médiévales. Enfin, le rapport de la culture livresque et de l'expé
rience dans les œuvres géographiques.
Perception et représentation
Qu'est-ce que l'espace, tel qu'il est vécu, et quelles sont les con
ditions techniques et sociales de sa perception ? Secondement, par
quels biais s'opère le passage de la à la représentation (dans
ce cas cartographique) ? Ces questions ont suscité l'intérêt de socio
logues ou d'historiens de l'Antiquité7, rarement des médiévistes, ou
de façon trop générale pour qu'on en puisse saisir toutes les
implications8. L'article de Mathieu Arnoux, portant sur la forêt de
Breteuil, permet de donner quelques éléments de réponse, précisément
parce qu

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