Une justice seigneuriale en Haute Bretagne à la fin de l Ancien Régime : La Châtellenie de la Motte-de-Gennes - article ; n°1 ; vol.83, pg 127-166
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Une justice seigneuriale en Haute Bretagne à la fin de l'Ancien Régime : La Châtellenie de la Motte-de-Gennes - article ; n°1 ; vol.83, pg 127-166

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Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest - Année 1976 - Volume 83 - Numéro 1 - Pages 127-166
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Publié le 01 janvier 1976
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Langue Français
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Extrait

Jean-François Noël
Une justice seigneuriale en Haute Bretagne à la fin de l'Ancien
Régime : La Châtellenie de la Motte-de-Gennes
In: Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest. Tome 83, numéro 1, 1976. pp. 127-166.
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Noël Jean-François. Une justice seigneuriale en Haute Bretagne à la fin de l'Ancien Régime : La Châtellenie de la Motte-de-
Gennes. In: Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest. Tome 83, numéro 1, 1976. pp. 127-166.
doi : 10.3406/abpo.1976.2801
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0399-0826_1976_num_83_1_2801Une justice seigneuriale
de haute Bretagne à la fin
de l'Ancien Régime :
la chatellenie de la Motte-de-Gennes:
par Jean-François NOËL
Les justices seigneuriales de l'Ancien Régime ont été, comme-
chacun sait, longtemps chargées de tous les péchés capitaux. L'on»
rappelle à l'envi l'apostrophe du jurisconsulte Guy Coquille, qui,
dès le xvic siècle, pouvait considérer les gens du roi comme s'achar-
nant depuis trois cents ans à avilir ces « corps sans âme et sans,
sang » (1). Louable objectif, somme toute, si l'on doit suivre le
témoignage, à peine postérieur, de Loyseau, plaignant le pauvre-
paysan de n'avoir souvent d'autre choix qu'entre se résigner à
l'injustice, ou se ruiner, à la vaine poursuite de son droit, dans le-
dédale des justices de villages. Un peu plus tard, les intendants,
royaux multiplient les traits les plus acerbes contre les représen
tants de la basoche seigneuriale « praticiens ignorants », vénaux,.
« animaux horribles », se nourrissant de procédures sans fin. Bien
entendu, le tableau s'assombrit encore, lorsque l'esprit des Lumières,
vient jeter l'opprobre « philosophique » sur ces témoins attardés d'un
âge révolu. Enfin, les historiens, du moins jusqu'à la génération qui
nous précède, en sont venus, non sans paradoxe, à dénoncer à la:
fois la malfaisance et « l'insignifiance dans laquelle étaient tombées
les justices seigneuriales » à la fin de l'Ancien Régime (2). Et dans.
(1) Cf. M. Marion, Dictionnaire des institutions de la France aux XVII* et
XVIIU siècles, Paris, 1923, rééd. 1969, article « Justice seigneuriale », p. 319 et.
sq., où l'on retrouvera, outre les références « classiques » rappelées en ce para
graphe, une véritable anthologie d'anciens jugements critiques partagés par
l'auteur. Cette vue pessimiste a été longtemps donnée pour s'être vérifiée dès.
le début des Temps modernes. Cf. G. Zeller, Les institutions de la France au
XVI' siècle, Paris, 1948, p. 29, et plus nettement encore, R. Doucet, Les institutions-
de la France au XVIe siècle, Paris, 1948, p. 506 « il faut avouer que ces appréc
iations sévères des contemporains sont confirmées par tous les faits que rap
portent les historiens ».
(2) M. Marion, op. cit., p. 320. 128 ANNALES DE BRETAGNE
♦cette perspective, le nombre élevé de villageois s'étant toujours
•obstinés à plaider devant ces agents supposés de leur ruine, ne
parut guère mériter attention, sinon comme indice psychologique
« aggravant » d'un système irrémédiablement irrationnel.
Des appréciations plus nuancées se sont cependant fait jour, tant
•en général, qu'en ce qui concerne la Bretagne. Dans un ouvrage
•dont l'ancienneté n'a pas affaibli l'autorité (3), A. Giffard a offert
un tableau, certes sans indulgence, des justices seigneuriales bre
tonnes, dont il considérait même les tares comme particulièrement
accentuées (4). Mais au-delà de tout jugement de valeur, il a forte-
:ment marqué l'importance de ces juridictions, plus nombreuses,
d'une compétence plus étendue en Bretagne que dans l'ensemble du
royaume (5), et y brassant face aux tribunaux royaux une masse
d'instances qu'il n'exclut pas d'évaluer aux neuf dixièmes des affai
res judiciaires de la province (6). Souscrivant pour l'essentiel aux
^conclusions d'A. Giffard, J. Meyer (7) tient à souligner les aspects
•positifs des justices seigneuriales de Bretagne, — institutions pro
ches, à visage connu, et d'une action parfois scrupuleuse (8).
Sur ces bases, l'histoire des quelque trois mille juridictions
seigneuriales subsistant à la fin de l'Ancien Régime dans les limites
du duché (9), peut être tenue pour fixée dans ses grands traits. Il
demeure naturellement souhaitable d'en confronter l'image d'ensemb
le aux résultats de monographies, permettant de mesurer, dans la
diversité des situations locales, la géographie et l'activité exacte
•de ces cours. Certaines contributions ont été déjà apportées en ce
:sens (10). L'on se propose ici d'en offrir une autre, en prenant pour
•exemple la haute justice de la Motte-de-Gennes, envisagée au cours
de son ultime décennie 1780-1790 (11).
(3) A. Giffard, Les justices seigneuriales en Bretagne aux XVII* et XVIII* siè-
•des (1661-1791), Paris, 1902, XXVIII-376 p., essentiel (cf. note 7) et subsidiairement
H. Trevedy, L'organisation judiciaire de la Bretagne avant 1789, Nouv. rev. hist.
■de droit fr. et étr., XVII, 1893, p. 192-252, 376-380.
(4) A. Giffard, op. czï.,.p. 296, « Bref, les abus des justices seigneuriales ont
-été à notre avis très généraux, mais ils ont rarement été plus accentués qu'en
Bretagne ».
(5) Ibid., p. 161.
(6)p. 109.
(7) J. Meyer, La noblesse bretonne au XVIII* siècle, Paris, 1966, p. lvii,
sur le livre de Giffard, « ouvrage fondamental, qui n'est pas loin d'épuiser la
«question ».
(8) Ibid., p. 798-799. Jugement de nuance positive également dans H. Fréville,
.L'intendance de Bretagne (1689-1790), Rennes, 1953, t. I, p. 184, de même, sur
un plan plus large, de la part de P. Goubert, in (F. Braudel et E. Labrousse),
.Histoire économique et sociale de la France, t. II (1660-1789), Paris, 1970, p. 123-
124, et plus encore, avec quelques réserves pour la Bretagne, chez R. Mousnœr,
.ILes institutions de la France sous la monarchie absolue ( 1598-1789 )t t. I,
Paris, 1974, p^ 409, « Dans l'ensemble (...), les justices seigneuriales ont assuré une
Justice équitable, peu coûteuse, facilement accessible, rapide. Il semble que leur
activité n'ait pas cessé de se développer au cours du xvir siècle et du XVIIIe ».
(9) Estimation d'A. Giffard, op. cit., p. 36 et sq. : au moins 2500, après une
^certaine baisse au xvnr siècle ; estimation de J. Meyer, op. cit., p. 796-798 :
-autour de 3 000. ANNALES DE BRETAGNE 129
LES CONTOURS DE LA CHÂTELLENIE
Le champ d'observation retenu attache principalement aux com
munes de Gennes-sur-Seiche, Brielles et Saint-Germain-du-Pinel,
situées au Sud-Est de Vitré (cf. carte, page suivante). Fragments
d'un pays de marche, à proximité du Maine et aux confins de la
Bretagne (Ille-et-Vilaine) et de l'Anjou (Mayenne), que le lit de la
Seiche sépare au bas du bourg de Gennes, ces trois paroisses se
détachaient de la Bretagne intérieure par un cordon forestier,
gardant encore de nos jours ses principaux maillons du xvme
siècle : forêt du Pertre, bois de Noirloup et du Pinel, continués
au sud-ouest par la forêt de La Guerche. Ces communautés réunis
saient à la fin de l'Ancien Régime plus de quatre mille habitants (12).
d'un niveau d'aisance moyen à l'échelle d'un milieu rural (13).
Gennes devait à sa position « frontalière » une animation particul
ière, — parfois à son corps défendant, il est vrai, eu égard aux
menées constantes des faux-sauniers (14). Plusieurs anciennes mai
sons bourgeoises conservées par ce village y attestent toujours
de l'existence au xvme siècle d'un certain monde de notables, —
propriétaires terriens, petits officiers attirés par la présence d'un
bureau du Contrôle royal, ou gravitant autour du siège seigneurial.
La seigneurie de la Motte-de-Gennes (15), dont on remonte l'his
toire au moins jusqu'au début du XIIIe siècle, fut érigée en châ-
tellenie par Charles IX en 1573. Elle passa en 1679 à la famille Morel,
possessionnée depuis cinq siècles en Anjou. Tout en y conservant,
à Combrée leur berceau seigneurial des Landelles, les Morel se
transférèrent alors à

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