À quoi sert la science économique ? - article ; n°1 ; vol.30, pg 123-136

Serge-Christophe Kolm

Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1975 - Volume 30 - Numéro 1 - Pages 123-136
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: ANNALES_ECONOMIES_SOCIETES_CIVILISATIONS
• Publié le: 01 janvier 1975
• Nombre de lectures: 107
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Serge-Christophe Kolm
À quoi sert la science économique ?
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 30e année, N. 1, 1975. pp. 123-136.
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Kolm Serge-Christophe. À quoi sert la science économique ?. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 30e année, N. 1,
1975. pp. 123-136.
doi : 10.3406/ahess.1975.293591
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1975_num_30_1_293591DEBATS ET COMBATS
QUOI SERT LA SCIENCE CONOMIQUE
il quelques heures devant lui un économiste est pas tenté de discourir
sur la science économique il préfère essayer apporter quelque nouvelle
contribution Et un non-économiste en connaît pas assez pour en parler sans f- livi
contre-sens omissions graves ou erreurs Pourtant Barjo une motivation
assez forte pousse un économiste perdre son temps décrire ce que ses
collègues lui-meme font et Sentent.Des questions étudiants jouèrent ce rôle
Voici une tentative de réponse la première la plus cruelle aussi quoi sert la
science économique
intention fondamentale
nourrir les économistes bien sûr Mais soyons sérieux Nourrir est
bon DES HOMMES ONT FAIM voici ce il faut dire si on doit en quatre
mots décrire objet de la science économique expliquer sa raison être justifier
le travail des économistes révéler leurs motivations profondes et ultimes Et ces
quatre seuls mots vont très loin dans la réponse ces questions peine est-il
besoin de les préciser Mais la question de objet de la science économique
donné lieu de tels malentendus que cela ira peut-être encore mieux en le >
disant
La science économique donc pour but fondamental et dernier de montrer
ceux qui ont faim comment ils peuvent se nourrir Le mot faim entend
bien sûr au sens le plus large Mais même au sens le plus étroit elle reste le
premier problème Peut-être dois-je ici surmonter haïssabilité du moi et
passer aux aveux La faim au Sahel africain est pas une image poétique On
en meurt brutalement ou petit feu carences de nutrition La première partie
de ma vie est passée construire des barrages dans cette région La rareté de
eau son utilité sont des concepts qui ont vraiment rien abstrait Et ai V-VA1
commencé apprendre la science économique pour faire ce travail au mieux Et -i1
dans le -sous-continent indien dans le sertao brésilien le drame est le même f?
Faim donc de nourriture de protection contre le trop froid et le trop chaud
-A.- li
123 BATS ET COMBATS
contre inondation et incendie contre toutes les maladies qui frappent soi-
même ses proches les enfants en bas âge Mais faim aussi de confort de calme
de bonnes choses de mobilité de loisir Faim encore de connaissance de
culture de beauté Faim enfin de dignité de responsabilité de liberté amitié
amour Et puis aussi faim accomplissement de plénitude de dévouement de
dépassement Et de justice
Voici donc la fin de la science économique Et je serais tenté de dire un
point est tout Il faut cependant ajouter quelques remarques
Tout abord cette intention de la science économique ne définit pas son
domaine Toutes les techniques et donc toutes les sciences qui les sous-tendent
sont aussi utilisées pour assouvir ces besoins et désirs Le rôle de la science
économique devrait être un peu celui de chef orchestre entre elles
coordonner attribuer des poids respectifs arbitrer au nom du but général
rappeler ordre et action harmoniser inciter aller vers objectif Sa place
dans ce concert rappelle un peu le rôle que Pierre Massé attribuait au Plan
par rapport aux Branches de production dans sa philosophie de économie
concertée La coïncidence est évidemment pas fortuite Mais ce rôle ne
limite ni ne définit les moyens de la discipline qui peuvent être par exemple les
méthodes de calcul un Plan ou plus subtilement la suggestion de
mécanismes sociaux tels que ces fonctions se rempliront toutes seules
comme par une main invisible vieille histoire on le sait
On voit donc pourquoi toutes les définitions modernistes de la science
économique sont relativement abstraites Aucune est tout simplement étude
de la vie économique ou des faits économiques etc. Je aurais rien
notez-le contre cette définition sinon il lui reste définir adjectif tâche
essentielle et il lui manque la dimension normative point important sur
lequel nous reviendrons
Quelques définitions classiques ou possibles
La définition la plus classique celle que on trouve par exemple au début du
manuel de Raymond Barre est que conomique est la science des biens rares
et utiles Elle est pas éloignée de intention affirmée plus haut On voit bien
sans gloses qui risquent être stériles comment utile se rattache aux
besoins et désirs mentionnés Ce que on peut reprocher cette définition en
trois mots est elle en peut-être deux de trop Car ce qui est pas utile
est pas un bien et davantage de ce qui est pas rare est pas utile où pointe
oreille du marginalisme Un double pléonasme en somme Et puis le contenu
tangible du mot bien pose problème On voit vite il peut devenir un
service puis une créance ou un titre de propriété et en particulier de la
monnaie ce peut plus généralement être un droit quelconque il peut aussi se
définir négativement comme un non-mal non-pollution par exemple ce
peut être un enfant dans une étude sur la fécondité une vie humaine dans une
étude sur la sécurité ce peut être du temps de la localisation ou une place
dans une hiérarchie ou encore des paramètres de la beauté de la justice de
affection etc Cette généralité est ce il faut pour une définition Mais le
langage est faible
est pourquoi on pourrait croire que semblant plus abstraite la célèbre
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définition de Lionel Robbins constitue un progrès sur celle-ci conomique
serait la science qui étudie le comportement humain comme une relation entre
des fins et des moyens rares qui ont des usages alternatifs The Subject Matter
of Economies an Essay on the Nature and Significiance of Economie Science
1932 Cette phrase eut un stupéfiant succès tant chez les personnes qui en
apprécièrent allure scientifique la précision abstraction généralisante et
unifiante le concept venant la mode en analyse économique allocation des
ressources accent mis sur un comportement et non sur des choses la
généralité des fins et moyens que chez celles qui ne purent digérer que la
chair et âme un complexe de rapports humains soient ainsi réduits et
raccornis par Mr Robbins comme une tête par un Jivaro Comparons avec la
définition précédente Il rare Moyens est de bonne fa on plus général
que biens Fins est plus neutre et objectif qu utile mais cette
substitution efface intention normative essentielle de la discipline ce que fait
aussi la définition même par étude des comportements Si on compare avec
ce que font les économistes on voit que la définition de Robbins peut passable
ment décrire la théorie des choix ou celle de allocation des ressources
voire plus généralement la micro-économie Mais elle décrit en un certain
sens le contraire de la macro-économie keynésienne postérieure) et elle
avait manifestement pas intention inclure Marx En fait elle porte surtout
la marque de son époque et de son milieu avec des dizaines années de retard
les Anglais commen aient comprendre les théories de Walras et Pareto grâce
Hicks Allen Kaldor et étaient éblouis par la richesse analytique de la
maximation par les contraintes de ressources etc mais bien sûr tout ceci est
une partie des idées de Walras comme de Pareto) en même temps étaient
en gestation les approfondissements de la théorie des choix du comportement
maximisant et la Recherche Opérationnelle Ces formalisations ont été un grand
progrès dans la discipline Mais ce était pas une raison pour les confondre
avec le but et le champ de celle-ci
Dire que conomie occupe des bases matérielles du bonheur elle
vise indiquer comment les créer au mieux ou elle étudie comment les
hommes et les sociétés résolvent ou non ce problème ne serait pas absurde La
finalité bonheur serait malgré ambiguïté profonde de ce terme qui peut
tantôt désigner tautologiquement tous les besoins désirs et aspirations des
hommes tantôt en recouvrir une petite partie et peut-être pas la plus belle
Matériel est aussi fort ambigu les services les créances