Aux origines de l esprit moderne : libertinisme, naturalisme, mécanisme - article ; n°1 ; vol.6, pg 9-25
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Description

Mélanges d'histoire sociale - Année 1944 - Volume 6 - Numéro 1 - Pages 9-25
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1944
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Lucien Febvre
Aux origines de l'esprit moderne : libertinisme, naturalisme,
mécanisme
In: Mélanges d'histoire sociale, N°6, 1944. pp. 9-25.
Citer ce document / Cite this document :
Febvre Lucien. Aux origines de l'esprit moderne : libertinisme, naturalisme, mécanisme. In: Mélanges d'histoire sociale, N°6,
1944. pp. 9-25.
doi : 10.3406/ahess.1944.3124
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_1243-2571_1944_num_6_1_3124"iT
PROBLÈMES ET BILANS
Aux origines de l'esprit moderne :
LIBERTINISME, NATURALISME
= MÉCANISME
Au fond, un même sujet. Un même très grand ^ujet. Deux beaux et
bons livres1 qui le prennent, chacun, par un biais différent, en se récl
amant de méthodes à la fois parentes et diverses. Deux beaux et bons livres
dont les auteurs, naturellement, se sont ignorés, et qui, paTabsantr à peu
près en même temps, furent sans doute une surprise pour l'un et pour
l'autre — comme dut être une surprise pour tous deux l'apparition, pres
que simultanée, d'un troisième livre venant, à la même heure, dire aussi
son mot sur une question sœur2. Un bel exemple de ce qu'il y a d inor
ganisé dans la recherche historique, et, tout à la fois, de vigoureux dans
la sève française. Une telle aubaine n'échoit pas tous, les jours à l'his
torien. Ne marchandons point aux auteurs l'intérêt que méritent et leur
tentative, et leur réussite...
Le problème ? Nous en préciserons les termes chemin faisant. Disons
seulement, au départ, que les deux livres nous fournissent des éléments
de choix pour la solution d'une question considérable, et controversée .
rien moins que la question des origines sinon du monde, du moins de
I esprit moderne. Eléments d'ordre intellectuel et philosophique s'entend.
II s'agit d'un passage. A l'un des bouts, la pensée des hommes du xvr2 siè
cle sur les tendances de qui je me suis trouvé fournir, après coup, quel
que lumière peut-être inattendue. — Donc, à l'un des bouts, le bouillonne
ment du siècle d'Erasme, de Luther, de Copernic ; et aussi de Pompo-
nazzi, de Lefèvre d'Etaples, d'Ignace de Loyola, de Rabelais, d'Etienne
Dolet, de Jean Calvin finalement. A l'autre bout (nous sommes tentés
ф de dire : au point d'arrivée ; mais il n'y a pas, il n'y a jamais de points
d'arrivée en histoire ; il n'y a que des points de passage) — à l'autre
bout, cet ordre, cette régularité : Descartes et le Cartésianisme ; Bérulle
et l'Oratoire ; Arnaud et Port-Royal ; Pascal. Une nouvelle philosophie.
Une science nouvelle. De nouvelles formes de religion. Bref, un change
ment de style radical3. Un nouveau climat. Presque un nouveau monde
En tout cas, une étonnante révolution dans les façons d'être, de penser,
de croire.
1. René Pintahd, Le libertinage érudit dans la première moitié du xvn* siècle ,
t. I, texte ; t. И, notes, bibliographie, index ; Paris, Boivin, iqW, 3 vol. a\ec
pagination suivie, xi-765 pp in-8° (Thèse Paris) — Joindre, du même auteur :
La Mothe le Vayer, Gassendi, Guy Patin ; étude de bibliographie et de critique,
suivie de textes inédits de Guy Patin , Paris, Boivin, 194З, in-8°, $3 pp (Petite
Thèse Paris). _
Robert Lenoble, Mersenne ou l(M&aissance du Mécanisme Paris, Vrin, гдЦЗ,
ьхш-633 pp. in-8° (These Paris).
2. Lucien Febvre, Le Problème de l'Incroyance au xvie siècle • la Religion de
Rabelais. Paris, Albin Michel, i<>43, in-8° (Collection l'Evolution de l'Humanité) —
Joindre, du même, Origèm et Despériers, ou Y Enigme du Cymbalum Mundi
Paris, E. Droz, iq43, in-8°. Cf. ici même, t. V, l'étude^ de Marcel Bataillon.
3. Sur la notion de changement de style; et ses applications en histoire, cf.
Lucien Febvre, Ce qu'on peut trouver dans une série d'Inventaires • de la Renais
sance à la Contre^Réforme, changements de climat (Annales d'Histoire Sociale^,
III, ig4i, pp. /ji-5b). 10 ANNALES D'HISTOIRE SOCIALE
Or, quels rapports entretiennent entre elles la France qui lit, et goûte
le Discours de la Méthode ; la France qui s'entraîne aux mathématiques
et combine des expériences de physique sur le Puy-de-Dôme — et cette
France qui accueille à Paris les Carmélites d'Espagne, ou se replie sur
sa conscience chrétienne à Port-Royal des Champs ? Mais, surtout — quels
liens unissent ces Frances diverses avec tant de Frances qui les ont pré
cédées ? Où chercher les vrais auteurs de ces hommes — Descartes, Pascal,
Bérulle, etc., — qui incarnent pour nous une des révolutions profondes
de notre histoire intellectuelle et spirituelle ? Oui, même Bérulle. Ceux
qui ont lu, avec le soin qu'il faut, le grand livre si prodigieusement
riche de H. Brémond, cette étonnante tranche d'histoire spirituelle décou
pée dans l'un des hémisphères du cerveau, dans l'un des lobes du
cœur de l'ancienne France, n'en doutent point. — Deux problèmes, deux
recherches. L'une de filiation, et l'autre de connexion. D'ailleurs, un
fort enjeu, mais des difficultés certaines. Car, depuis longtemps, des solu
tions improvisées se heurtent. Des experts se contredisent Reprendre
le problème à nouveaux frais ; en vérifier scrupuleusement les données ;
résoudre les antinomies, éclairer 1еь obscurités . il valait la peine, en
vérité qu'à une telle besogne deux hommes, deux historiens consacrent, pen
dant des années, et leurs forces et leurs dons.
I
Descartes, Pascal. Bérulle. Mais il faut quatre vents pour une rose
complète ? Et ces noms retentissants suffisent-ils à tout dire d'un siècle
touffu ?
Le Père Garasse s'écrieiait très fort, à sa mode, qu'il n'en est rien.
N'oubliez pas, dirait-il, les Eeaux Esprits. Cette peste. Ceux que l'abbé
Gotin nomme les Esprits Forts. Ceux que Naudé, plus joliment, appelle
les « déniaisés » — quand il qualifie, par exemple, Cremonini
« d'homme déniaisé et guéri du sot » (formule à résonance stendhalienne,
qui eût enchanté Beyle, pour lui et pour les autres). — Or, à dire d'ex
pert, de ces déniaisés, il en poussait partout dans la France de Louis XIII.
Ils pullulaient. Mais quelle étrange mixture !
Il y avait, dans leur troupe chargée d-'anathèmes, de simples goinfres,
adeptes de la « Crevaille ». Il y avait des fanfarons de vice et de mécréance,
voués à une pieuse mort. Il y de jeunes écervelés, ceux que décrit
Sarrasin,
Frisques mignons, poupins et frisotez,
Riches en bas, en canons, en manchettes,
Mais, surtout, fort riches en sornettes,
— ceux qui « алее cinq ou six pages de Charron et de Montaigne, se fa
isaient fort de renverser toute la théologie ». Il' y avait, enfin, des liber
tins par principe ; et l'on pense, pêle-mêle, sinon à ce Malherbe qui,
protestant (au dire de Tallemant) qu'il ""foulait « vivre comme les autres,
mourir comme les autres et aller là où iraient les autres », fournissait
une si jolie définition du conformisme — du moins à ce Des Barreaux qui
fit une si bonne fin, après avoir écrit dans ses Poésies (éd. Lachèvre,
sonnet 69) :
D'un sommeil éternel ma mort sera suivie ;
► J'entre dans le néant quand je sors de la vie. . >
DE L'ESPRIT MODERNE 11 ORIGINES
— ou encore à ce Théophile de Viau, héros du procès intenté par le
P. Garasse, le P. Voisin et le procureur général Mole au Parnasse Scty
rique : lui aussi qui mourut chrétiennement dans sa nouvelle religion,
la catholique (né protestant, il s'était converti et fit tant de zèle qu'on le
nomma Tartufe). Et, naturellement, à Naudé, à Cyrano, à Guy Patin.. Une
curieuse galerie. De quoi, pour un Théophile Gautier, écrire son livre des
Grotesques1 — « pauvres gloires éclopées, figures grimaçantes, illustrations
ridicules », parmi lesquelles il fait figurer, pêle-même, avec Villon (oui),
Scalion de Virbluneau, dont le nom l'avait séduit, Théophile, Saint-
Amant, Cyrano : il y a fort à penser, entre parenthèses, que son « méd
aillon » du Voyageur de la Lune a constitué tout le bagage érudit de
Rostand partant à la conquête, lui, d'un nez célèbre. — Théophile Gautier :
Après quoi vint, qui usait d'une autre encre, Perrens, 

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