Captifs, femmes louées et enfants vendus. Les prémices de l esclavage en Mélanésie - article ; n°152 ; vol.39, pg 29-51
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Captifs, femmes louées et enfants vendus. Les prémices de l'esclavage en Mélanésie - article ; n°152 ; vol.39, pg 29-51

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Description

L'Homme - Année 1999 - Volume 39 - Numéro 152 - Pages 29-51
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 44
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Valérie Lécrivain
Captifs, femmes louées et enfants vendus. Les prémices de
l'esclavage en Mélanésie
In: L'Homme, 1999, tome 39 n°152. pp. 29-51.
Citer ce document / Cite this document :
Lécrivain Valérie. Captifs, femmes louées et enfants vendus. Les prémices de l'esclavage en Mélanésie. In: L'Homme, 1999,
tome 39 n°152. pp. 29-51.
doi : 10.3406/hom.1999.453662
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1999_num_39_152_453662femmes louées et enfants vendus Captifs,
Les prémices de l'esclavage en Mélanésie
Valérie Lécrivain
L-ES ÉTUDES sur l'esclavage dans le monde océanien sont particulièr
ement rares 1 . Il est vrai que l'esclavage semble y avoir été peu fréquent. Il
est absent en Australie, mais même pour les sociétés très différentes de
Polynésie, caractérisées par une importante stratification sociale, c'est à
peine si le terme « esclave » figure dans les sources. Dans un travail de syn
thèse sur Tahiti, Douglas Oliver (1974, II : 765-769) discute longuement
des différentes acceptions indigènes utilisées pour les classes les plus basses
sans pouvoir jamais se prononcer sur l'existence éventuelle d'une catégor
ie sociale particulière que l'on appellerait « esclave ». Alfred Métraux
(1941 : 77, 87, 109), à propos des Pascuans de l'île de Pâques, écarte l'idée
que les kio puissent être caractérisés comme tels. On pourrait citer aussi,
pour leur prudence ou leur indécision, beaucoup d'autres travaux ethno-
historiques. L'Océanie ne semble pas être une terre de prédilection de l'e
sclavage. Pourtant, s'agissant de la Mélanésie, divers observateurs,
missionnaires, administrateurs, marchands ou ethnologues, font maintes
fois état de l'existence de 1' « esclavage ». Si ce terme trop galvaudé suscite
notre méfiance, il est néanmoins certain que la vente d'êtres humains
(enfants, femmes, captifs vivants) ou de chair humaine était, du moins
dans certaines îles, pratique courante. Certes, cela ne suffit pas pour que £2
l'on puisse affirmer l'existence d'esclaves, mais les données sont assez t/)
importantes pour se poser la question : l'esclavage existe-t-il en Mélanésie ? uj
Précisons quelques points de méthode. Soulignons que la notion d'es- c$
clavage ne se réduit pas à l'esclavage des plantations. La traite atlantique, ff
étroitement liée au développement économique des colonies européennes Q
h- mj
1. À l'exception de l'article de Michel Panoff (1987 : 133-155) que nous analyserons ici (cf. infrá). VUJ
L'HOMME 152/ 1999, pp. 29 à 52 ainsi qu'à celles des États-Unis, n'est pas un phénomène universel. Il est
douteux que la vente et l'exploitation de la force de travail soient des cri-
tères applicables à toute définition de l'esclavage. Par exemple, en ce qui
concerne la main-d'œuvre servile, le serf du Moyen Âge européen est
taillable et corvéable à merci, cependant il n'est pas un esclave. De même,
tout individu, du seul fait qu'il est vendu, ne doit pas être assimilé à un
esclave. Rappelons que le serf pouvait être aliéné, donné ou hérité2 et que,
le fils, à Rome, pouvait être vendu par son père3. Bien des dépendants ont
pu être vendus dans le monde sans que pour autant il s'agisse d'esclaves :
le serf était certes un dépendant mais avait une condition sociale et jur
idique qu'aucun historien ne peut confondre avec celle d'esclave ; à Rome,
le fils était un dépendant de son père, mais n'était évidemment pas un
esclave. Il faut garder au terme esclave sa spécificité. Les observateurs du
XIXe siècle eurent tendance à confondre toutes les formes de dépendance
sous l'étiquette d' « esclavage ». Le contexte d'alors s'expliquait ainsi :
c'était le siècle de la liberté. Les conditions scientifiques d'aujourd'hui ne
nous permettent pas de faire de même : une plus grande connaissance des
faits ethnographiques et une plus grande sensibilité à la diversité culturelle
nous obligent à davantage de circonspection et ne nous permettent plus
de parler d'esclavage à tort et à travers.
L'année 1998, où l'on célébrait en France le cent cinquantième anni
versaire de l'abolition de l'esclavage, a vu paraître quelques ouvrages sur ce
thème4. Parmi ceux-ci, deux retiennent plus particulièrement notre atten
tion. D'abord celui de Leland Donald (1997) qui, tout en constituant une
synthèse ethnohistorique sur l'esclavage interne aux sociétés indiennes de
la côte Nord-Ouest de l'Amérique du Nord, montre l'ampleur du phéno
mène dans une société primitive, alors qu'il avait été souvent sous-estimé
dans la tradition ethnologique, y compris par les plus grands ethnologues.
Par delà son intérêt propre sur lequel nous ne nous étendrons pas, un tel
livre conduit simplement à se demander s'il n'en aurait pas été de même
ailleurs. L'autre est, dans le dossier de L'Homme, l'article d'Alain Testart
(1998a : 31-69) que nous résumerons brièvement. Après avoir critiqué les
approches et définitions usuelles du phénomène (l'esclave assimilé à une
marchandise, à une propriété, etc.) et souligné la diversité considérable de
2. Bloch 1983, Petot 1937 etTessier 1937 d'après Testait 1998a: 35.
3. « À Rome, le paterfamilias a le droit de vendre son fils à un autre paterfamilias sans pour autant le
réduire en esclavage : c'est une sorte de louage de service, mais un louage permanent, le fils ainsi vendu
étant désormais dans la puissance de cet autre pater, qui a également le pouvoir de le revendre. C'est ce
qui est connu en droit romain comme une aliénation in mancipio» (Testart, ibid).
4. Deux revues ont publié un numéro spécial {L'Homme, 1998, 145, Diogène, 1997, 179) et deux livres
ont paru, l'un sur l'Amérique du Nord de Leland Donald (1997), l'autre sur les figures de l'esclavage au
Moyen Âge et dans le monde moderne sous la direction d'Henri Bresc (1996).
Valérie Lécrivain la condition matérielle des esclaves, il en propose une définition minimale
en retenant deux critères. Le premier, fort bien décrit dans un autre article
sur la question, est celui de l'exclusion : 3 '
«... l'esclave est partout, d'une façon ou d'une autre, un exclu. Il est exclu d'une des
dimensions de la société qui est considérée comme essentielle par cette société. D'une
société à l'autre, cette dimension diffère et diffère également la forme de l'exclusion :
dans les sociétés que l'on peut appeler lignagères (pour faire simple) ou primitives (si
nous admettons que ces types de sociétés sont caractérisés par la prédominance de la
parenté), l'esclave est exclu de la parenté ; dans les sociétés antiques, il l'est de la
parenté et de la cité ; dans les sociétés islamiques, il l'est de la dimension religieuse ;
etc. » (Testart 1998b: 10).
Être exclu ne signifie évidemment pas que l'on est un esclave. Nous par
lons beaucoup d'exclus dans notre propre société sans pour autant les dési
gner du terme esclave. Alain Testart propose le critère de l'exclusion à
l'intérieur de la catégorie sociale de dépendant statutaire : l'esclave est
défini comme un dépendant caractérisé par l'exclusion. Ainsi l'esclave
serait un individu qui a perdu toute identité sociale d'appartenance à la
communauté et l'esclavage une forme extrême de la dépendance. Ce n'est
pas le cas du serf qui, bien que dépendant statutaire, avait droit à un nom,
à une famille... Le second critère est que de l'esclave on peut tirer profit
(1998a: 38 sq.). Cette hypothèse nous semble pertinente en ce qu'elle
détermine une spécificité de l'esclavage et parce que ces critères sont appli
cables aux données ethnographiques. C'est celle-ci que nous considérerons
dans ce texte.
Rappelons pour commencer l'arrière-plan historique et social des socié
tés dont nous allons traiter. L'exploration de FOcéanie

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