Causerie pédagogique - article ; n°1 ; vol.14, pg 405-431
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Description

L'année psychologique - Année 1907 - Volume 14 - Numéro 1 - Pages 405-431
27 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1907
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Alfred Binet
Causerie pédagogique
In: L'année psychologique. 1907 vol. 14. pp. 405-431.
Citer ce document / Cite this document :
Binet Alfred. Causerie pédagogique. In: L'année psychologique. 1907 vol. 14. pp. 405-431.
doi : 10.3406/psy.1907.3750
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1907_num_14_1_3750XIV
CAUSERIE PEDAGOGIQUE
I. — LE PÉDAGOGUE DOIT-IL ÊTRE PSYCHOLOGUE?
Dans ces causeries, je relate, simplement et brièvement, les tra
vaux qui ont été faits au laboratoire de pédagogie expérimentale,
rue Grange-aux-Belles, 36, les études qui ont été terminées à la
Société libre pour V Étude psychologique de l'Enfant, et aussi quelques
recherches personnelles qui ont abouti. Il me semble que le mou
vement de pédagogie expérimentale auquel nous avons contribué
en France se propage d'une façon méthodique; il n'y a pas d'em
ballements, d'à-coup, mais un progrès lent. J'en veux pour preuve
l'augmentation régulière des membres qu'accuse chaque année
notre Société libre de l'enfant.
On a prétendu quelquefois que je préconisais l'expérimentation
et l'enquête psychologique, au détriment de l'observation pure et
simple. Bien que cette affirmation, où il y a un reproche, soit, très
inexacte, — car en vérité je cherche à m'inspirer dans chaque cas
particulier des meilleurs moyens d'étude qui s'offrent à nous, — il
n'en est pas moins vrai que j'ai encouragé un certain nombre de
fois l'expérimentation psychologique parmi les instituteurs; et c'est
une raison suffisante pour qu'on m'ait cru visé dans le charmant
petit livre que vient d'écrire mon eminent collègue William James1.
Il n'y a guère que dans le premier chapitre de ce livre que l'on
s'occupe des psychologues qui cherchent à enrôler des instituteurs
dans leurs travaux ; là on leur fait leur procès assez durement ; et
puisque nos méthodes se trouvent ainsi critiquées, on me per
mettra de répondre avec la franchise dont James lui-même nous
donne l'exemple.
Trois propositions résument ses principales idées.
Il affirme d'abord que ni l'érudition psychologique, ni l'habileté
à faire de la recherche de psychologie ne suffisent à former un
bon instituteur. Il a tout à fait raison. Nous ajouterons qu'un
mathématicien ne fait pas nécessairement un bon artilleur, et
qu'un chimiste, même quand il est membre de l'Institut, ne ferait
pas nécessairement un bon cuisinier. Il existe, en effet, une très
1. Causeries pédagogiques, par W. James, Paris, Alcan. 406 MÉMOIRES ORIGINAUX
grande distance entre la science et la pratique ; peut-être l'antithèse
est-elle surtout verbale et aurait besoin d'être approfondie ; mais
passons. Je souscris donc entièrement à la déclaration de James, et,
si on le désire, je pousserai la soumission jusqu'à l'appuyer d'une
confidence. Bien souvent, j'ai visité des classes dont tous les élèves
étaient admirablement disciplinés, écoutaient avec une attention
intense un maître qui savait tour à tour les instruire, les dis
traire et les émouvoir; et en moi-même, je me disais : « Si je
devais remplacer dans sa chaire ce maître qui, très probablement, en
sait beaucoup moins que moi en psychologie, je ferais certainement moins bien que lui, malgré toute mon érudition ». On
voit donc à quel point je donne raison à James. Mais je ne peux
pas le suivre lorsque, d'une vérité incontestable, il semble tirer
une conclusion que certainement elle ne contient pas. Si Ja psychol
ogie n'est pas suffisante pour faire un pédagogue, en résulte-t-il
qu'elle puisse lui nuire? En résulte-t-il même, tout simplement, ne lui soit pas utile? Ceci est une tout autre question; il
suffit d'un peu de logique pour s'en apercevoir. Et jusqu'ici rien
n'a prouvé que l'érudition psychologique ait nui aux qualités pro
fessionnelles de quelqu'un.
Une autre proposition de James qui me paraît contestable, c'est
que la somme de connaissances, de psychologie qui sont nécessaires
à un pédagogue est si petite qu'on pourrait l'imprimer tout entière
dans la paume de la main. La comparaison est pittoresque; mais
elle ne prouve pas grand'chose. Il s'agit tout d'abord de trancher
une question de principe ; est-ce que les observations faites par le
psychologue (sur le mécanisme de la mémoire, pour prendre un
exemple, ou sur l'art d'apprendre) peuvent être utiles à un péda*
gogue ? Si la réponse est affirmative, il est clair qu'on ne peut pas
dresser dès à présent une liste fermée de ces observations utilisa
bles ; la liste est toujours ouverte, elle sera plus longue demain
qu'aujourd'hui, et l'avenir la prolongera indéfiniment.
Je dirai seulement un mot de la troisième proposition. Elle doit
être inspirée par quelque situation locale, que nous ignorons en
France. Je crois deviner que James a songé à de malheureux inst
ituteurs qu'on a tourmentés sans pitié pour les obliger à faire des
observations de psychologie, pour lesquelles ils n'avaient aucune
aptitude; avec un grand sens, James proteste contre cette tyrannie.
Il affirme qu'on peut fort bien être un excellent pédagogue et
répugner à toute investigation psychologique, manquer de talent
pour faire un mémoire de psychologie. Il a bien raison. Mais la
vérité sur laquelle il insiste a aussi sa contre-partie. Un maître ne
perd jamais entièrement son temps à faire des expériences de
psychologie sur ses élèves; car, quand même son travail serait
médiocre et inutilisable , cette préoccupation lui profitera ; elle
éveille sa curiosité, le fait échapper à la mortelle routine, et surtout
lui dévoile du nouveau sur le caractère de ses élèves. C'est toujours
autant de gagné. Et il est juste que j'ajoute ici que, d'après des BINET. — CAUSERIE PÉDAGOGIQUE 407 A.
observations déjà anciennes, car elles s'étendent à une période de
trente ans, les instituteurs à qui j'ai vu du goût pour les recherches
de psychologie étaient constamment des instituteurs d'élite.
Après ces considérations générales, revenons à un compte rendu
plus minutieux et plus terre à terre de nos efforts et de nos résul
tats.
II — LA VISION DES ÉCOLIERS
II est à remarquer que notre pédagogie expérimentale entre peu
à peu dans la voie des applications pratiques ; et je suis bien
heureux de cette direction. Ce sera là la meilleure des démonstrat
ions pour les sceptiques. Sur ma demande, et conformément à
un rapport de M. Bonnaric, inspecteur d'Académie, M. Liard a bien
voulu prescrire au mois d'octobre 1907 que, dans toutes les écoles
primaires des départements qui dépendent de l'Académie de Paris,
l'instituteur fît usage, chaque année à la rentrée, de l'échelle opto
métrique que nous avons adoptée, M. Simon et moi, pour recon
naître les enfants anormaux de la vision, les placer à petite dis
tance du tableau noir, les signaler à leurs parents et aux médec
ins oculistes. Les frais occasionnés par l'énorme tirage de ces
échelles optométriques ont été supportés par notre Société libre
pour l'étude psychologique de l'Enfant. Il est incontestable que cet
usage régulier de l'échelle optométrique va rendre les plus grands
services aux élèves, car, ainsi qu'on nous l'a signalé, dans plusieurs
rapports d'ensemble, dressés par les Inspecteurs d'Académie, ces
anormaux de la vision sont nombreux (5 à 12 p. 100) l ; 2° environ un
tiers d'entre eux sont ignorés des maîtres ; 3° 45 p. 100 d'entre eux
doivent à leur anomalie visuelle un retard dans leurs études.
Naturellement, les objections contre notre entreprise ne nous ont
pas manqué. Quoi qu'on fasse, on rencontre toujours des m'écontents.
Plusieurs médecins oculistes ont déclaré que l'examen pédagogique
de la vision par les instituteurs est illusoire et ne sert à rien. Nous
avons répondu en priant notre eminent collègue le Dr Tscherning
de venir faire, à sa manière, un examen approfondi de l'œil chez
tous les enfants reconnus anormaux par les

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