Ce que parler veut dire dans ce monde et dans l autre. De l usage de la métaphore en Santal - article ; n°1 ; vol.57, pg 43-70
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Ce que parler veut dire dans ce monde et dans l'autre. De l'usage de la métaphore en Santal - article ; n°1 ; vol.57, pg 43-70

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Langage et société - Année 1991 - Volume 57 - Numéro 1 - Pages 43-70
Carrin-Bouez Marine - What is meant by speaking here below and in the other world. On the use of metaphor among Santals.
Analysing metaphoric processes among Santals gives some insight into their own view of what speaking is about. This analysis reveals two registers opposing : the register of earthly speech, unfurled within ordinary speech as well as in the oratory of spokesmen and priests ; the register of Bongas, threatening and deceitful divinities's speech. Whether in an ordinary or solemn context, the register of enunciation of twisted speech (bentha katha) needs to be recognized : as earthly speech, they rely upon substitution in a natural series ; as Bonga's (or witche's) speech, they act as a translation - reported speech into the other world, where a substitution of speaker induces a semantic shift.
Une analyse de la métaphore chez les Santal permet d'approcher leur conception de la parole. Dans ce cadre, on peut opposer le registre de la parole dans le monde, qui se déploie dans la parole ordinaire et cérémonielle des orateurs et des prêtres, à la parole des bonga, divinités menaçantes et versatiles. Les paroles détournées, bentha katha, énoncées dans un contexte quotidien ou cérémoniel, appellent le décodage et l'identification du registre de leur énonciation : celui du monde ordinaire où elles utilisent un procédé de substitution dans une série naturelle, ou celui du parler des bonga (ou de la sorcière) où leur énoncé apparaît traduit, discours rapporté dans l'autre monde qui bascule sémantiquement en raison de la substitution de l'énonciateur.
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Marine Carrin-Bouez
Ce que parler veut dire dans ce monde et dans l'autre. De
l'usage de la métaphore en Santal
In: Langage et société, n°57, 1991. Métaphore et diglossie en contexte ethnologique. pp. 43-70.
Abstract
Carrin-Bouez Marine - "What is meant by speaking here below and in the other world. On the use of metaphor among Santals".
Analysing metaphoric processes among Santals gives some insight into their own view of what speaking is about. This analysis
reveals two registers opposing : the register of "earthly speech", unfurled within ordinary speech as well as in the oratory of
spokesmen and priests ; the register of Bongas, threatening and deceitful divinities's speech. Whether in an ordinary or solemn
context, the register of enunciation of twisted speech (bentha katha) needs to be recognized : as earthly speech, they rely upon
substitution in a natural series ; as Bonga's (or witche's) speech, they act as a "translation" - reported speech into the other world,
where a substitution of speaker induces a semantic shift.
Résumé
Une analyse de la métaphore chez les Santal permet d'approcher leur conception de la parole. Dans ce cadre, on peut opposer
le registre de "la parole dans le monde", qui se déploie dans la parole ordinaire et cérémonielle des orateurs et des prêtres, à la
parole des bonga, divinités menaçantes et versatiles. Les paroles détournées, bentha katha, énoncées dans un contexte
quotidien ou cérémoniel, appellent le décodage et l'identification du registre de leur énonciation : celui du monde ordinaire où
elles utilisent un procédé de substitution dans une série naturelle, ou celui du parler des bonga (ou de la sorcière) où leur énoncé
apparaît "traduit", discours rapporté dans l'autre monde qui bascule sémantiquement en raison de la substitution de l'énonciateur.
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Carrin-Bouez Marine. Ce que parler veut dire dans ce monde et dans l'autre. De l'usage de la métaphore en Santal. In: Langage
et société, n°57, 1991. Métaphore et diglossie en contexte ethnologique. pp. 43-70.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lsoc_0181-4095_1991_num_57_1_2541CE QUE PARLER VEUT DIRE
DANS CE MONDE ET DANS L'AUTRE
DE L'USAGE DE LA MÉTAPHORE EN SANTAL
Marine CARRIN-BOUEZ
CNRS
Laboratoire d'ethnologie et de sociologie comparative
Université de Paris X-Nanterre
Pour les Santal, tout énoncé qui n'est pas littéral est une bentha
katha, une "parole détournée". Pourtant, à y regarder de plus près,
la catégorie des bentha katha comprend divers types de paroles codées
qu'on énonce soit dans le contexte quotidien, soit dans le contexte
cérémoniel. Hormis des paroles "anciennes"1, censées révéler l'origine
de certains interdits ou l'interprétation de présages particulièrement
importants aux yeux des Santal, les paroles détournées comprenn
ent encore les devinettes, les proverbes et les métaphores.
Les Santal, qui distinguent plusieurs types de parole et possèdent
une littérature orale originale, adoptent vis à vis des paroles détour
nées - et particulièrement des métaphores - deux attitudes opposées.
- dans certains cas, les renvoient à une interpréta
tion qui doit permettre de deviner leur sens caché.
- dans d'autres, celui du parler cérémoniel notamment, les
métaphores ont une valeur performative, il devient nécessaire de
les décoder.
I. IMAGES ET MÉTAPHORES COURANTES
Si la métaphore est bien, comme l'écrivaient déjà Ogden et
Richard (1960) une abstraction primitive, on sait qu'elle n'a pas
1 . Les paroles "des jours anciens" , sedae jugre katha.
n" 57 - septembre 1991 langage et société 44 CE QUE PARLER VEUT DIRE : LA MÉTAPHORE EN SANTAL
toujours une forme verbale et - c'est sans doute pour cette rai
son - que les anthropologues s'intéressent le plus souvent aux
seules métaphores rituelles, tout en englobant dans cette catégorie
des symboles, comportements, ou des énoncés rituels qui forment
souvent un noyau de sens .
Pour l'observateur, la métaphore s'impose particulièrement
lorsqu'elle est récurrente ; ainsi, un chant peut offrir une série
d'images en "chaîne" qui pourront être traduites dans les diffé
rents codes sensoriels, lesquels sont alors isomorphes, comme l'a
montré Cl. Lévi-Strauss (1964). Ces images en chaîne sont souvent
complémentaires, dès lors qu'on s'attache à étudier non seule
ment une série de tropes mais aussi, les conditions dans lesquelles
elles sont énoncées. Une telle démarche suppose, en effet, non
seulement un repérage - aussi précis que possible - des contextes
d'occurrence mais également une expérience linguistique de leurs
situations d'énonciation.
1. 1. Métaphores externes et métaphores internes
Avant de présenter une analyse des métaphores santal, rappelons
brièvement quelques conceptions de la métaphore, telles que l'étudient
les anthropologues. En effet, à la différence des rhétoriciens, les anthr
opologues cherchent à déterminer quelles métaphores sont centrales
dans une culture déterminée. Cette préoccupation les a conduits à
distinguer des métaphores internes et des externes. Selon
C. Crocker (Sapir et Crocker, 1977) les métaphores internes sont
des métaphores qui impliquent une relation de prédication entre
les membres de la société et une espèce naturelle, par exemple. Dans
cette mesure, les métaphores internes - en nombre limité - expriment
une relation d'identité du type : "nos ancêtres sont des perroquets".
Les métaphores internes ont donc une valeur de jugement onto
logique et elles sont souvent considérées - à tort ou à raison - comme
l'expression d'une métaphysique indigène (R. Keesing 1985) .
2. Le noyau de sens inclut des variations à partir d'un même axe paradigmatique.
Dans la culture santal, par exemple, l 'os, la graine, la branche, le dur, le permanent,
s'opposent à la chair, la fleur, la feuille, le mou.
3. R.M. Keesing (1985) souligne le danger d'une surinterprétation métaphorique qui,
souvent, a conduit les ethnologues à effectuer une analyse cryptologique des
symboles et des métaphores. Marine Carrin-Bouez 45
Quant aux métaphores externes, elles ne font qu'illustrer la
pensée ontologique. Je reviendrai sur ce point dans la présentation
des matériaux santal, mais je voudrais cependant préciser d'emb
lée, que le vrai problème de la métaphore est, à mon avis d'un
autre ordre.
En effet, je pense qu'il est plus important de se demander
comment - et dans quelles conditions - l'interprétation méta
phorique est-elle possible ? Je reprendrai donc la question posée
par Searle (19794) qui formule le problème comme suit :
Comment est-il possible de dire métaphoriquement S est P et de vouloir dire S
est R ? Et comment est-il possible pour l'auditeur qui entend S est P de savoir
qu'il doit comprendre S est R ?
Avant de tenter d'apporter un élément de réponse à cette quest
ion, je mentionnerai quelques autres questions posées par les
anthropologues qui nous permettront de situer l'ensemble du
problème.
Rappelons brièvement, par exemple, comment J. Fernandez
(1974) définit la métaphore :
- la métaphore peut être définie comme le mouvement d'un
concept abstrait vers une image concrète.
- un mouvement qui comblerait les écarts logiques.
- un qui englobe la partie au tout (la métonymie
se trouvant subordonnée à la métaphore).
- un mouvement qui aide à se représenter un phénomène non
verbal.
Une telle conception de la métaphore est intéractionnelle, elle
s'interroge surtout au sujet des processus cognitifs impliqués par
la catégorisation sémantique ou le raisonnement analogique.
A première vue, la position de J. Fernandez (op. cit.) semble
rejeter le modèle Jakobsonien (la métaphore comme substitution
paradigmatique) mais je pense que J. Fernandez cherche à aller
au-delà du modèle binaire métaphore/métonymie qui a particu
lièrement marqué le courant structuraliste.
4. La théorie de Searle prend surtout en compte le point de vue du locuteur, plutôt
que celui du sens de l'énoncé. Searle cherche

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