Chiapas 1993. Tentative d analyse d une situation insurrectionnelle - article ; n°5 ; vol.57, pg 1251-1289
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Chiapas 1993. Tentative d'analyse d'une situation insurrectionnelle - article ; n°5 ; vol.57, pg 1251-1289

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Annales. Histoire, Sciences Sociales - Année 2002 - Volume 57 - Numéro 5 - Pages 1251-1289
L'article analyse la situation du Chiapas à la veille de l'insurrection indienne qui a éclaté dans cet État du sud-est du Mexique au début de 1994. Faisant intervenir diverses variables telles que la structure foncière, la pression démographique, les relations sociales, les politiques publiques, les agences de mobilisation, les médiations politiques et le mode de développement, l'analyse signale les apports ainsi que les limites des théories structurelles et des théories des comportements collectifs qui prétendent rendre compte du phénomène insurrectionnel. Elle conclut à la difficulté de prévoir l'occurrence de ce phénomène et de répondre ainsi à la demande sociale qui tend à remettre l'insurrection à l'ordre du jour de la recherche en sciences sociales.
Chiapas 1993. Analysis of an insurrectional situation.
The paper analyses the situation of Chiapas on the eve of the Indian uprising that broke out in this South-Eastern State of Mexico at the beginning of 1994. Using different variables such as the agrarian structure, the demographic pressure, the social relations, the public policies, the agencies of mobilization, the political mediation and the mode of development, the analysis points out the contribution and the limitations of the structural theories as well as those of the theories of collective behaviour which pretend to explain the insurrectional phenomenon. The conclusion shows how difficult it is to forecast the occurrence of this phenomenon and thus to answer the social demand that leads to set again the insurrection on the agenda of the social research.
39 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 21
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Henri Favre
Chiapas 1993. Tentative d'analyse d'une situation
insurrectionnelle
In: Annales. Histoire, Sciences Sociales. 57e année, N. 5, 2002. pp. 1251-1289.
Résumé
L'article analyse la situation du Chiapas à la veille de l'insurrection indienne qui a éclaté dans cet État du sud-est du Mexique au
début de 1994. Faisant intervenir diverses variables telles que la structure foncière, la pression démographique, les relations
sociales, les politiques publiques, les agences de mobilisation, les médiations politiques et le mode de développement, l'analyse
signale les apports ainsi que les limites des théories structurelles et des théories des comportements collectifs qui prétendent
rendre compte du phénomène insurrectionnel. Elle conclut à la difficulté de prévoir l'occurrence de ce phénomène et de répondre
ainsi à la demande sociale qui tend à remettre l'insurrection à l'ordre du jour de la recherche en sciences sociales.
Abstract
Chiapas 1993. Analysis of an insurrectional situation.
The paper analyses the situation of Chiapas on the eve of the Indian uprising that broke out in this South-Eastern State of Mexico
at the beginning of 1994. Using different variables such as the agrarian structure, the demographic pressure, the social relations,
the public policies, the agencies of mobilization, the political mediation and the mode of development, the analysis points out the
contribution and the limitations of the structural theories as well as those of the theories of collective behaviour which pretend to
explain the insurrectional phenomenon. The conclusion shows how difficult it is to forecast the occurrence of this phenomenon
and thus to answer the social demand that leads to set again the insurrection on the agenda of the social research.
Citer ce document / Cite this document :
Favre Henri. Chiapas 1993. Tentative d'analyse d'une situation insurrectionnelle. In: Annales. Histoire, Sciences Sociales. 57e
année, N. 5, 2002. pp. 1251-1289.
doi : 10.3406/ahess.2002.280105
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_2002_num_57_5_280105Chiapas 1993. Tentative d'analyse
d'une situation insurrectionnelle
Henri Favre
Différentes interprétations ont été données au mouvement insurrectionnel qu'a
déclenché au Chiapas, dans le sud du Mexique, l'Armée zapatiste de libération
nationale (EZLN) en passant à la lutte armée dans la nuit du 31 décembre 1993
au 1er janvier 1994. Les unes, qui font valoir la base indigène du mouvement sans
toutefois remarquer que la moitié au moins de la population réputée indienne
n'y participe pas, présentent l'insurrection comme la dernière expression en date
de la résistance opiniâtre que les Indiens opposent en permanence à l'Occident
depuis cinq cents ans1. D'autres, qui se réfèrent à l'usage que font les insurgés
des plus récentes technologies de l'information, comme le fax, le téléphone satelli
taire et le courrier électronique, la considèrent la première insurrection du
XXIe siècle, en rupture avec toutes celles que l'Amérique latine a connues au cours
des décennies antérieures. Loin de prolonger les « guerres de castes » du XIXe siècle,
elle ferait entrer la guérilla dans l'âge postmoderne2.
Les analyses des causes du mouvement néozapatiste sont tout aussi contras
tées. Selon certaines, l'insurrection serait en quelque sorte le corollaire de la situa
tion particulière, et à maints égards exceptionnelle, du Chiapas. Elle interviendrait
dans un État dont l'économie sous-développée demeurerait dominée par la grande
Cette étude a été réalisée avec le concours financier de l'Institut Nord-Sud d'Orrawa.
1 - Voir, par exemple, John Ross, Rebellion from the Roots: Indian Uprising in Chiapas,
Monroe, Common Courage Press, 1995, en particulier le chap. 5.
2 - Voir David Ronfeldt et alii, The Zapatista Social Netwar in Mexico, Santa Monica,
Rand Corporation, 1998. 1 251
Annales HSS, septembre-octobre 2002, n°5, pp. 1251-1289. HENRI FAVRE
propriété foncière traditionnelle ; où la population blanche et métisse imprégnée
de racisme continuerait d'exploiter les masses indiennes réduites à la misère ; et
où le parti révolutionnaire institutionnel (PRI) monopoliserait le pouvoir en recou
rant de plus en plus fréquemment à la fraude et à la violence. Pareille image du
Chiapas, à laquelle un label de scientificité paraît attaché, s'est rapidement imposée
au Mexique et à l'étranger à partir de 1994. Elle conduit à penser que l'archaïsme
économique, l'inégalité sociale et la répression politique combinés ne pouvaient
que provoquer une explosion insurrectionnelle3.
À ces analyses de type structurel et de tendance déterministe s'opposent d'autres
analyses plus axées sur le sujet, selon lesquelles le mouvement néozapatiste résul
terait principalement de l'action menée par un groupe d'activistes, les Forces de
libération nationale (FLN), qui a construit l'EZLN au fond de la Lacandonie, dans
l'orient chiapanèque. Son succès découlerait de la capacité de ce groupe, dont la
plupart des membres sont issus de la petite bourgeoisie urbaine du centre et du
nord du Mexique, de manipuler la conjoncture, et surtout de l'aptitude de son
chef, Rafael Guillen — le « sous-commandant Marcos » —, à croiser une technique
nouvelle, l'ordinateur, avec une institution elle aussi nouvelle, l'organisation non
gouvernementale, pour mobiliser l'opinion et créer un réseau international de
soutien, une fois l'EZLN battue militairement et ses guérilleros refoulés à l'inté
rieur de la forêt lacandone d'où ils avaient surgi.
Dans leur ensemble, ces analyses quelque peu unilatérales, et dont certaines
se fondent sur des données parfois contestables, n'apportent guère d'éléments de
réponse à une demande qui est adressée aux sciences sociales avec de plus en plus
d'insistance. Depuis quelque temps, en effet, les instances internationales, prenant
finalement conscience des dégâts sociaux provoqués par le néolibéralisme et les
risques d'instabilité qui en découlent, souhaitent pouvoir connaître l'impact qu'une
politique, un programme ou un projet sont susceptibles d'avoir sur la société à
laquelle ils s'appliquent. Plus précisément, elles désirent disposer d'instruments
suffisamment fiables pour évaluer et, si possible, prévoir si telle politique, tel
programme ou tel projet réduit les conflits existant dans cette société, ou si, au
contraire, il les dynamise et en provoque d'autres4. L'objectif final est d'éviter
que les conflits ne dégénèrent, ne deviennent incontrôlables et n'éclatent dans la
violence insurrectionnelle.
La demande ainsi formulée au niveau international tend à rétablir le phéno
mène insurrectionnel parmi les priorités de la recherche. Elle incite les scienti
fiques sociaux à s'interroger de nouveau sur la nature de ce phénomène et sur
les conditions de son occurrence. Qu'est-ce qu'une insurrection ? En quoi se
3 - Voir, par exemple, George Collier, Basta! Land and the Zapatista Rebellion in
Chiapas, Oakland, Institute for Food and Development Policy, 1994.
4 - Bien que parfois formulée en termes naïfs, la demande internationale suscite, depuis
quelques années, de nombreux programmes de recherche à travers le monde. Ils sont
connus sous le sigle de PCIA, soit, selon l'intraduisible expression anglaise, « peace and
conflict impact assessment». La présente étude a été entreprise dans le cadre de l'un
d'entre eux. CHIAPAS
distingue-t-elle d'un conflit, terme qui prétend parfois l'englober au risque de lui
faire perdre ses spécificités ? N'est-il pas plus productif de l'envisager au départ
comme la forme paroxystique du mouvement social et d'en entreprendre une
première approche à l'aide de l'outillage conceptuel déjà élaboré pour défricher
ce champ d'étude ? Elle se laisserait alors définir comme une action collective
concertée contre un adversaire identifié et en faveur d'une cause définie, qui
s'exerce hors du cadre institutionnel, au moyen de la lutte armée. Cette définition
permettrait déjà de rompre le lien, établi dans le cas du Chiapas comme dans
beaucoup d'autres, entre traditionalisme et insurrection. Si l'insurrec

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