Comment naissent les grands crus : Bordeaux, Porto, Cognac (Première partie) - article ; n°3 ; vol.8, pg 315-328
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1953 - Volume 8 - Numéro 3 - Pages 315-328
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1953
Nombre de lectures 42
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Henri Enjalbert
Comment naissent les grands crus : Bordeaux, Porto, Cognac
(Première partie)
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 8e année, N. 3, 1953. pp. 315-328.
Citer ce document / Cite this document :
Enjalbert Henri. Comment naissent les grands crus : Bordeaux, Porto, Cognac (Première partie). In: Annales. Économies,
Sociétés, Civilisations. 8e année, N. 3, 1953. pp. 315-328.
doi : 10.3406/ahess.1953.2182
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1953_num_8_3_2182NAISSENT LES GRANDS CRUS COMMENT
BORDEAUX, PORTO, COGNAC
Première partie
Sur le pourtour de la Méditerranée, les conquêtes réalisées par la vit
iculture au cours de l'Antiquité classique avaient été effectuées en fonction
des besoins croissants des grandes villes phéniciennes, grecques et romaines.
Elles ne furent pas définitives. Le déclin de l'Empire romain d'Occident et
de ses grandes villes eut pour conséquence une très nette régression de la
viticulture. L'hostilité que manifesta l'Islam dès le début de son expansion
à l'égard de la vigne remit en question tout l'aspect viticole de la civilisation
rurale dans les pays méditerranéens. En condamnant les boissons fermentées,
la religion musulmane vouait à la ruine les vignobles du Proche-Orient, de ,
l'Afrique du Nord, de l'Espagne du Sud et de l'Italie du Sud. La vieille éco
nomie de relations des pays riverains de la Méditerranée fut ruinée par la
piraterie sarrazine. La commercialisation du vin dans les ports de l'Europe
méridionale devint impossible. Faute de clients, les vignobles méditerranéens
disparurent. On sait qu'il a fallu, en Afrique du Nord, l'installation des Fran
çais pour redonner à la vigne une place de choix dans l'économie du Maghreb.
Sans la crise phylloxérique qui lui ouvrit le marché français, le vignoble
algérien n'aurait vraisemblablement pas pu se développer faute de débouchés.
L'Algérie est bien le meilleur exemple que l'on puisse donner d'un pays où
la vigne trouve à peu près partout d'excellentes conditions de culture et où
cependant elle n'a été qu'assez peu cultivée en raison des vicissitudes de
l'histoire. Au cœur de la Méditerranée, le vignoble algérien est beaucoup
plus jeune que, dans les mers du Sud, le chilien ; celui du Maroc
commence à peine ses conquêtes et il est plus récent que celui de Californie.
L'Italie péninsulaire et insulaire comme l'Espagne orientale, où l'Islam
multiplia ses empiétements et fit longtemps peser ses menaces, sont restées
jusqu'à une époque très récente des pays de très faible production viticole.
Par là même furent favorisés les pays extra-méditerranéens de la France du
Sud-Ouest et du Centre.
Produit de luxe à bien des égards, et jusqu'à la fin du xvne siècle, produit
cher pour les classes inférieures de la société, le vin ne pouvait être acheté
que par une clientèle riche, en relation avec des producteurs disposant des
capitaux suffisants pour payer les frais de plantation et d'exploitation d'un
vignoble, courir le risque d'une récolte mauvaise ou, en cas de surproduction, 316 ANNALES
d'une mévente prolongée. Au moyen âge, la bourgeoisie des villes chrétiennes
était seule capable, avec les communautés religieuses et l'épiscopat, de créer
des vignobles dans les pays climatiquement favorables à la vigne. Les classes
riches des pays du Nord devaient rechercher leurs fournitures de vin dans
les pays chrétiens plus méridionaux, en particulier dans la France du Sud-
Ouest. Que dans une région adonnée à la viticulture, les négociants en vin ne
puissent plus se mettre en relation avec leur clientèle urbaine — cas des
pays occupés ou menacés par l'Islam — et les viticulteurs n'ont plus aucun
intérêt à cultiver la vigne. Même si le climat est très favorable, ils cesseront
de s'intéresser aux ceps et se contenteront d'entretenir des treilles pour
récolter, à peu de frais, du verjus. Des plantations de vigne taillées et cultivées
avec soin seraient d'un entretien trop coûteux, si, faute de débouchés, on
n'en tirait aucun profit commercial. C'est en ce sens qu'on a pu dire de la
vigne qu'elle était autrefois aristocratique, bourgeoise ou ecclésiastique et
non pas paysanne, quoique le viticulteur fût un paysan. M. Roger Dion1 a
montré que les vignobles de la Gaule romaine étaient associés aux grandes
cités de l'époque — Trêves, Autun ou Bordeaux — et qu'au moyen âge les
abbayes et, les évêchés ont, à eux seuls, provoqué la naissance et le déve
loppement de nouveaux vignobles, parfois dans des régions climatiquement
très défavorisées. A peine s'était-il formé l'Europe chrétienne médié
vale un centre de consommation, ville ou bourg, évêché ou abbaye, que la
quête du vin commençait. On recherchait les moindres coteaux bien exposés,
et on ne reculait pas devant des travaux d'aménagement coûteux, pour
avoir un vignoble à portée de chaque ville ou de chaque centre ecclésiastique.
Pour les besoins de la ville archiépiscopale de Reims furent plantés en vigne
les coteaux champenois, pour ceux de l'évêché d'Autun naquit le vignoble
de la Côte d'Or2. Les raisins qu'on y récoltait avaient mûri sous des cieux
qui n'avaient rien de méditerranéen, mais où, cependant, la vigne venait
assez bien, à, condition de sélectionner les cépages.
Poussée jusqu'à l'absurbe, cette politique du vin aboutit au moyen âge -
à des tentatives qui, aujourd'hui, nous paraissent insensées, telles les plan
tations de vigne de l'Angleterre londonienne, du Danemark ou de la Scanie
suédoise. Engagée dans cette voie, la viticulture médiévale aboutissait à des
paradoxes géographiques. Même si l'on ne tient pas compte des expériences
avortées des pays de la Tamise ou des détroits Scandinaves, les anomalies
viticoles sont nombreuses : en France, tels cantons de la Provence ou du
Languedoc, admirablement ensoleillés, n'ont pas eu de vignes jusqu'au
milieu du xixe siècle ; de vastes régions de la Sardaigne ou de la Sicile n'en
ont encore pas aujourd'hui, qui seraient des terroirs de choix pour les ceps,
tandis qu'on récolte du vin, et, qui plus est, du vin de bonne qualité3,
\. R. Dion, Grands traits d'une géographie viticole de la France, dans Reçue d'Histoire de la
Philosophie et d'Histoire Générale de la Civilisation, 1944.
2. R. Dion, Grands traits d'une géographie..., art. cité.
3. Il importe du reste de noter que, sans paradoxe, on pourrait soutenir qu'il ne faut pas aux
vignobles des grands crus un climat trop également favorable. Si les ceps poussent et fructifient
à l'envi, ils donnent un vin abondant mais de qualité seulement moyenne et sans caractère ;
si au contraire, la vigne produit peu et si elle souffre à. produire, sous un climat qui lui convient
tout juste, le vin aura plus de finesse et les qualités particulières du terroir se retrouveront dans COMMENT NAISSENT LES GRANDS CRUS 317
sous le ciel pluvieux d'Irrouléguy, au cœur du pays basque français, ou sur
les coteaux cernés de brouillards de la banlieue nantaise (Glisson). Mais les
bourgeois de Saint-Jean-Pied-de-Port et de Saint-Jean-de-Luz comme ceux
de Nantes s'intéressent depuis le moyen âge à la culture de la vigne ; les
paysans d'Irrouléguy et de Glisson ont des siècles d'expérience viticole
derrière eux, parce qu'il y a depuis le moyen âge de riches bourgeois dans les
villes voisines.
I
CLIMAT OU CLIENTÈLE?
En Sardaigne, les cultivateurs ont beau avoir au-dessus d'eux le ciel de la
Méditerranée : comme personne ne viendrait acheter leur vin, ils sont trop
besogneux pour se payer le luxe d'entretenir des ceps à seule fin de boire
eux-mêmes ce vin. Les notables, possesseurs du sol, consacrent une partie
de leurs terres à la culture des céréales et pratiquent sur le reste l'élevage
extensif : si, pour eux-mêmes, ils veulent du vin, ils peuvent se le procurer
dans les pays voisins ; autour d'eux, le menu peuple boit de l'eau. La vigne
en ceps est aussi inconnue dans certaines régions méditerranéennes qu'elle
peut l

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