Commentaire : La promenade Vernet - article ; n°1 ; vol.2, pg 123-163
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Description

Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie - Année 1987 - Volume 2 - Numéro 1 - Pages 123-163
41 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 51
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Mr Jacques Chouillet
Commentaire : "La promenade Vernet"
In: Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, numéro 2, 1987. pp. 123-163.
Citer ce document / Cite this document :
Chouillet Jacques. Commentaire : "La promenade Vernet". In: Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, numéro 2, 1987.
pp. 123-163.
doi : 10.3406/rde.1987.899
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rde_0769-0886_1987_num_2_1_899Jacques CHOUILLET
"La promenade Vernet
un qu'il à Grimm joli C'est aimait paragraphe de ainsi 1768 cet que écrit, (Corr., Diderot de et la VIII, promenade qu'il la 199). nommait le considérait Sa Vernet réflexion : « Et », voilà comme dit-il prouve ce dans qui un deux texte aurait une choses lettre littéfait :
raire à part entière, au sein d'un ensemble plus grand, le Salon de
1767. Tout porte à croire qu'il le composa dans la joie : écriture
allègre, débauche d'imagination et d'invention — mais débauche
dominée et concertée, comme on le verra plus loin. On verra aussi
quelle place de choix occupe la Promenade, concurremment avec
le Salon de 1765, sur la route qui va des œuvres de promesse comme
D' le Alemhert Salon de et 1763 Jacques aux chefs-d'œuvre le fataliste en de particulier. la grande époque, Elle prolonge Rêve de le
passé et elle annonce l'avenir, dans tous les domaines : esthétique,
philosophique, poétique. Si le propre des grandes créations est
d'intégrer et d'irradier, celle-ci se classe parmi les premières.
Quelle en fut l'occasion ? Le catalogue officiel, sur ce point,
est fort discret. Du célèbre Joseph Vernet, à qui l'on doit les Ports
de France, les grandes Marines, les Parties du Jour sur Terre et
sur Mer, on ne voit mentionnés, sous le n° 39, que « plusieurs
tableaux sous le même numéro » \ N'était le commentaire de
Diderot, on n'en saurait même pas le nombre. On en ignore
les dimensions. On devine aisément, à travers le commentaire,
qu'ils appartiennent à la suite intitulée Parties du Jour sur Terre
Tous les nombres entre parenthèses sans indication de pages renvoient
aux folios du texte de Diderot.
1. Diderot, Salons, éd. J. Seznec et J. Adhémar, Oxford, Clarendon Press,
vol. III, 1963, p. 23.
Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, 2, avril 1937 124 JACQUES CHOUILLET
et sur Mer, mais ce dont on se persuade à la lecture du catalogue
Ingersoll-Smouse consacré à J. Vernet, peintre de marine2, et à
la vue des estampes éditées par l'auteur, c'est que chacun des sujets
préférés de Vernet est traité généralement plusieurs fois, avec de
légères variantes, ce qui rend les identifications difficiles. Seuls
deux « Sites » (I et IV) ont été identifiés avec certitude par Jean
Seznec 8 et correspondent exactement aux deux estampes intitulées
n° 818r Les Occupations du rivage et la Source abondante (I.-S.,
819). L'identification du Site III ne soulève guère de doutes non
n° 860). Mais au-delà, dans l'état actuel de nos connaisplus (I.-S.,
sances, on est perdu, d'autant plus que les peintures correspondant
aux descriptions de Diderot sont introuvables et qu'aucune des
estampes connues n'offre de solution satisfaisante.
C'est donc, à cause de cette ignorance même, une grande partie
qui se joue, entre l'imagination du lecteur et la magie incantatoire
de Diderot, pour rendre présente une série d'œuvres dont la pro
priété essentielle est l'absence, même si les gravures connues à
ce jour nous permettent d'en supposer une partie. Il en est un
peu des Parties du Jour de Vernet comme de Sophie Volland,
dont nous ne connaissons l'existence et le profil moral que par
des lettres dont les réponses semblent perdues à jamais. Au moins
le témoignage du Mercure de France et de Y Avant-Coureur, très
favorables *, nous permet-il d'assurer que ces tableaux ont réell
ement existé. L'écart immense qui sépare le substrat invisible de
l'œuvre (les « tableaux ») de la partie visible (le commentaire) ne
fait que rendre plus saisissable et saisissant le rôle joué par la
création poétique dans la genèse des Salons. Sans être un hors-
texte ni même un prétexte, la présence du tableau ne se manifeste
que sous forme d'échos affaiblis, d'autant plus troublants qu'ils
sont étouffés par l'éloignement, tels le carillon d'une cathédrale
engloutie.
Sans doute ce type de fiction n'est-il pas une nouveauté.
Diderot a écrit la Promenade du Sceptique, dont le titre en dit
assez sur la stratégie de l'auteur. A la faveur des déplacements
d'une armée en marche, on est censé visiter les différents sites de
la pensée humaine. L'ennui (et il est réel), c'est que cette armée
n'en finit pas de partir et n'arrive jamais au but. C'est aussi que
les sites ne sont que des entités réalisées. Rien de semblable dans
la Promenade Vernet. D'abord parce que les tableaux, faute d'être
visibles, ont du moins une identité qui les rend représentables. On
2. F. Ingersoll-Smouse, /. Vernet peintre de marine (1714-1789), étude
critique suivie d'un catalogue [...] ; Mesnil-Paris, E. Bignou, 1926, 2 vol., fol.
3. Seznec, o.c, p. 24 ; reproductions n° 22 et 23. Voir le catalogue de
l'exposition Diderot et l'art de Boucher à David, p. 516.
4. Passages cités par Seznec, p. 23. LA PROMENADE VERNET 125
distingue un bord de mer surmonté de rochers et de montagnes (I)r
un lac et une chute d'eau (II), une anse de mer et un château
fort (III), une rivière et des pêcheurs (IV), un bord de mer au
soleil couchant (V), un phare et une « échappée de mer » (VI), un
clair de lune sur la mer (VII), sans parler de la tempête finale.
Quant au petit cortège formé par l'auteur et par un abbé précepteur
accompagné de ses deux élèves, il bavarde beaucoup certes, mais
il avance, physiquement et philosophiquement. La Promenade n'est
pas une fiction bavarde. Elle nous fait passer de site en site et,
suprême habileté, nous promène à l'intérieur de chaque site, comme
si l'espace représenté par le peintre était en lui-même une équi
valence de temporalité, une sorte d' « invitation au voyage ». On
y voyage en même temps à travers le ciel des Idées, comme le
voulait Platon, mais l'exquise roublardise du conteur nous vaut
de ne jamais perdre des yeux le paysage terrestre dont elles sont
l'émanation : un tourbillon de sable, et c'en est assez pour mettre
en branle tout le processus dialectique où s'opposent le hasard
et la nécessité ; un merveilleux couchant est une invite à célébrer
les « cieux de Vernet » plus beaux que ceux de la nature. On va
sans cesse (et sans encombre) d'un réel factice qui est lui-même
un imaginaire transposé, pour rejoindre le réel du tableau, lequel
à son tour devient le lieu de fixation d'une idée, et le prétexte à
de nouveaux départs. Rarement fut mieux imité le mouvement de
la marche, dans tous les sens de ce mot, sauf peut-être par
Moussorgski, exemple bien connu, ou encore par Péguy dans Victor-
Marie, comte Hugo. Mais l'imagination de Diderot est plus libre,
et réellement elle s'envole, là où d'autres quelquefois piétinent.
De menus faits, qui ne sont pas tous du domaine de l'anecdote,
viendront compléter cette première esquisse. Il faut noter les pro
portions du texte par rapport à l'ensemble du Salon : la Promenade
en occupe 12,6 °/o, tandis que le commentaire sur les Ruines d'Hubert
Robert lui fait pendant avec 9,2 °/o. La Promenade arrive dès le
milieu du premier tiers de l'ouvrage, les Ruines se situent à la
fin du deuxième tiers. Il y a dans cet équilibre un effet d'art évident,,
mais on doit reconnaître que c'est la Promenade qui occupe la
meilleure place, dans tous les sens du terme. Jean Seznec souligne
avec justesse que Diderot n'a cessé d'y penser et d'y travailler,
comme en témoignent les trois fragments autographes qui sont
venus enrichir la version initiale, l'un sur la naissance de Minerve,
l'autre sur l'homme de génie, le troisième sur la « langue de
nature ». Un autre signe de vitalité est le rôle qu'y joue le dialogue
par rapport aux autres passages dialogues : une courte conver
sation de Dider

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