Conflits entre « création » et « tradition » dans une fête urbaine - article ; n°1 ; vol.34, pg 39-81
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Description

Ebisu - Année 2005 - Volume 34 - Numéro 1 - Pages 39-81
Most of the researchers think Japanese festivals as a place which overcomes heterogeneity and plurality in urban society. Therefore, they often neglect to consider the process through which this heterogeneity appears. As a matter of fact, heterogeneity is built through various conflicts, caused by economic and political factors. In this paper, I focus on the Gion festival of the drums in Kokura, which was in the past the summer festival of the Yasaka shrine. At first held by the inhabitants of the down town of Kokura castle, it began to attract more participants from other parts of Japan at the beginning of the 90's. Beyond the differences in the costumes and the rythms, the former define themselves as the holders of the tradition, whereas the latter assume their innovative way of doing, legitimized by their popularity among the public. These conflicts bring into light many nuances, which are given a new meaning, influencing in return the actions of individuals.
La plupart des chercheurs saisissent les fêtes au Japon comme un lieu permettant de dépasser l'hétérogénéité et la pluralité des villes, négligeant souvent de montrer que l'hétérogénéité se construit au sein de rapports de force. Le présent article se concentre sur ces processus, à travers l'exemple de la fête des tambours de Gion - autrefois fête d'été du sanctuaire Yasaka. Animée à l'origine par les habitants de la ville basse du château de Kokura, elle s'ouvrit aux participants extérieurs à partir du début des années 1990. Au-delà de différences dans la manière de battre le tambour et de se costumer, les premiers se définissent comme le noyau de la tradition, s'opposant aux seconds, novateurs, qui tirent leur légitimité du succès remporté auprès du public. La frontière entre les deux groupes est sans cesse renogociée, créant du nouveau sens, qui, à son tour, influence les actions des individus.
43 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2005
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Kiwa Nakano
Conflits entre « création » et « tradition » dans une fête urbaine
In: Ebisu, N. 34, 2005. pp. 39-81.
Abstract
Most of the researchers think Japanese festivals as a place which overcomes heterogeneity and plurality in urban society.
Therefore, they often neglect to consider the process through which this heterogeneity appears. As a matter of fact, heterogeneity
is built through various conflicts, caused by economic and political factors. In this paper, I focus on the Gion festival of the drums
in Kokura, which was in the past the "summer festival of the Yasaka shrine". At first held by the inhabitants of the down town of
Kokura castle, it began to attract more participants from other parts of Japan at the beginning of the 90's. Beyond the differences
in the costumes and the rythms, the former define themselves as the "holders" of the tradition, whereas the latter assume their
innovative way of doing, legitimized by their popularity among the public. These conflicts bring into light many nuances, which are
given a new meaning, influencing in return the actions of individuals.
Résumé
La plupart des chercheurs saisissent les fêtes au Japon comme un lieu permettant de dépasser l'hétérogénéité et la pluralité des
villes, négligeant souvent de montrer que l'hétérogénéité se construit au sein de rapports de force. Le présent article se
concentre sur ces processus, à travers l'exemple de la fête des tambours de Gion - autrefois fête d'été du sanctuaire Yasaka.
Animée à l'origine par les habitants de la ville basse du château de Kokura, elle s'ouvrit aux participants extérieurs à partir du
début des années 1990. Au-delà de différences dans la manière de battre le tambour et de se costumer, les premiers se
définissent comme le noyau de la tradition, s'opposant aux seconds, novateurs, qui tirent leur légitimité du succès remporté
auprès du public. La frontière entre les deux groupes est sans cesse renogociée, créant du nouveau sens, qui, à son tour,
influence les actions des individus.
Citer ce document / Cite this document :
Nakano Kiwa. Conflits entre « création » et « tradition » dans une fête urbaine. In: Ebisu, N. 34, 2005. pp. 39-81.
doi : 10.3406/ebisu.2005.1414
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ebisu_1340-3656_2005_num_34_1_1414n° 34, Printemps-Été 2005 Ebisu
DANS UNE FÊTE URBAINE
L'exemple des tambours de la fête de Gion de Kokura (Kokura
giondaiko /JvUffim;^)1
NAKANO Kiwa ^i?ISfn (Université Daitô bunka X
Traduit par Cécile DIDIERJEAN (Université Paris X Nanterre)
Nous nous intéressons dans cet article aux manifestations identitaires
des différents groupes qui participent à la fête des tambours de Gion.
Nombreuses sont les forces en présence au cours des fêtes urbaines {sairei ^
IL) au Japon. Chaque choc entre elles est générateur de sens, redéfinissant
les frontières entre chacun des groupes. Nous pensons que c'est précisément
dans ce processus de renégociation des frontières entre les uns et les autres
que réside la dynamique de la culture des villes.
Dans un premier temps, nous ferons l'état des lieux des recherches
sur les fêtes urbaines au Japon. Il s'agit d'un thème de recherche
pluridisciplinaire. Les fêtes urbaines ont été en effet tour à tour envisagées
par les historiens, les ethnologues, les sociologues et les spécialistes de la
religion. Nous nous limiterons toutefois ici aux recherches effectuées dans
le domaine de l'ethnologie2, qui, historiquement au Japon, rassemble deux
courants d'études : l'anthropologie culturelle, de tradition occidentale
{bunkajinruigaku SCiYiKW^), et l'ethnologie d'origine japonaise
{minzokugaku Kfê^).
Précurseur des études sur le mode de vie urbain, Yanagita Kunio
#PfflfflH, père fondateur de l'ethnologie japonaise, s'est intéressé au
phénomène d'urbanisation en partant cependant, comme nous le verrons,
1 Pour les détails sur l'appellation de cette fête, se reporter à la p. 1 0. Par la suite, nous
l'appellerons « fête des tambours de Gion » (N.D.T.).
Une partie des données de cette étude est issue d'une enquête réalisée dans le cadre
d'une bourse de recherche du ministère de l'Éducation japonais en 2004. Nous lui
adressons tous nos remerciements.
2 Comme nous le soulignerons plus loin, les ethnologues s'inspirèrent également des
théories des sociologues. 40 NAKANO Kiwa
de l'observation des pratiques rituelles. Parallèlement à l'ethnologie urbaine
{toshiminzokugaku fPîfïKfê^) que les ethnologues japonais ne tardèrent
pas à fonder, l'anthropologie urbaine {toshijinruigaku i^TfïÀ^^) au Japon
se développa à partir des années 1960 et jusqu'au début des années 1970,
c'est-à-dire, tout au long de la période de forte croissance économique.
Le mode de vie japonais connaissait alors de grands changements. Il est
notable que l'anthropologie urbaine constitue aujourd'hui un domaine de
recherche-clé de au Japon.
Actualité des recherches sur les fêtes urbaines
Rite {matsuri H 0 ), fêtes urbaines (sairei) et festivals {shukusai
II est nécessaire de faire quelques remarques préliminaires sur les termes
de rite {matsuri), fête urbaine {sairei) et festival {shukusai) auxquels nous
nous référerons tout au long de notre travail.
La distinction entre matsuri et sairei a été proposée par Yanagita
Kunio. Les remarques de Yanagita sur les changements structurels du rite
rentrent dans le cadre de sa théorie originale sur les villes {toshiron i^ïf?
gra)\ notamment sa thèse sur la continuité ville-campagne {tohirenzokutai
ron HftfiftjUiftf^fm) qui considère la ville comme directement issue de
la communauté villageoise. Yanagita a particulièrement insisté sur
les sentiments {shin.i <ù>M) d'angoisse et de solitude des habitants des
campagnes qui ont dû abandonner le travail de la terre pour gagner les villes.
Selon lui, ces sentiments de frustration seraient à l'origine de l'atmosphère
particulière des villes. Pour Yanagita, il n'y a ainsi pas d'opposition
entre ville et campagne. Au contraire, elles sont prises dans des rapports
réciproques : la capacité des citadins à endurer l'oppression de la ville est à
l'origine de la culture des villes, qui, en retour, a elle-même une influence
sur la communauté villageoise. Il y a interaction entre les deux lieux.
La définition du terme sairei par Yanagita, qui renvoie à une pratique
propre des villes, reflète clairement sa conception de la ville. Yanagita
souligne que « le changement le plus fondamental des rites japonais »
{Nihon no matsuri) « réside, s'il fallait le dire en un mot, dans l'apparition
soudaine d'une foule de gens que l'on pourrait appeler des spectateurs
{kenbutsunin WfyK). Autrement dit, l'apparition de personnes qui,
parmi les participants directs au rite {matsuri), ne partagent pas les mêmes
croyances et contemplent le rite d'un point de vue purement esthétique »4.
Yanagita explique que les fêtes urbaines sont précisément l'occasion
3 Yanagita Kunio, « Toshi to nôson » ffôrfîiJifcf (La ville et le village), Teihon
Yanagita Kunio shû aE^IUPESSIIIII (Édition définitive des œuvres de Yanagita Kunio),
Tôkyô, Chikuma shobô ^M^W, 1962, vol. 16, p. 250.
4 Yanagita Kunio, ibid., p. 182. entre « création » et « tradition » dans une fête urbaine 41 Conflits
pour les citadins de se libérer de leur frustration en laissant exploser leurs
sentiments. Yanagita met ainsi en évidence les mécanismes du changement
social suivant lesquels le rite de la communauté villageoise devient fête
urbaine.
Yanagita a souligné que les fêtes urbaines comprennent au-delà de
rites religieux soustendus par des croyances, un côté grandiose qui implique
la présence de spectateurs. L'apparition de badauds qui regardent les
fêtes, l'émergence d'un rapport « regardant / regardé » et le déploiement
d'élégance dans la mise en scène des fêtes constituent pour Yanagita
les trois caractéristiques principales des fêtes urbaines. C'est dans ce sens
que nous emploierons le terme de « fêtes urbaines » dans la suite de notre
présentation.
Tandis que le rite {matsuri) est fortement marqué par le religieux et
s'appuie sur un

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