Crime, nature et société dans le roman de la Restauration - article ; n°52 ; vol.16, pg 3-18
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Description

Romantisme - Année 1986 - Volume 16 - Numéro 52 - Pages 3-18
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 43
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Claude Rioux
Crime, nature et société dans le roman de la Restauration
In: Romantisme, 1986, n°52. pp. 3-18.
Citer ce document / Cite this document :
Rioux Jean-Claude. Crime, nature et société dans le roman de la Restauration. In: Romantisme, 1986, n°52. pp. 3-18.
doi : 10.3406/roman.1986.4826
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1986_num_16_52_4826Jean-Claude RIOUX
Crime, nature et société dans le roman de la Restauration
Notre question sera : quelle forme dominante revêt sous la Restau
ration la « représentation » romanesque de la déviance et de l'asociali-
té ? Ou, comment le roman de cette époque envisage-t-il le crime et le
criminel dans leur double rapport à la nature et à la société ? L'homog
énéité du corpus, telle qu'elle apparaît à travers des sondages suffisam
ment serrés, autorise un tel questionnement global.
« Vrais » et «faux » criminels
Au premier abord, le roman de la Restauration peut sembler of
frir une galerie très diversifiée de criminels et donc un large éventail de
significations différentes attachées à la déviance. Le criminel de roman
une fois défini comme un type de personnage dont la sphère fonctionn
elle est constituée, au moins partiellement, par des comportements
que la morale commune réprouve et que le Code punit ; et une fois
adopté comme premier critère de classement la distinction apparem
ment pertinente, entre les scélérats odieux d'une part et, d'autre part,
les criminels pathétiques et sympathiques, il est facile de repérer parmi
les seconds des brigands généreux qui prétendent mettre la violence au
service de l'équité, et des criminels-victimes, des criminels malgré eux,
incapables d'assumer leurs erreurs et tenaillés par le remords. Et, du
côté des premiers, des figures aussi différentes en apparence que celles
du monstre physique et bestial, du monstre moral et sadique, du révol
té impie et démoniaque, du fourbe ou du tartufe camouflé sous le mas
que de l'honnête homme, ou encore du bandit professionnel, avec ses
deux variantes : le filou rusé et la brute sauvage.
Diversité donc, mais diversité sans surprise : on reconnaît, dans ce
catalogue, des types conventionnels légués par une tradition romanes
que plus ou moins ancienne et dont la présence envahissante dans le ro
man Restauration atteste assez le peu d'empressement des romanciers
de poser le problème du crime en termes neufs.
En outre, à y regarder de plus près, les criminels malgré eux ne
sauraient nous occuper longtemps, car ce sont de faux criminels : ils
peuvent bien commettre des crimes selon le Code, le narrateur leur ac
corde toutes les circonstances atténuantes — avant même que celles-ci
soient inscrites dans la loi1 — et les innocente finalement au nom d'une
morale, fortement teintée de jésuitisme, qui situe le mal dans l'intention
plus que dans l'acte2 . Souvent d'ailleurs ces personnages s'approchent
du crime sans y mettre la main, et se cantonnent dans le délit ou l'erreur Jean- Claude R ioux 4
mineure quoique funeste3 . Cela leur évite rarement d'être punis (ou de
s'auto-punir en se suicidant), mais le dénouement tragique ne ternit en
rien leur innocence foncière4 . Sa fonction est au contraire de leur con
férer l'auréole du malheur, tout en donnant au roman l'allure d'un
conte de mise en garde, et en maintenant fermement à sa place la fron
tière morale qui sépare le bien du mal. Ajoutons que, lorsque la puni
tion prend la forme d'une peine judiciaire, elle autorise l'insertion dans
le discours romanesque d'un discours critique dirigé contre la pénalité
et qui en dénonce (dans la perspective d'un prudent réformisme) l'inef
ficacité ou les excès, remettant ainsi en question la distinction judiciaire
du délit et du crime, mais au nom d'une autre distinction, morale et
somme toute rassurante : celle qui sépare le malheureux du véritable
scélérat5 . De telle sorte que le personnage du criminel malgré lui, au
lieu de renouveler la représentation romanesque du mal, contribue
surtout à en perpétuer l'image traditionnelle, telle que l'incarne son
double antithétique : le méchant6 .
Quant aux brigands généreux, outre qu'ils appartiennent égal
ement — quand ils sont vraiment très généreux - à la catégorie des faux
criminels, une autre raison, leur relative rareté, impose de les tenir à
l'écart. En dépit ou à cause du prestige de leurs principaux modèles,
apparus au siècle précédent (le Karl Moor de Schiller, le Brigandos de
Sade, le Raymond de Godwin), en dépit des exemples récents proposés
par Byron ou Walter Scott, et malgré les relations privilégiées du romant
isme avec la révolte, les bandits au grand cœur ne sont guère accueillis
dans l'univers romanesque, qu'il s'agisse des simples redresseurs de torts
ou, a fortiori, des brigands plus politisés qui rêvent d'une société égali-
taire ou d'un retour à l'anarchie initiale, et conçoivent le vol comme un
moyen de redistribuer les richesses. La raison de leur recul, précisé
ment, est d'ordre politique autant que moral, censure et auto-censure
interdisant au romancier d'associer le crime et la générosité, et de légit
imer, si peu que ce soit, la violence et surtout le vol par la contestation
de l'ordre-désordre social. Toujours est-il que les brigands vraiment gé
néreux sont rares ; que les révoltés ou bien sont déclassés par leur féro
cité sanguinaire ou bien répugnent à brigander et se contentent de r
evendiquer, en bons libéraux qu'ils sont, la liberté et l'égalité de droit et
non de fait7 ; que souvent même le discours de la révolte idéaliste est
proféré par un affreux scélérat qui en use à la façon d'un masque, d'une
façade trompeuse, et, ce faisant, le dévalue complètement8. Le plus au
thentique et le plus intéressant des bandits au grand cœur de la période,
Jean Sbogar, se distingue lui-même des modèles dont il procède par son
incapacité à assumer pleinement les conséquences criminelles de sa pro
pre révolte et il peut se lire, à bien des égards, comme un contre-mythe
destiné à détruire l'utopie du brigandage anarchiste et philanthropique
et, au-delà, les utopies révolutionnaires et égalitaires en général9 .
Restent donc les véritables scélérats. Qu'ils soient plus rusés que
violents ou vice-versa, qu'ils restent confinés dans leur fief, le roman
terrifiant, ou qu'ils s'insinuent dans l'univers du roman gai10, qu'ils re
lèvent du genre frénétique (c'est-à-dire d'un certain romantisme) ou de
la tradition du roman noir classique, qu'ils évoluent dans un cadre pure
ment conventionnel ou dans un décor historique ou même contempo- nature et société dans le roman de la Restauration 5 Crime,
rain, ils se ressemblent tous parce que les moyens romanesques qui pré
sident à leur élaboration sont identiques dans leurs formes comme dans
leur fonction qui est de signifier le scandale du crime en identifiant ce
lui-ci à la fois au contre-nature et à Yanti-social. En effet, même si le
défaut d'éducation, les mauvaises fréquentations, la misère matérielle
ou morale ont parfois leur place dans le genèse du mal, le criminel de
roman se définit surtout comme une nature à part, impossible à conten
ir dans les limites de la vie sociale11 , et toutes les composantes du per
sonnage sont appelées à signifier cette situation. A commencer par son
nom.
Le nom du criminel
Le premier soin du romancier est effectivement, dans bien ces cas,
d'attribuer à son criminel un nom qui permette de l'identifier sur le
champ comme un scélérat : un qui signifie le mal, le révèle et l'af
fiche. Il est vrai que la substitution, à l'onomastique sociale et à son
fonctionnement conventionnel, d'une onomastique morale et essen-
tialiste n'est nullement le propre du roman Restauration. Ce qui lui est
particulier en revanche, c'est le caractère de pure et parfaite transparen
ce qu'y confère à l'intériorité criminelle la simple opération de nomin
ation.
Le nom du scélérat est en effet généralement fabriqué par dé

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