De l évolution pénale - article ; n°3 ; vol.14, pg 315-323
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Description

Déviance et société - Année 1990 - Volume 14 - Numéro 3 - Pages 315-323
9 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 33
Langue Français

Extrait

Maurice Cusson
De l'évolution pénale
In: Déviance et société. 1990 - Vol. 14 - N°3. pp. 315-323.
Citer ce document / Cite this document :
Cusson Maurice. De l'évolution pénale. In: Déviance et société. 1990 - Vol. 14 - N°3. pp. 315-323.
doi : 10.3406/ds.1990.1194
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ds_0378-7931_1990_num_14_3_1194Déviance et Société , 1990, Vol. 14, No a pp. 315-323
DE L'ÉVOLUTION PÉNALE
M. CUSSON»
Récemment, Pierre Landreville (1987, p. 359)1, décrivait les transformations
récentes dans l'économie des peines autour de quatre grandes tendances:
1. «L'augmentation du contrôle étatique, tant pénal que non pénal.» L'Etat
intervient de plus en plus dans le contrôle de la déviance, l'appareil étatique
pénal ne cesse de croître et se multiplient les contrôles et régulations dans
des secteurs multiples.
2. «Une stabilité, ou même parfois une augmentation des taux d'incarcéra
tion.»
3. «Une diminution de l'utilisation relative de l'emprisonnement dans l'arse
nal pénal.»
4. «Un passage de la moralisation des esprits vers une surveillance accrue et
un contrôle des comportements.»
Cette formulation constitue un excellent point de départ pour une analyse
de l'évolution pénale. En premier lieu, parce qu'elle systématise bien la concep
tion qui prévaut chez plusieurs criminologues et, ensuite, parce qu'elle rend bien
compte d'une partie de la réalité. En effet, il est vrai que les contrôles étatiques
s'étendent, que les taux d'incarcération restent stables dans certains pays et
qu'ils montent ailleurs, et que la prison occupe une place relativement moins
importante dans l'arsenal des peines. Je serais même d'accord avec l'idée que
la politique criminelle s'oriente progressivement vers la modification des com
portements et qu'elle perd peu à peu l'illusion de changer les âmes. Néanmoins,
même si chacun de ces points pris un à un ne soulève pas de difficulté, l'impres
sion qui se dégage de l'ensemble laisse perplexe. Sans pousser trop loin l'inte
rprétation, il me semble que Landreville voudrait nous faire croire que le niveau
général des peines dans nos sociétés ne cesse de croître et que nos tribunaux dis
tribuent un nombre grandissant de souffrances. Je ne pense pas que cela corre
sponde à la réalité. D'autre part, si son analyse est relativement exacte dans ce
qui s'y trouve, elle passe sous silence des aspects importants de la réalité.
* Université de Montréal.
1 P. LANDREVILLE, Surveiller et prévenir. L'assignation à domicile sous surveillance électroni
que, Déviance et société, 1987, Vol. XI, N° 3, pp. 251-269.
315 Pour obtenir un tableau qui rendrait suffisamment compte de la réalité, il y fau
drait pas mal de retouches et d'additions et on risque alors d'obtenir un portrait
bien différent. Je me propose ici de brosser un tableau de l'évolution pénale qui
complète celui de Landreville. Selon moi, l'évolution pénale des trente dernières
années dans les pays occidentaux peut être décrite en sept points.
I. La relative douceur des peines d'aujourd'hui
L'évolution pénale récente doit d'abord être mise en perspective. On ne peut
pas ignorer que les peines infligées aujourd'hui dans les démocraties occidental
es sont beaucoup moins dures que celles qui étaient communément distribuées
aux criminels dans les siècles passés ainsi que celles qui le sont encore dans la
plupart des Etats de la planète. Comme le fait observer Gassin (1988, p. 365)2,
il importe de considérer l'évolution pénale, non seulement sur le court terme,
mais aussi sur le long terme. Or c'est un lieu commun de dire que les peines
d'autrefois étaient plus sévères que celles d'aujourd'hui. Celui qui en douterait
peut consulter des auteurs aussi divers que Christie (1968), Foucault (1975),
Laingui et Lebigre (1979), et Kellens (1982) 3.
II. L'étatisation de la sanction
II me paraît indiscutable que le contrôle étatique n'a cessé de s'étendre dans
nos pays depuis la dernière guerre mondiale. Il est vraisemblable que cette évo
lution aille de pair avec l'érosion des régulations traditionnelles. Autrefois, les
familles, les villages, les entreprises, les associations, etc. socialisaient leurs
membres, les encadraient et sanctionnaient les actes déviants. Aujourd'hui,
cette activité passe de plus en plus sous la juridiction de l'Etat. Il est tout à fait
vraisemblable que les contrôles étatiques varient en raison inverse des autres
contrôles sociaux (Black, 1976)4. En d'autres termes, quand la société civile ne
réussit plus à assurer la conformité des sociétaires, l'Etat prend le relais. Com-
plémentairement, l'extension de la sphère d'intervention de l'Etat s'accompa
gne inévitablement d'une extension des contrôles étatiques. C'est d'ailleurs
pourquoi il me semble contradictoire de souhaiter, d'une part, que l'Etat conti
nue d'intervenir dans la vie économique et sociale et, d'autre part, de regretter
que le contrôle pénal étatique s'étende. L'évolution de l'ensemble des sanctions
R. GASSIN, Criminologie, Paris, Dalloz, 1988.
N. CHRISTIE, Changes in penal values, Scandinavian Studies in Criminology, 1968, vol. 2,
pp. 161-172; M. FOUCAULT, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975; A. LAINGUI,
A. LEBIGRE, Histoire du droit pénal, Paris, Cujas, 1979; G. KELLENS, La mesure de la
peine, Liège, Faculté de Droit, d'Economie et de Sciences sociales de Liège, 1982.
D. BLACK, The Behavior of Law, New York, Academic Press, 1976.
316 distribuées par l'Etat et par la société civile se caractérise, me semble-t-il, par
un vaste transfert des peines privées vers les peines publiques.
III. Augmentation du taux de peine par habitant
mais diminution du taux de peine par crime rapporté
Si on rapporte le nombre de peines infligées par les tribunaux au nombre
d'habitants d'un pays, il est indiscutable que les taux de peine ont fortement
augmenté au cours des trente dernière années. Mais il ne faudrait pas en
conclure pour autant que nos sociétés sont devenues plus punitives. En réalité,
on punit parce qu'un crime a été commis. Il est donc préférable de calculer le
niveau pénal d'un peuple ou d'une époque en mettant le nombre de peines en
rapport avec le nombre de crimes qui y sont commis. Cela donne une image tout
à fait différente, car si on rapporte les peines au volume des crimes commis, il
est clair que les taux de peine ont été en diminution constante depuis au moins
1960. Landreville n'est pas le seul à évacuer délibérément la question du crime
de son analyse des peines. Ce choix découle d'une position bien connue selon
laquelle le crime n'est qu'un construit socio-juridique, qu'il n'a donc pas de réal
ité propre et, même s'il en avait, il serait de toute manière inconnaissable étant
donné que les statistiques de la criminalité ne sont qu'un reflet des opérations
de l'appareil répressif. Je ne reviendrai pas sur la critique que l'on peut faire de
cette position. Je me contenterai simplement d'indiquer que pas mal de crimi-
nologues sont revenus à une position plus classique qui consiste à penser que
le crime existe, qu'il cause des préjudices bien réels, que la distinction entre
crime et bonne action est philosophiquement défendable et, enfin, que les sta
tistiques criminelles peuvent nous donner une idée approximative de l'évolution
de quelques crimes. Si on admet, au moins provisoirement, ce point de vue, on
conviendra que le problème de l'évolution des peines ne sera véritablement
appréhendé qu'à la condition de le rapporter à l'évolution des crimes.
Quand on se livre à une telle opération, on constate que, entre 1960 et 1980,
le nombre des crimes connus de la police dans la plupart des pays occidentaux
a augmenté beaucoup plus vite que le nombre de peines. C'est ainsi que la crimi
nalité apparente augmente de façon vertigineuse cependant que la criminalité
légale (le nombre de condamnations) augmente à un rythme beaucoup plus
lent1. Il est clair que, pendant cette période, la croissance des crimes ra

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