Décadence, politique et littérature à la fin du XIXe siècle - article ; n°42 ; vol.13, pg 23-33
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Description

Romantisme - Année 1983 - Volume 13 - Numéro 42 - Pages 23-33
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 43
Langue Français

Extrait

Jean El Gammal
Décadence, politique et littérature à la fin du XIXe siècle
In: Romantisme, 1983, n°42. pp. 23-33.
Citer ce document / Cite this document :
El Gammal Jean. Décadence, politique et littérature à la fin du XIXe siècle. In: Romantisme, 1983, n°42. pp. 23-33.
doi : 10.3406/roman.1983.4674
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1983_num_13_42_4674Jean EL GAMMAL
Décadence, politique et littérature à la fin du XIXe siècle
D'ordinaire, l'examen de la notion de décadence, pour les vingt
dernières années du dix-neuvième siècle, concerne surtout le champ
littéraire et esthétique, et, d'une manière plus générale, la vie cultur
elle. Mais, dans le cadre de l'évolution tourmentée de la Troisième
République, il est possible de découvrir des conceptions significatives
de la décadence : elles sont mises en avant par les forces conservatrices,
mais aussi, dans une moindre mesure, par des représentants de la
gauche, même si celle-ci reste attachée aux idées de raison et de progrès,
dont certains milieux intellectuels semblent se détacher. Nous nous
efforcerons, dans cette brève étude, de préciser les analyses des divers
courants, et d'opérer une confrontation entre les approches politiques
et littéraires de la notion de décadence, même si les données dont nous
disposons ne sont pas uniformément réparties.
Sur le plan politique, l'idée de décadence est surtout développée
par les tenants des droites, pour lesquelles la République constitue un
facteur de déclin, par rapport aux régimes qu'elles défendent, et qui,
pour elles, du moins officiellement, ne sont pas des « anciens rég
imes » (1), puisqu'ils doivent être rétablis. Cependant, les conservateurs
ne forment pas un ensemble homogène : leurs références et leurs préfé
rences historiques sont différentes, selon leur appartenance à l'un des
trois groupes principaux : légitimistes, orléanistes et bonapartistes (2).
Après la mort du comte de Chambord, en 1883, la plus grande
partie des royalistes soutiennent le comte de Paris. Mais, par rapport
au passé, les vieux clivages demeurent. Les plus sensibles au thème de
la décadence sont probablement les anciens partisans du comte de
Chambord. Imprégnés d'idées traditionalistes et ultramontaines, ils
reprennent, sans, en général, les citer directement et en les atténuant,
les arguments de Maistre ou de Bonald. Pour certains, la décadence a
commencé depuis des siècles : le Moyen Age est l'époque qu'ils admir
ent le plus ; ils vantent l'unité organique de la France, autour de la
monarchie et surtout de l'Eglise catholique, notamment au treizième
siècle. Par la suite, le protestantisme et le jansénisme ont eu des effets
(1) Leurs adversaires républicains utilisent fréquemment l'expression, notamment
dans leurs proclamations électorales.
(2) Voir l'ouvrage classique de René Rémond, Les Droites en France, Aubier-
Montaigne, 1982. 24 Jean El Gammal
pernicieux ; plus encore, le dernier siècle de l'Ancien Régime a été une
période dangereuse, marquée par les progrès de la franc-maçonnerie et
de l'individualisme. Plus nombreux sont les royalistes traditionnels qui,
faisant l'éloge du pouvoir monarchique (tout en se montrant réservés
vis-à-vis du gallicanisme) font plutôt commencer la décadence, annon
cée certes par des signes avant-coureurs, en 1789. Mgr Freppel, évêque
d'Angers et député du Finistère, est très clair à ce sujet dans son ouvra
ge le plus connu, La Révolution française :
« [...] nous testons pas à conclure que la France est sortie de sa voie
historique et traditionnelle, en 1789, et que, depuis lors, elle n'a pas su y
rentrer définitivement, malgré des retours intermittents vers des principes et
des institutions qui avaient fait sa grandeur et sa force » (3).
Le royalisme est en net déclin à la fin du dix-neuvième siècle, mais,
sur le plan idéologique, il conserve des héritiers : les catholiques ralliés
à la République après avoir été légitimistes, dont le plus célèbre est le
comte de Mun (4), n'adoptent pas la philosophie de l'histoire des répu
blicains. Ils continuent à considérer que l'âge d'or se situait au temps
des cathédrales, et, tout en se défendant de vouloir revenir purement et
simplement au passé, font l'éloge des corporations, qui, selon eux,
protégeaient les travailleurs, livrés à eux-mêmes par l'individualisme et
le capitalisme.
L'attitude des orléanistes est bien différente. Ils s'intéressent assez
peu à l'histoire de l'Ancien Régime, et, tout en vantant le principe
monarchique et les rois de France, se montrent peu favorables à l'abso
lutisme et partisans du gallicanisme. Leur conception de la vie écono
mique et sociale est plus moderne que celle des ex-légitimistes (malgré
les enthousiasmes syndicaux de ces derniers), et se rapproche de celle
des républicains de gouvernement. Dans ces conditions, leur sens de la
décadence, surtout politique, concerne principalement le dix-neuvième
siècle. A leurs yeux, un régime trop influencé par les radicaux a succédé
aux sages gouvernements qui s'appuyaient sur le suffrage censitaire.
Ils ont la nostalgie de la monarchie de Juillet et sont surtout des hom
mes de salons et d'intérêts économiques. Certains acceptent la Répub
lique modérée (des orléanistes ont d'ailleurs participé à l'élaboration
de la Constitution de 1875, non sans arrière-pensées, il est vrai), au
nom de la défense de la société, tandis que d'autres — lecteurs du Sol
eil, par exemple — ne se résolvent pas à rompre leurs fidélités tradi
tionnelles.
Les bonapartistes ont souvent des regrets plus agressifs, et expr
iment de manière virulente leurs griefs contre la République, à l'excep
tion d'une frange de plébicitaires qui l'admettent. La décadence politi
que, selon la plupart des bonapartistes, vient de l'absence de consulta
tion directe du peuple et de l'abandon du principe dynastique. Les
plébiscites napoléoniens sont cités en exemple (en dépit de leur carac-
(3) Mgr Freppel, La Révolution française, 1889, p. 136.
(4) A son sujet, voir la thèse de Philippe Levillain .Albert de Mun - la Monarchie,
la République et l'Église (1841-1893), Université de Paris XII-Créteil, 1979. politique et littérature 25 Décadence,
tère a posteriori) (5). Toutefois, les partisans des Napoléons n'osent
guère vanter devant les électeurs les mérites des Premier et Second
Empires, qui ont conduit à des invasions. Mais le député bonapartiste
le plus connu, Paul de Cassagnac, n*hésite pas, dans son journal L'Aut
orité, à célébrer le 1 8 Brumaire et surtout le 2 Décembre :
« [...] journée des représailles nationales, journée du crime héroïque et
saint, reviens nous éclairer encore de ton pâle soleil et rends-nous donc, avec
le renouvellement de ton passé vengeur, la paix, la prospérité, la sécurité,
c'est-à-dire tout ce que la patrie française a perdu sous la République et tout
ce qu'un autre peut et doit lui rendre grâce à toi ! » (6).
Malgré leurs nostalgies et leurs espoirs, les conservateurs, qui savent les
Français hostiles à un changement de système, ne peuvent trop insister
sur les implications politiques de leurs conceptions de la décadence. En
revanche, ils mettent l'accent sur ce qu'ils considèrent comme ses as
pects moraux et religieux. La laïcisation de l'enseignement, le déclin
du rôle de l'Église, le rôle qu'ils attribuent à la franc-maçonnerie sont à
leurs yeux des facteurs d'affaiblissement national. Mais le style apoca
lyptique est peu répandu, sauf chez certains légitimistes ou bonapart
istes exaltés, et chez un antisémite comme Drumont (7).
A la fin du siècle, les droites classiques n'ont plus guère d'influence
en France (sauf dans les régions du nord-ouest) ; mais les forces hostiles
au régime se sont renouvelées, à l'occasion de la crise boulangiste, du
scandale de Panama et de l'Affaire Dreyfus. Les nationalistes, qui de
viennent une des

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