Deuxième ou troisième Réforme ? Le XVIIe siècle des hétérodoxes - article ; n°6 ; vol.25, pg 1574-1590
18 pages
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1970 - Volume 25 - Numéro 6 - Pages 1574-1590
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1970
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre Chaunu
Deuxième ou troisième Réforme ? Le XVIIe siècle des
hétérodoxes
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 25e année, N. 6, 1970. pp. 1574-1590.
Citer ce document / Cite this document :
Chaunu Pierre. Deuxième ou troisième Réforme ? Le XVIIe siècle des hétérodoxes. In: Annales. Économies, Sociétés,
Civilisations. 25e année, N. 6, 1970. pp. 1574-1590.
doi : 10.3406/ahess.1970.422302
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1970_num_25_6_422302Deuxième ou troisième réforme ?
LE XVIIe SIÈCLE DES HÉTÉRODOXES
« Chrétiens sans églises », plus modestement sous-titré « La conscience rel
igieuse et le lien confessionnel au XVIIe siècle », pour l'histoire de la pensée, pour
l'histoire tout court, paraît marquer à tout prendre un jalon, très important dans
les courants historiographiques actuels. Découverte tardive, en raison des
pesanteurs sociologiques et des barrières linguistiques, nous nous en excu
sons.
L'Athènes sarmate ne pense plus latin, et le polonais x échappe à la quasi-
totalité des historiens occidentaux. Ce livre achevé au début de 1964, publié à
Varsovie en 1965, nous parvient, grâce à Anna Posner (qu'elle soit remerciée),
à la Bibliothèque de Philosophie que dirigent, chez Gallimard, Jean- Paul Sartre
et Pierre Verstraeten, dans une traduction d'une rare élégance 2 et, sans doute,
d'une grande précision, quatre ans plus tard. Supposons deux ans, encore,
pour que ce livre, d'une exceptionnelle richesse, suscite partout, à l'ouest le
dialogue qu'il appelle.
Leszek Kolakowski est un philosophe, un remarquable historien des idées,
un logicien du jeu subtil des consciences. On n'écrira plus sans lui (avec lui ou
contre lui) l'histoire religieuse du XVIIe siècle ; mais au-delà du vaste champ
d'expérience retenu, c'est, à la limite, le métier d'historien qui est mis en cause.
Il est donc normal, ce grand livre refermé, de marquer une pose, puis, hom
mage rendu, d'ouvrir le débat.
I
Le premier chapitre est tout de méthode3. Il propose le sujet: « L'objet spéci
fique que j'essaye d'organiser en une structure intelligible est constitué par des
1. Swiadomosc Religijna i Wiez Koscielna, Panstwowe Wydawnictwo Naukowe, Wars-
zawa, 1965..
2. Leszek KOLAKOWSKI, Chrétiens sans église. La Conscience religieuse et le lien confes
sionnel au XVIIe siècle, traduit du polonais par Anna Posner, Paris, Gallimard, Bibliothèque de
Philosophie, 1969, gr. in-8°, 824 pages (diffusion automne 1969).
3. Le christianisme non confessionnel. Le problème, les difficultés d'interprétation, pp. 9-68.
1574 XVir SIÈCLE DES HÉTÉRODOXES P. CHAUNU LE
fragments de l'histoire doctrinale de ce que l'on appelle la seconde Réforme au
XVIIe siècle. » Vient, immédiatement, la définition de cette Réforme,
sur laquelle il peut y avoir discussion « ... conformément à l'usage (un usage
qui, à l'Ouest, précisons-le, est contesté r)l j'entends (par seconde Réforme)
l'ensemble des mouvements religieux qui sont génétiquement issus des trois
plus grandes Églises réformées : la luthérienne, la calviniste et la zwinglienne...
mais qui se retournent contre les Églises protestantes, les accusant de faire les
choses à demi, les accusant... de passer des compromis avec le /77o/7č/e,soítsurle
plan de la théologie, soit sur celui des mœurs, de la vie religieuse, de la vie poli
tique... ».
Kolakowski n'a pas tout retenu — qui songerait à le lui reprocher ? Il s'est
enfermé dans le XVIIe siècle. Kolakowski justifie son choix par l'institution
« ... dans une situation où l'on peut admettre que les divisions religieuses de
l'Europe sont déjà relativement stables » 2. On pourrait tout aussi bien dire, le
XVIIe siècle, c'est-à-dire le passage, le temps d'une structuration au tournant
de toutes les pensées, entre deux révolutions religieuses. Révolution religieuse
du XVIe, bien sûr, mais révolution religieuse, aussi, du XVIIIe siècle, que nous
proposons de définir comme le siècle des chrétiens sans église à l'intérieur des
Églises, du repli au For intérieur, du partage laïc et de la relation verticale.
Kolakowski a choisi le XVIIe siècle, il a donc choisi la Hollande. Tout en part,
tout y revient : « ... les Pays-Bas ont été mon point de départ, en raison de l'excep
tionnel degré de liberté religieuse qui y régnait ; grâce à elle les doctrines et les
opinions exprimées dans ce pays atteignaient le maximum possible d'aisance
et parvenaient à une formulation relativement dépouillée de toute considération
de prudence... ». Mais la Hollande communique : la France, l'Allemagne, l'Italie
apparaissent par moment. Nés en Hollande, les systèmes théologiques y
reviennent. C'est un mouvement d'à lier- retour que suit la rigoureuse architec
ture de ce grand livre.
Les quatre premiers chapitres après l'introduction (II à V) se placent en Hol
lande. Ils éclairent magistralement les origines du mouvement collégiant. Érasme
n'est-il pas, au départ, la meilleure expression, sinon exactement l'origine d'un
courant de réforme qui constitue l'axe le plus fort et le plus continu de ce que
Kolakowski juge commode d'appeler la deuxième Réforme ? Un christianisme
attaché à une lecture naïve du texte évangélique apparaît. Il a pris au sérieux
le recours à l'autorité de l'Écriture qui s'est peu à peu dégagé au XVe siècle,
lors de la crise d'autorité du Magistère de l'Église visible, de l'Église institution.
Il est évangélique et biblique, partant éloigné de la grande construction théolo-
1. Les pesanteurs sociologiques ne jouent pas en sens unique. Cinq ans nous séparent de
l'édition polonaise, six ans de la rédaction. « Ceci explique que certaines études récentes n'aient
pas été mentionnées dans les références », plaide Anna Posner (p. 7). mais aussi, en dépit d'une
prodigieuse maîtrise de toutes nos langues, Kolakowski a deux ou trois ans de retard sur les
derniers états de la recherche occidentale, dans ses dernières démarches, au moment où il a
écrit. Cela n'est pas un reproche, fasse le Ciel que nous soyons aussi rapides à assimiler ce qui
nous vient de Pologne et de Russie, mais une simple constatation. Les pensées continuent, en
dépit de la mutation des moyens de communication, malgré l'électronique et les mass media,
à butter sur le temps et l'espace. Le temps d'une lecture en profondeur, et, peut-être d'abord,
le temps d'un tri. A tout prendre, l'Europe latine des pensées au XVIIe siècle, moins encombrée,
communiquait, au sommet, pour les pensées les plus fines, presque aussi vite, et aussi sûre
ment, que nous ne le faisons.
2. KOLAKOWSKI, p. 9.
1575 LES DOMAINES DE L'HISTOIRE
gique des IIIe, IVe, Ve siècles, en conflit avec l'institution. Il choisit, dans l'écr
iture du Nouveaux Testament, avec prédilection, le témoignage immédiat des
Synoptiques. Il marque plus ou moins inconsciemment les distances à l'égard
de l'élaboration, théologique déjà, du quatrième évangile et de l'Épître aux Hébreux,
l'Épître qu'Érasme n'aimait guère. Le Néerlandais a forgé un mot pour fédérer
tous les sectaires d'une morale héroïque, les « chrétiens du Ve chapitre de Mat
thieu », entendez le Sermon sur la Montagne.
Tout part donc des noyaux collégiants, dans une certaine mesure, donc
de Dirk Camphuysen. Dans la perspective de la tension tragique conscience
chrétienne/Église, plus abstraitement encore, la tension entre les deux relations
fondamentales de la vie religieuse, la verticale et l'horizontale, Camphuysen
(1580-1627) est plus important qu'Arminius (t1609). Il faut bien mesurer
l'originalité de cette manière de voir et de sentir l'histoire religieuse du XVIIe siècle,
rappeler par exemple qu'on chercherait vainement une seule ligne dans la très
justement classique Histoire générale du protestantisme du regretté Emile G.
Léonard x sur Camphuysen et le mouvement collégiant. Kolakowski a bien
montré

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