Diffusion de trois cultes dans le sud du pays Dogon : juru, iɲa et ara-mɔ͂ɲu-nã - article ; n°2 ; vol.64, pg 3-38
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Diffusion de trois cultes dans le sud du pays Dogon : juru, iɲa et ara-mɔ͂ɲu-nã - article ; n°2 ; vol.64, pg 3-38

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Journal des africanistes - Année 1994 - Volume 64 - Numéro 2 - Pages 3-38
In the first half of the 20th century, three cults suddenly spread throughout the southern part of the area inhabited by the Dogon. By the 1980s, they had completely disappeared. They were : two cults of possession against sorcery (juru andiɲa) and a society of « ritual buffoons » (ara-mɔ͂ɲu-nã), which ensured and controlled feminine fertility. Limited in time and space, the diffusion of these three « brotherhoods » can be explained both by their ethnic plurality and by social and political upheaval in the early part of this century.
Dans la première moitié du XXe siècle, trois cultes se sont propagés brusquement dans toute la moitié sud du pays dogon, avant de disparaître presque totalement dans les années 70 ou 80. Il s'agit de deux sociétés de possédés et de contre-sorcellerie (juru et iɲa) et d'une société de « bouffons rituels » garantissant et contrôlant la fécondité féminine (les ara-mɔ͂ɲu-nã). Limitée dans le temps et dans l'espace, la diffusion de ces trois « confréries » s'explique à la fois par les bouleversements sociaux et politiques du début de ce siècle et par la dimension « pluri-ethnique » de ces cultes.
36 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Éric Jolly
Diffusion de trois cultes dans le sud du pays Dogon : juru, ia et
ara-mu-nã
In: Journal des africanistes. 1994, tome 64 fascicule 2. pp. 3-38.
Abstract
In the first half of the 20th century, three cults suddenly spread throughout the southern part of the area inhabited by the Dogon.
By the 1980s, they had completely disappeared. They were : two cults of possession against sorcery (juru andia) and a society of
« ritual buffoons » (ara-mu-nã), which ensured and controlled feminine fertility. Limited in time and space, the diffusion of these
three « brotherhoods » can be explained both by their ethnic plurality and by social and political upheaval in the early part of this
century.
Résumé
Dans la première moitié du XXe siècle, trois cultes se sont propagés brusquement dans toute la moitié sud du pays dogon, avant
de disparaître presque totalement dans les années 70 ou 80. Il s'agit de deux sociétés de possédés et de contre-sorcellerie (juru
et ia) et d'une société de « bouffons rituels » garantissant et contrôlant la fécondité féminine (les ara-mu-nã). Limitée dans le
temps et dans l'espace, la diffusion de ces trois « confréries » s'explique à la fois par les bouleversements sociaux et politiques
du début de ce siècle et par la dimension « pluri-ethnique » de ces cultes.
Citer ce document / Cite this document :
Jolly Éric. Diffusion de trois cultes dans le sud du pays Dogon : juru, ia et ara-mu-nã. In: Journal des africanistes. 1994, tome 64
fascicule 2. pp. 3-38.
doi : 10.3406/jafr.1994.2399
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_1994_num_64_2_2399ъ
ERIC JOLLY
Diffusion de trois cultes
dans le sud du pays dogon
juru, ipa et ara-m5jiu-na
Travaillant à Gimini, à la périphérie de la zone linguistique tene kâ, j'ai
été immédiatement intrigué par l'existence de plusieurs « confréries », incon
nues dans toute la moitié nord du pays dogon1. Leur nom n'est d'ailleurs
jamais mentionné dans la littérature ethnographique sur les Dogon, sauf dans
quelques articles ou dictionnaires concernant spécifiquement la région dono ou
tom52. Lejuru et le ipa sont des sociétés de possédés et de contre-sorcellerie,
tandis que les ara-mopu-nà forment une société de bouffons rituels garantis
sant la fécondité féminine. Ces cultes sont manifestement d'origine méridio
nale et d'apparition relativement récente ; ils se sont implantés en région tene
et togo au début ou au milieu du XXe siècle mais disparaissent progressivement
à partir des années 70. Afin d'en savoir un peu plus sur ces mystérieuses et
éphémères « confréries », j'ai profité de mon étude sur la bière de mil dogon
pour collecter des informations dans différents villages tene, tomo et toro. Cet
article est donc le résultat d'une ramification imprévue de mon sujet de thèse ;
mais d'autres enquêtes seront bien sûr nécessaires pour compléter cette recher
che (en incluant cette fois l'extrême sud du pays dogon).
Avant de passer à la présentation du juru, du ipa et des ara-mopu-nà, je
voudrais d'abord régler quelques problèmes de terminologie. Pour qualifier ces
trois cultes, j'emploie presque indifféremment les termes de société, de confrér
ie ou d'association, mais il s'agit en fait de commodités de langage. Toutes
ces dénominations relativement imprécises servent simplement à désigner des
groupes ou des groupements non fondés sur la parenté. Le terme de « diffu
sion », utilisé dans le titre de cet article, ne doit pas être non plus une source
de confusion. Je n'ai pas du tout l'intention de ressusciter les vieilles théories
diffusionnistes, en réduisant l'extension de ces trois sociétés à une espèce d'imi
tation ou de contagion mécanique, à partir d'un hypothétique « foyer cultur
el ». Cet article cherche simplement à cerner les raisons historiques, culturell
es ou politiques expliquant la diffusion, la transformation puis la disparition
de ces associations, dans des régions particulières du pays dogon et à des
1. Cet article a fait l'objet d'une communication à la Société des africanistes, en janvier 1993. Pour
les termes terje et tom5 cités dans cette étude, j'ai suivi le système de transcription adopté par Genev
iève Calame-Griaule pour le tara sa (1968 : X-XVII). Les tons ne sont pas notés.
2. Le dictionnaire donno sa du père Kervran (1993 : 197, 234 et 341) et le dictionnaire tomo kà du
père Léger (1971 : 2, 66 et 94) mentionnent en effet les ara-mbjiu-na, le ijia et lejuru. Dans son article
sur le « système d'attribution des prénoms chez les Dogon », Karagodyo écrit également quelques mots
sur les ara-mojiu-nà (1979 : 50-51). Quant à mon ami Ibrahim Kassambara, il est le seul à proposer
une brève analyse de cette dernière institution, à partir de chants et d'informations que je lui ai moi-
même communiqués (Coppo, Mounkoro, Diaoure et Kassambara 1993 : 65-66).
Journal des africanistes 64 (2) 1994 : 3-38 JOLLY ERIC
DONO SO .*
BANDIAGARA
ZONES TCNGE KA
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4-
Cette carte, délimitant les zones linguistiques tene kâ, tom5 kâ, Ьгэ so et dono so, s'ins
pire des informations publiées par Geneviève Calame-Griaule (1956 et 1968), Marcel Ker-
vran (1993 : 2), M. Kervran et A. Prost (1969 : 4).
Journal des africanistes 64 (2) 1994 : 3-38 DIFFUSION DE TROIS CULTES DANS LE SUD DU PAYS DOGON
moments bien précis de l'histoire. En effet, si ces cultes « s'achètent » de vil
lage en village, ils n'essaiment jamais n'importe où et n'importe quand. En
outre, l'acquisition d'un savoir ou d'un objet extérieur ne supprime pas toutes
possibilités d'adaptation ou d'innovation. En se diffusant du sud-ouest au nord-
est, ces confréries dogon se transforment rapidement, dans le temps comme
dans l'espace, à tel point que le juru ou le ijia n'aura plus le même sens en
atteignant dans les années 50 les régions septentrionales de Yanda ou de Bamba.
Une équipe de chercheurs, dirigée par Guy Le Moal et Jean-Paul Colleyn,
a déjà étudié la diffusion de différentes sociétés initiatiques en pays bambara,
minyanka, bobo et senoufo. Cet article a donc la modeste ambition de comp
léter leurs travaux en étendant cette zone de recherche aux Dogon, à la limite
septentrionale de l'aire de peuplement mande. Le juru, le ijia et les ara-mopu-nâ
sont en effet les variantes spécifiquement dogon de cultes à caractère pluri-
ethnique répandus dans l'ensemble de cette région. Les deux premières « con
fréries » dérivent explicitement du nya minyanka, tandis que la seconde s'ins
pire vraisemblablement des korduba minyanka. Ces trois exemples semblent
ainsi confirmer les hypothèses avancées par J.-P. Colleyn. Communs aux Dogon
Tomô, aux Bambara et aux Minyanka, ces cultes se sont diffusés parmi des
populations partageant historiquement un même espace culturel et politique.
Mais d'autres facteurs expliquent sans doute la diffusion tardive de ces
associations chez les Dogon Tomo (à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe)
puis dans certains villages tene ou togo (dans la première moitié de ce siècle).
Réprimant la sorcellerie et contrôlant étroitement la fécondité des femmes, les
sociétés du juru, du ipa et des ara-mopu-na s'implantent dans ces régions au
moment précis où disparaissent les anciennes institutions chargées du contrôle
social et politique, notamment les sociétés des masques, les chefferies politico-
militaires et les hogon. Nouveaux garants de l'ordre social, ces cultes « étran
gers » remplacent ainsi des institutions défaillantes, menacées par les boule
versements de la fin du XIXe ou du début du XXe siècle : éclatement des confé
dérations villageoises tomo, confiscation du pouvoir politique des hogon, essa
image de nouveaux villages... Dans les zones tomo, tene et togo, le juru, le ipa
et les ara-mopu-na comblent en quelque sorte le vide créé par l'abandon des
grandes institutions régionales ; mais ces cultes de « substitution » continuent
à jouer un rôle « conservateur » en réprimant tout désordre ou toute atteinte
à la reproduction du groupe (même s'ils

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