Du « dialogisme » et de la « polyphonie » dans deux ouvrages russes des années soixante : Une semaine comme une autre de Natal´ja Baranskaja et Bilan préalable de Jurij Trifonov - article ; n°4 ; vol.58, pg 563-584
23 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Du « dialogisme » et de la « polyphonie » dans deux ouvrages russes des années soixante : Une semaine comme une autre de Natal´ja Baranskaja et Bilan préalable de Jurij Trifonov - article ; n°4 ; vol.58, pg 563-584

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
23 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Revue des études slaves - Année 1986 - Volume 58 - Numéro 4 - Pages 563-584
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monsieur Thomas Lahusen
Du « dialogisme » et de la « polyphonie » dans deux ouvrages
russes des années soixante : Une semaine comme une autre de
Natal´ja Baranskaja et Bilan préalable de Jurij Trifonov
In: Revue des études slaves, Tome 58, Fascicule 4. Tome 58, fascicule 4. pp. 563-584.
Citer ce document / Cite this document :
Lahusen Thomas. Du « dialogisme » et de la « polyphonie » dans deux ouvrages russes des années soixante : Une semaine
comme une autre de Natal´ja Baranskaja et Bilan préalable de Jurij Trifonov. In: Revue des études slaves, Tome 58, Fascicule
4. Tome 58, fascicule 4. pp. 563-584.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1986_num_58_4_5584DU « DIALOGISME » ET DE LA « POLYPHONIE »
DANS DEUX OUVRAGES RUSSES DES ANNEES SOIXANTE :
Une semaine comme une autre de Nataľja Baranskaja
et Bilan préalable de Jurij Trifonov
PAR
THOMAS LAHUSEN
INTRODUCTION
Les concepts bakhtiniens de « dialogisme », « polyphonie », « plurilinguisme »,
« plurivocalité », etc. sont aujourd'hui à la mode. S'y reconnaissent aussi bien la
science de la littérature que la linguistique, ou, plus précisément et respectivement,
la narratologie et la pragmatique. Heureuse et finale rencontre de deux disciplines
dont l'échange n'a pas toujours été aisé ? Il reste que ces concepts, aussi métaphor
iques et peu précis qu'ils soient dans l'œuvre même de Baxtin — Medvedev —
Vološinov et donc sujets à des interprétations innombrables, ont au moins un
point commun : ils concernent une réalité fondamentale, celle de la présence de
Vautre dans le discours, que ce dernier soit un monologue, un dialogue, un énoncé
de la vie courante ou un énoncé littéraire. La création du « roman polyphonique »
(par Dostoevskij), dialogique dans son principe, car reposant sur la « coexistence
des voix », n'a-t-elle pas constitué un « immense pas en avant » et ce « non seul
ement dans le développement de la prose littéraire romanesque [...] mais d'une
façon générale dans le développement de la pensée littéraire de l'humanité »1 ?
On ne s'étonnera pas que bon nombre de chercheurs, à l'Est comme à l'Ouest,
suivent les traces de cette modernité ainsi définie.
Il en va de même pour la linguistique. « La véritable substance de la langue, dit
Baxtin, n'est pas constituée par un système abstrait de formes linguistiques ni par
l'énonciation-monologue isolée, ni par l'acte psycho-physiologique de sa pro
duction, mais par le phénomène social de l'interaction verbale, réalisée à travers
l'énonciation et les énonciatiom. L'interaction verbale constitue ainsi la réalité
fondamentale de la langue.3 »
1. M. Baxtin, Problèmes de la poétique de Dostoïevski, Lausanne, l'Age d'Homme,
1970, p. 314.
2. M. Baxtin [V. N. Vološinov], le Marxisme et la Philosophie du langage. Essai d'appli
cation de la méthode sociologique en linguistique, Paris, Éd. de Minuit, 1977, p. 136.
Rev. Etud. slaves, Paris, LVIII/4, 1986, p. 563-585. 564 TH. LAHUSEN
Ces lignes annoncent bel et bien les développements récents de l'étude du lan
gage : le dépassement de la dichotomie langue / parole ; l'abandon d'une conception
statique et immanente du système linguistique et la « redécouverte » du contexte et
de la situation avec la formation de nouvelles orientations (sociolinguistique,
interactionnisme, analyse du discours, théorie de renonciation, etc.)- On trouvera
un bref aperçu des divers développements du « projet bakhtinien » dans un livre
tout récent consacré à ľ« articulation du discours en français contemporain »*
dont le premier chapitre est notamment intitulé « Structures hiérarchiques et
polyphoniques du discours » . Voici d'ailleurs les trois acceptions que recouvre,
selon l'auteur de ce chapitre (E. Roulet), le terme de polyphonie dans les textes
de Baxtin. Le rappel de ces définitions nous sera utile par la suite.
a) La polyphonie peut désigner la diversité des voix (des langues, des variétés
de langues et styles) qui se manifestent dans les énoncés successifs d'un discours
(romanesque avant tout). Cette définition mérite d'être complétée (Roulet n'en
parle pas) par l'acception que le terme de polyphonie reçoit dans les Problèmes
de la poétique de Dostoïevski. C'est sans doute la plus radicale et la plus contro
versée. Elle repose, selon Baxtin, sur la « multiplicité des voix et des consciences
indépendantes et non confondues », faisant que la parole du héros « a le même
poids » que la parole de l'auteur, « possède une exceptionnelle indépendance
dans la structure de l'œuvre » et « résonne en quelque sorte aux côtés de la parole
de l'auteur et se combine d'une façon particulière avec elle ainsi qu'avec les voix
non moins qualifiées des autres héros »2 .
b) La polyphonie peut aussi désigner la pluralité des voix au sein d'un même
énoncé (un « hybride »). Ce sont les formes du discours rapporté, le discours
indirect libre en est un exemple, mais ce type de polyphonie n'est pas limité à la
littérature : « dans le parler courant de tout homme vivant en société, la moitié
au moins des paroles qu'il prononce sont celles d'autrui...3 ».
c) La reprise et l'intégration du discours de l'interlocuteur dans le discours du
locuteur est un cas particulier de polyphonie (appelée « diaphonie » dans la termi
nologie de Roulet). Dans une telle structure, en effet, l'énonciateur ne se contente
pas de réagir, sans la toucher, à une parole présente ou de se référer à des paroles
absentes, il commence par reprendre et réinterpréter dans son propre discours la
parole du destinataire, pour mieux enchaîner sur celle-ci4 .
La présente étude interroge deux ouvrages littéraires russes, qu'on peut qualifier
comme appartenant à la « prose urbaine » soviétique contemporaine, sur la « di
versité et la pluralité des voix » qui s'y manifestent ou qui sont supposées s'y
manifester si l'on en croit les interprétations courantes de cette dite prose.
Un des buts de cet article est donc d'explorer et de vérifier, sur la base de deux
textes concrets, un certain nombre de concepts clés de la science de la littérature
actuelle. En ce sens, il entend contribuer à une histoire critique du bakhtinisme,
qui reste à écrire. C'est à cette histoire qu'est consacrée la première partie de mon
étude : elle entreprend la discussion de quelques interprétations « bakhtinistes »
de la littérature russe soviétique des années soixante et soixante-dix, servant ainsi
1. E. Roulet et al, l'Articulation du discours en français contemporain, Bern, Peter
Lang, 1985.
2. M. Baxtin, Problèmes de la poétique de Dostoïevski, op. cit., p. 10-11.
3. M. , Esthétique et théorie du roman, Paris, Gallimard, 1978, p. 158.
4. E. Roulet et al, op. cit., p. 69-71. DIALOGISME ET POLYPHONIE 565
d'introduction et de cadre de référence à l'analyse textologique de la deuxième
partie.
Celle-ci, à son tour, représente la poursuite d'une recherche consacrée à la
parole d 'autrui dans la littérature et à sa signification à la fois littéraire, historique
et sociologique. Cette recherche a été menée jusqu'à ce jour dans le cadre d'une
conception sociolinguistique1 . En dépassant ici l'analyse à proprement parler
« linguistique » de la parole des personnages et en intégrant à cette analyse les
phénomènes plus généraux de la transmission du discours d'autrui (parole de
l'auteur-narrateur ; parole du personnage ; « dialogue » entre narrateur et person
nage au sein d'un même énoncé, du personnage avec lui-même, etc.) la recherche
se fait « métalinguistique », au sens de Baxtin (Problèmes de la poétique de Dos
toïevski, op. cit., p. 21 1). On peut en effet souscrire à l'affirmation de l'auteur de
Marxisme et philosophie du langage selon laquelle « l'erreur fondamentale des
chercheurs qui se sont penchés sur les formes du discours d'autrui est d'avoir
coupé celui-ci du contexte narratif2 »

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents