Du réalisme et du fromage de Brie - article ; n°1 ; vol.66, pg 79-89
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Description

Actes de la recherche en sciences sociales - Année 1987 - Volume 66 - Numéro 1 - Pages 79-89
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 99
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madame Maria Mimita Lamberti
Du réalisme et du fromage de Brie
In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 66-67, mars 1987. pp. 79-89.
Citer ce document / Cite this document :
Lamberti Maria Mimita. Du réalisme et du fromage de Brie. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 66-67, mars
1987. pp. 79-89.
doi : 10.3406/arss.1987.2361
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1987_num_66_1_2361:
:
Maria Mimita Lamberti
Illustration non autorisée à la diffusion
ET
DE BRIE
de de (Photo 1. Frontispice, la Gustave nature Bibliothèque Courbet, gravé par nationale, du roman Bracquemond de Paris). Champfleury, d'après un Les dessin Amis
fictifs des portraits contemporains ainsi le philo
sophe Proudhon y est appelé Bougon et le peintre
Lavertujeon, qui n'a pas l'air de manger tous les
jours à sa faim, tient plus de François Bonvin que
de Courbet (3). Dans le roman, Lavertujeon est
un peintre de natures mortes qui se préoccupe
naïvement des valeurs picturales et s'en tient
purement au jeu des couleurs et de la composition.
3— On sait que Champfleury se brouilla avec Courbet et
dans l'anecdote peint un peintre du très nez, et peintre Du 2 Michel, Malassis de l'écrivain plus artistique de amoureux 1 — -Champfleury, J. celui, 1860, spécialiste ce Salon roman mal fructueuse le son Rewald, par pamphlet et 1955. anglais réalisme et flamand, où tlistoire connu y de un il qui dont Les des de met n'a Broise, figurait p. Histoire de Parisien. trois jamais Amis avait représentant Les 64. la pour en aujourd'hui critique les trop satirique, de aurait 1859. nature, Le Amis scène membres, un fromages, été de de déjà l'impressionnisme un roman outré La fromage réédité. la l'Impressionnisme, de refusé, historien littéraire, les accepté lecture cachent nature la de imprimé un d'un Nature, (1). aventures résumée épris Champfleury fromage en de on de fromage du de étant le se sous Hollande, Paris, de Champfleury, cite l'art en texte tableau bouchant d'un par (2) réalisme de donné Paris, des Ed. 1859, pourtant que y de original Chester Rewald groupe est le Poulet- noms Brie. pour Albin d'un d'un jury que daté est le et lui reprocha bien des fois d'être soumis à l'influence de
Proudhon et donc de se poser en orateur, en écrivain, en
philosophe, au lieu de donner libre jeu à ses «qualités
naïves extraordinaires de peintre» (lettre du 9 juin 1863,
citée par P. Ten-Doesschate Chu, Gustave Courbet illustra
teur, Les Amis de Gustave Courbet. Bulletin, 66, 1981,
p. 10). L'auteur de cet article propose l'identification de
Lavertujeon à Bonvin et publie le dessin original du frontis
pice, fait par Courbet (aujourd'hui dans une collection
privée de Boston). C'est un portrait de Champfleury, entouré
de quatre natures mortes empruntées à la production
romanesque de Lavertujeon, où «Courbet semble avoir
tenté d'imiter le style des natures mortes de Bonvin» (ibid.,
p. 12). :
:
:
Maria Mimita Lamberti 80
L'histoire des trois fromages
donné pour mission de fourrer après coup des symboles un «Le certain jury de embarras. peinture Un se trouva peintre même anglais, à cette M. Pickersgill, occasion avait dans dans la tête et les oeuvres des peintres.
envoyé un fromage de Chester, très-spirituellement peint, —Bigle trouvait le couteau parfaitement réussi.
qui fut reçu d'emblée. Puis vint un autre tableau d'un —N'est-ce pas, Bigle ? demanda le peintre, qui avait soif
Flamand représentant un fromage de Hollande dans tout d'éloges.
son embonpoint. Quelques esprits distingués firent la remar Bigle était le railleur de la bande.
que que ce sujet n'était peut-être pas de la plus grande —Sais-tu ce que j'ai appris à propos de ton tableau refusé ?
importance ; mais comme il s'agissait de ne pas faire perdre dit Bigle : tu es accusé d'avoir des opinions trop avancées.
à un Hollandais le fruit de ses veilles, l'oeuvre fut admise. —Moi ? dit Lavertujeon.
Tout à coup, le gardien fait passer sous les yeux de la —Oui, cela se voit dans tes oeuvres.
commission une toile d'une vérité tellement saisissante, que —Oh ! s'écria l'innocent Lavertujeon.
les deux précédents tableaux furent éclipsés, et que chacun —Voilà ce qu'on m'a raconté, dit Bigle les membres du
des membres se pinça le nez d'un air de dignité. —Encore un jury ont accepté les fromages de Chester et de Hollande
fromage !— tel fut le cri qui s'échappa de toutes les bouches. parce qu'ils ne renferment rien de séditieux, mais ils ont
Cette fois il s'agissait d'un fromage de Brie paresseusement jugé ton Brie, un tableau démagogique,
étendu sur sa planchette, recouvert d'une croûte jaune — Avais-je raison de dire, reprit le philosophe, que l'idée
mucilagineuse, teintée à divers endroitsde rayures verdâtres avait dû les choquer. C'est un fromage de pauvre ; le couteau,
auxquelles étaient attachés des débris de paille. Un angle avec son manche de corne et sa lame usée, est un couteau
de ce fromage avait été enlevé par un criminel couteau à de prolétaire. On a fait l'observation que tu as une violente
manche noir que le peintre avait reproduit dans sa cruelle affection pour les meubles des pauvres tu es jugé démagog
signification, non loin de l'innocent fromage. —Assez de ue, et tu l'es.
—Je ne suis rien, dit Lavertujeon. fromages ! enlevez ce fromage !— s'écria le jury outragé, qui
continuait à se garantir le nez des émanations de ce produit —Tu es anarchique sans le savoir.
de la Brie ; car il était peint avec tant de vérité, que le fait —Ce sont les plus dangereux, ajouta Bigle.
des oiseaux becquetant les raisins d'Apelles, raconté par les —Si j'y avais pensé plus tôt, dit le peintre, j'aurais mis au
anciens, se trouva confirmé par le pincement de nez de fond un petit bénitier.
toute la commission. —Pourquoi faire ?
L'indignation du peintre fut grande à cette nouvelle : —J'ai acheté dernièrement un petit bénitier en faïence de
il appartenait au cercle des Amis de la Nature et devait Nevers qui sera très-joli à peindre. Il y a un Christ maigre
trouver naturellement des défenseurs en cette circonstance, dont les pieds descendent jusque dans la coquille du bénit
quand l'histoire des trois fromages fut connue dans ses ier... Je le gardais pour un autre tableau ; mais si j'avais
moindres détails. pensé que le bénitier pût faire recevoir mon fromage...
—Hypocrite ! s'écria le philosophe. Tu ne crois pas et tu —Il n'y a pas de raisons, dit le peintre Lavertujeon, pour voudrais faire croire que tu crois. qu'on me sacrifie à M. Pickersgill, dont le Chester est peint —J'aurais peut-être eu la médaille en ajoutant ce bénitier sans aucune réalité, avec une sorte d'eau de groseille. au fromage... Je ne suis pas ambitieux ; une médaille de —Tel que vous le racontez, répondit le philosophe Bougon, seconde classe m'aurait suffi. (...) qui, lui aussi, appartenait au cercle des Amis de la Nature,
ce Chester ne renferme pas de drames. Le lendemain le peintre Lavertujeon s'enfermait
—Ni celui de Van Keuke, reprit Lavertujeon. Son Hollande dans son atelier, et, malgré les conseils du philosophe,
est inutile ; il ne signifie rien ; il est au milieu de la toile s'appliquait à faire entrer de force le bénitier dans le mur,
c'est un fromage bête. en face du fromage de Brie. Tels sont les fruits habituels
—On n'aime pas en France la peinture à idées, continua le des conseils ».
philosophe Bougon. Il y a une idée dans votre tableau,
Lavertujeon, c'est ce qui vous a fait exclure.
—Tout le monde trouvait le Brie d'un ton charmant. Champfleury, Les Amis de la Nature, Paris, Éd. Poulet- —Il ne s'agit pas de tons ici, dit le philosophe, qui s'était Malassis et de Broise, 1859, pp. 17-23.
tandis que le philosophe, aussi bien que le jury, y par rapport aux lois codifiées de la vision artistique,
découvrent de profondes significations sociales et par le choix d'objets propres à déconcerter, dans la
politiques. A Lavertujeon, refusé au Salon pour restitution fidèle de leur pauvreté immédiate, le
son brie, on explique que son tableau a été jugé spectateur et à lui imposer une somme de significa
démagogique en raison de la fidélité avec laquelle tions «sociales» inconcevables dans le champ
il présentait des objets de pauvres, tels que le brie neutre de la contemplation des objets d'art ?
et le couteau au manche de corne ; il sortira de Le cadrage, à c&#

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