Edgar Quinet : conscience de soi et mal du siècle - article ; n°27 ; vol.10, pg 47-58
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Edgar Quinet : conscience de soi et mal du siècle - article ; n°27 ; vol.10, pg 47-58

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Description

Romantisme - Année 1980 - Volume 10 - Numéro 27 - Pages 47-58
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 48
Langue Français

Extrait

M Ceri Crossley
Edgar Quinet : conscience de soi et mal du siècle
In: Romantisme, 1980, n°27. Déviances. pp. 47-58.
Citer ce document / Cite this document :
Crossley Ceri. Edgar Quinet : conscience de soi et mal du siècle. In: Romantisme, 1980, n°27. Déviances. pp. 47-58.
doi : 10.3406/roman.1980.5320
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1980_num_10_27_5320Ceň CROSSLEY
Edgar Quinet : conscience de soi et mal du siècle.
La pensée de Quinet s'articule autour des notions de personnalité
et d'individualité et se fonde sur une conception de l'histoire comme
émancipation progressive du moi. Notre intention est d'approfondir ce
phénomène dans les écrits du jeune Quinet et d'exposer les liens qui
existent entre les problèmes du moi et l'expérience du mal du siècle,
expérience dont Ahasvérus (1833) reste une expression capitale, mais
encore méconnue de nos jours. Notre étude ne prétend pas être exhaust
ive ; elle ne portera guère sur des textes postérieurs à 1842. L'éton
nante richesse de la production de Quinet nous oblige à restreindre ainsi
le champ de nos investigations (1).
Dans les deux essais qui accompagnent sa traduction des Idées de
Herder, parue en trois volumes en 1827-1828, Quinet souligne la fra
gilité, la précarité de toute existence humaine (2). L'individu se trouve
isolé, seul en présence de l'instabilité de toutes choses, jeté dans un
temps, qui est perçu comme une discontinuité. L'histoire n'offre même
pas une apparence de durée : « sa loi est de changer, son essence est de
n'en avoir pas » (3). Grandeur et misère de l'homme. Le seul être capa
ble de jeter un regard en arrière sur le passé se trouve par là contraint de
donner un sens au déroulement historique. C'est là le but de la philoso
phie selon Quinet. L'histoire n'a de sens que dans la mesure où elle est
comprise par rapport à une vérité éternelle dont elle soit l'expression et
le développement. Elle n'est donc pas une succession d'événements
n'ayant entre eux d'autres relations que celles de la causalité scientifi
que ; son sens profond réside dans le développement de la justice, de la
raison et surtout de la liberté. L'histoire est « le spectacle de la liberté,
la protestation du genre humain contre le monde qui l'enchaîne, le
triomphe de l'infini sur le fini, l'affranchissement de l'esprit, le règne
de l'âme » (4).
L'humanité, d'abord écrasée sous le poids de la nature en Orient,
s'émancipe progressivement à travers son histoire. En prenant cons
cience de sa liberté, l'homme devient personnalité et individualité ; la
spontanéité fait place à la réflexion. L'histoire se définit comme « le
travail du moi qui se fait peu à peu, se dégage par degrés de ce qui lui
est étranger, et aspire à se produire sous sa forme la plus libre » (5). 48 Ceň Crossley
II est à remarquer que chez Quinet la force motrice du devenir histo
rique est spirituelle et qu'elle éveille et entretient le sentiment religieux.
L'homme est avant tout un être religieux qui « poursuit l'infini d'une
poursuite éternelle, changeant de temple, de sanctuaire, de société, sans
changer de désir » (6). L'auteur du Génie des religions (1842) ne raille
pas les religions mortes. Elles ont toutes exprimé les rapports existant
à certains moments entre l'homme et le monde. L'histoire des religions,
du panthéisme oriental au christianisme, comporte un mouvement qui
constitue l'émancipation de l'être humain à mesure qu'il s'élève vers
une conception plus haute de l'idée de dieu. Dans l'interprétation de
Quinet le christianisine est lié aux religions antérieures mais cette dé
pendance ne diminue en rien sa signification primordiale dans l'histoire
religieuse de l'humanité. Révélant l'intériorité de la conscience en la
personne du Christ, la religion chrétienne, marqua le début de la parti
cipation véritable de l'homme à la vie de l'esprit. C'est grâce au chris
tianisme que l'homme a « conquis l'infini au prix de l'infinie douleur »
(7). Dans la grande épopée humanitaire qui porte son nom, Ahasvérus,
le Juif errant, devient le symbole de l'humanité moderne, créée par le
christianisme, aspirant à l'infini mais retombant dans le doute et le
désespoir.
Il importe de souligner que l'histoire de la conscience se situe au
centre même de la réflexion philosophique et religieuse de Quinet. Il
considère qu'à l'origine l'homme primitif, ne possédant qu'un « sent
iment confus de son être », ne se distinguait guère du monde extérieur
(8). Ce qui manquait, c'était la conscience de soi. Dans les premières
pages de Prométhee (1838) nous assistons à l'éveil de la conscience,
éveil qui demeure imprégné du sentiment d'union avec l'univers :
« Ce ciel est-ce encor moi ? Cette image qui passe,
Cette ombre, sous mes pieds, qui décline et s'efface,
Est-ce moi ? toujours moi qui partout me poursuis ?
Dans ce nuage errant est-ce moi qui me fuis ?
Moi qui dans l'air répands cette âme matinale ?
Moi, dans ce long soupir que chaque chose exhale ? » (9)
C'est en prenant conscience de soi que l'homme se sépare de la
nature. Mais Quinet ne fait intervenir ni chute ni révélation primitive
pour en fournir l'explication. Ce fut par un acte de sa propre volonté
que l'homme brisa le joug de l'univers. Il voulut en vaincre la résistance
et affirmer sa liberté. La vie de l'humanité est une lutte, mais seule cette
lutte rend possible l'exercice de la liberté morale. En abandonnant l'or
dre et la quiétude de la nature l'homme entre dans l'histoire, où « le
terrain que nous foulons aux pieds est souillé de sang » (10). La liberté
et la conscience s'achètent au prix de la souffrance et de la mort.
Dans ses essais sur Herder, Quinet nous fait part du vide de son
âme, de cet « être isolé, sans appui et sans liens avec le monde » (1 1). Conscience de soi et mal du siècle 49
Comment lutter contre la présence du néant et de la mort dans la vie ?
Pour ce faire l'individu a besoin de se sentir soutenu à la fois par son
propre passé et par tout le passé du genre humain. Le moi individuel ne
peut se poser qu'en se situant dans un devenir dont il est le produit et il
s'ensuit que toute connaissance de soi exige une connaissance de l'his
toire. Mais point n'est besoin ici d'une vaste érudition ; il suffit de des
cendre en soi pour atteindre la vie même de l'histoire :
« Ce n'est plus l'histoire telle que chacun peut la lire dans les ouvrages des
hommes, ou sur les pierres, ou sur le sol ; mais telle qu'elle est réfléchie et écrite
dans le fond de nos âmes, en sorte que celui qui se rendrait véritablement attentif
à ses mouvements intérieurs, retrouverait la série entière des siècles comme ense
velie dans sa pensée » (12).
Quinet accomplit ainsi un mouvement libérateur. Dès cet instant
l'isolement disparaît : « A la vue de cet immense assemblage des siècles
et de peuples divers, je sentis avec joie que je n'étais pas seul dans le
temps ». L'auteur éprouve un véritable sentiment de communion, de
participation à la vie de ses frères : « je vivais en eux comme ils vivent
en moi » (13). Le temps historique s'identifie au temps intérieur et le
vide du moi est comblé :
« A peine a-t-on fait de la loi de l'humanité la loi de son être, que l'on com
mence à vivre de la vie universelle, et à jouir de toute la plénitude du moi. Le cœur
qui ne savait où se reposer, partout repoussé par les choses, a son rôle et son impor
tance dans l'ordre des temps ; et pendant qu'il le remplit, il jouit d'une sympathie
toujours renaissante et qui jamais n'est déçue dans son objet. Si l'heure présente et
ce peu d'objets qui se sont offerts à lui l'ont laissé vide et chancelant, il trouve dans
la pensée des siècles avec qui il est en rapport, de quoi se nourrir et se fortifier »(14)
Expliquer l'histoire, c'est passer du contingent au vrai et ainsi ac
corder à certains faits histori

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