Eléments pour une approche généalogique du code pénal - article ; n°4 ; vol.18, pg 373-396

Y. Cartuyvels

Description

Déviance et société - Année 1994 - Volume 18 - Numéro 4 - Pages 373-396
L'émergence du code moderne peut être située dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. A cette époque, en Prusse (1748), en Bavière (1751), en Russie (1767), en Toscane (1786), en Autriche (1787), en Lombardie (1791) et encore en Prusse (1794), la codification, et plus précisément la codification du droit pénal, constitue une priorité. Avec ces codes pénaux absolutistes, le concept de code connaît une mutation significative. A la consolidation étatique du droit qui se contentait d'une prudente réorganisation de la hiérarchie des sources, succède un idéal «qualitatif» du code qui s'inscrit dans un projet politique et philosophique nouveau fondé sur le monisme légal-étatique et la doctrine du Droit naturel. L'idéal du code-réforme, toujours central dans nos systèmes pénaux en Europe occidentale, était né.
The emergence of the first modern codes took place in the second half of the XVIIIth century in Europe. At that time, Prussia (1748), Bavaria (1751), Russia (1767), Toscania (1786), Austria (1787), Lombardia (1791) and Prussia again (1794), were the countries in Europe wich developped codification, and particularly codification of penal law. With the absolutist penal codes, the concept of code knew a significant alteration. Whereas the consolidation of law was aimed to a prudent reorganisation of the hierarchy of existing sources, the «qualitative» code was part of a new political and philosophical project based on state monism and natural Law. The ideal of «code-reform», still central in our continental systems of penal law, was born.
Die Entschung der ersten modernen Gesetzbiicher fàllt in Europa in die zweite Hâlfte des 18. Jahrhunderts. In dieser Zeit waren es Preussen (1748), Bayera (1751), Russland (1767), die Toskana (1786), Ôsterreich (1787), die Lombardei (1791) und wiederum Preussen (1794), in denen Kodifikationen, ins- besondere Strafgesetzbûcher entwickelt wurden. Mit den absolutischen Gesetz- buchern erfuhr der Begriff des Gesetzbuches eine bedeutsame Verànderung. Auf die Konsolidiening des Rechts, die sich auf eine vorsichtige Reorganisation der Hiérarchie der Quellen beschrânkte, folgte ein «qualitatives» Ideal des Gesetsbuches, das Teil einer neuen philosophischen und politischen Orientierung ist, die sich griindet auf den monistischen Rechtsstaat und die Doktrin des Naturrechts. Das Ideal des «Reford-Gesetzbuches» war entstanden, das noch heute in den kontinentalen Rechtsordnungen zentrale Bedeutung hat.
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: DEVIANCE_ET_SOCIETE
• Publié le: 01 janvier 1994
• Nombre de lectures: 23
• Langue: Français
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Extrait

Y. Cartuyvels
Eléments pour une approche généalogique du code pénal
In: Déviance et société. 1994 - Vol. 18 - N°4. pp. 373-396.
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Cartuyvels Y. Eléments pour une approche généalogique du code pénal. In: Déviance et société. 1994 - Vol. 18 - N°4. pp. 373-
396.
doi : 10.3406/ds.1994.1356
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ds_0378-7931_1994_num_18_4_1356Résumé
L'émergence du code moderne peut être située dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. A cette
époque, en Prusse (1748), en Bavière (1751), en Russie (1767), en Toscane (1786), en Autriche
(1787), en Lombardie (1791) et encore en Prusse (1794), la codification, et plus précisément la
codification du droit pénal, constitue une priorité. Avec ces codes pénaux absolutistes, le concept de
code connaît une mutation significative. A la consolidation étatique du droit qui se contentait d'une
prudente réorganisation de la hiérarchie des sources, succède un idéal «qualitatif» du code qui s'inscrit
dans un projet politique et philosophique nouveau fondé sur le monisme légal-étatique et la doctrine du
Droit naturel. L'idéal du code-réforme, toujours central dans nos systèmes pénaux en Europe
occidentale, était né.
Abstract
The emergence of the first modern codes took place in the second half of the XVIIIth century in Europe.
At that time, Prussia (1748), Bavaria (1751), Russia (1767), Toscania (1786), Austria (1787), Lombardia
(1791) and again (1794), were the countries in Europe wich developped codification, and
particularly codification of penal law. With the absolutist penal codes, the concept of code knew a
significant alteration. Whereas the consolidation of law was aimed to a prudent reorganisation of the
hierarchy of existing sources, the «qualitative» code was part of a new political and philosophical project
based on state monism and natural Law. The ideal of «code-reform», still central in our continental
systems of penal law, was born.
Zusammenfassung
Die Entschung der ersten modernen Gesetzbiicher fàllt in Europa in die zweite Hâlfte des 18.
Jahrhunderts. In dieser Zeit waren es Preussen (1748), Bayera (1751), Russland (1767), die Toskana
(1786), Ôsterreich (1787), die Lombardei (1791) und wiederum Preussen (1794), in denen
Kodifikationen, ins- besondere Strafgesetzbûcher entwickelt wurden. Mit den absolutischen Gesetz-
buchern erfuhr der Begriff des Gesetzbuches eine bedeutsame Verànderung. Auf die Konsolidiening
des Rechts, die sich auf eine vorsichtige Reorganisation der Hiérarchie der Quellen beschrânkte, folgte
ein «qualitatives» Ideal des Gesetsbuches, das Teil einer neuen philosophischen und politischen
Orientierung ist, die sich griindet auf den monistischen Rechtsstaat und die Doktrin des Naturrechts.
Das Ideal des «Reford-Gesetzbuches» war entstanden, das noch heute in den kontinentalen
Rechtsordnungen zentrale Bedeutung hat.Déviance et Société, 1994, Vol. 18, No 4, pp. 373-396
ELEMENTS POUR UNE APPROCHE
GÉNÉALOGIQUE DU CODE PÉNAL
Y. CARTUYVELS*
Introduction
La politique criminelle occupe de nos jours une place privilégiée dans
l'agenda politico-médiatique. On ne compte guère de jours où, sous l'impulsion
d'une autopoièse de discours multiples, le crime et le criminel ne fassent la une
de l'actualité. A cette étrange fascination publique pour ce que Durkheim qualif
iait en son temps de phénomène de sociologie normale (Durkheim, 1973, 64),
répond en écho une interrogation permanente sur des systèmes de politique cr
iminelle lancés à la poursuite d'un phénomène qui leur échappe sans cesse. Que
la problématique de la réforme soit régulièrement à l'ordre de jour n'est dès lors
guère surprenant. Qu'il s'agisse d'actualiser des textes ou des instruments jugés
dépassés, d'accroître la simplicité, la cohérence et l'efficacité instrumentale de la
"-\ politique criminelle, ou encore de marquer symboliquement l'intérêt des autori
tés pour une question sensible dans les opinions publiques1, la réforme pénale est
régulièrement mise en chantier. Ce qui est plus curieux, par contre, à une époque
où la politique criminelle ne se réduit plus au droit pénal ni, a fortiori, au seul
code pénal (Delmas-Marty, 1992), c'est l'association jamais démentie entre
réforme de la politique criminelle et réforme du code pénal. Malgré les évolut
ions, le code pénal reste considéré dans nos pays européens de tradition
romano-germanique comme le «cœur» du droit pénal étatique et le noyau dur
d'une politique criminelle plus large. Cette place, fruit d'un héritage vieux de
plus de deux siècles, semble indépassable lorsqu'il s'agit de réfléchir au devenir
ou à la mutation des politiques criminelles.
La réforme d'un code pénal n'a pourtant rien d'une sinécure2. Or curieuse
ment, malgré son évidente complexité, ni les réformateurs ni les chercheurs ne
semblent s'interroger sur la spécificité et les difficultés propres à une telle entre
prise. Accaparés par le contenu des projets réformateurs, les spécialistes ne
s'intéressent en définitive que de manière marginale à l'instrument codificateur,
Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles.
On évoque à ce propos l'image d'une «réforme en trompe-l'œil» dont l'impact est plus symbol
ique qu'instrumental (Tulkens, 1984, 393).
Si la France a pu, après de longues années, mener à son terme la réforme de son code pénal, la
Belgique par contre attend toujours la concrétisation d'un projet de officiellement mis en
chantier en... 1976!
373 mode particulier de régulation juridique qui constitue l'enveloppe de la ce
réforme.
Cette lacune justifie qu'on s'intéresse au code et au rôle qu'il a pris en droit
pénal3. D'où nous vient le code pénal? Comment, dans quelles circonstances,
avec quelles résistances le modèle codificateur qui gouverne nos systèmes de
politique criminelle s'est-il imposé en droit pénal? Quelle est la nature fonda
mentale d'un instrument tenu pour le pivot de la réaction sociale? Pourquoi
s'est-il taillé une telle place dans la gestion de la sécurité collective ? Comment
expliquer cette focalisation sur le code dès qu'il est question de «réforme»? A
l'heure où certains évoquent un processus de décodification (qui touche, il est
vrai, surtout le droit civil)4, il n'est sans doute pas inutile de s'interroger sur les
fondements d'un modèle de code-réforme toujours dominant en droit pénal.
Loin de vouloir faire une «histoire du code pénal»5, nous avons privilégié une
approche généalogique destinée à repérer les éléments de filiation théoriques et
pratiques, philosophiques et politiques, qui ont généré l'idéal du code pénal
moderne. D'emblée, le projet suppose le respect d'une double exigence méthod
ologique. Une perspective généalogique qui ambitionne de remonter aux
sources du code pénal ne peut d'abord se satisfaire d'un retour aux balises tradi
tionnelles que constituent le code pénal français de 1791 et les travaux de
Lepeletier de Saint-Fargeau d'une part, la pensée d'un Jeremy Bentham d'autre
part. Ces deux repères, généralement présentés comme le point de départ de
l'idéal «qualitatif», «systématique» ou «synthétique» de la codification
moderne, sont en effet largement préparés par un mouvement de
pénale absolutiste qui se déploie dès la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Ce
sont ces premiers codes pénaux réformateurs de l'ère absolutiste qu'il convient
donc d'étudier si l'on veut interroger les premiers jalons du code pénal moderne.
Ensuite, une perspective généalogique centrée sur la naissance du code pénal ne
peut faire l'économie d'une réflexion sur l'évolution de l'idéal de la codification
en tant que tel. L'apparition du code pénal moderne est inextricablement liée à
l'émergence de la codification comme mode spécifique d'organisation et de sys
tématisation de la rationalité juridique. Cela explique l'intérêt particulier porté à