Espaces de vie et violences envers les femmes - article ; n°3 ; vol.20, pg 309-321

Elisabeth Brown, Florence Maillochon

Description

Espace, populations, sociétés - Année 2002 - Volume 20 - Numéro 3 - Pages 309-321
Qu'elles s'exercent dans la vie de couple, au travail ou dans l'espace public, les violences interpersonnelles envers les femmes prises en compte par l'enquête Enveff se décomposent en quatre types : agressions verbales, pressions et harcèlement psychologiques, violences physiques et sexuelles. Leurs fréquences varient fortement avec l'âge des femmes, mais aussi en fonction de caractéristiques sociales, démographiques, économiques qui dépendent elles-mêmes des lieux de vie, en particulier de la taille des agglomérations. Cependant, des effets propres de l'habitat et du mode de vie qu'il implique se font jour, à travers l'organisation spatiale et l'importance des déplacements, la nature et la densité des réseaux relationnels. Si la fréquence des violences conjugales est assez constante dans l'espace, tous les types d'agressions au travail et plus encore les atteintes verbales et sexuelles qui se produisent dans l'espace public augmentent généralement avec la taille des communes de résidence.
Violence against Women, Place and Social Space.
The ENVEFF survey results enable us to distinguish four types of interpersonal violence against women, wherever this violence occurs, be it in the couple, at work or in public space. These types are: insults, emotional abuse or psychological violence, physical abuse and sexual abuse. Their rates vary considerably according to age of women, but also to demographic, social or economic characteristics which, in turn, vary according to the place of residence and, above all, to the size of the agglomeration. Nevertheless, there are particular effects of the type of place and of lifestyles typical in such places, linked to spatial organisation, types of daily mobility and the nature and density of relationship networks. If the frequency of intimate partner violence is fairly constant whatever the agglomeration size, all types of abuse at work, and, in particular, physical and sexual assaults or abuse in public space generally increase as agglomeration size increases.
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: ESPACE-_POPULATIONS-_SOCIETES
• Publié le: 01 janvier 2002
• Nombre de lectures: 107
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Elisabeth Brown
Florence Maillochon
Espaces de vie et violences envers les femmes
In: Espace, populations, sociétés, 2002-3. Questions de genre. pp. 309-321.
Résumé
Qu'elles s'exercent dans la vie de couple, au travail ou dans l'espace public, les violences interpersonnelles envers les femmes
prises en compte par l'enquête Enveff se décomposent en quatre types : agressions verbales, pressions et harcèlement
psychologiques, violences physiques et sexuelles. Leurs fréquences varient fortement avec l'âge des femmes, mais aussi en
fonction de caractéristiques sociales, démographiques, économiques qui dépendent elles-mêmes des lieux de vie, en particulier
de la taille des agglomérations. Cependant, des effets propres de l'habitat et du mode de vie qu'il implique se font jour, à travers
l'organisation spatiale et l'importance des déplacements, la nature et la densité des réseaux relationnels. Si la fréquence des
violences conjugales est assez constante dans l'espace, tous les types d'agressions au travail et plus encore les atteintes
verbales et sexuelles qui se produisent dans l'espace public augmentent généralement avec la taille des communes de
résidence.
Abstract
Violence against Women, Place and Social Space.
The ENVEFF survey results enable us to distinguish four types of interpersonal violence against women, wherever this violence
occurs, be it in the couple, at work or in public space. These types are: insults, emotional abuse or psychological violence,
physical abuse and sexual abuse. Their rates vary considerably according to age of women, but also to demographic, social or
economic characteristics which, in turn, vary according to the place of residence and, above all, to the size of the agglomeration.
Nevertheless, there are particular effects of the type of place and of lifestyles typical in such places, linked to spatial organisation,
types of daily mobility and the nature and density of relationship networks. If the frequency of intimate partner violence is fairly
constant whatever the agglomeration size, all types of abuse at work, and, in particular, physical and sexual assaults or abuse in
public space generally increase as agglomeration size increases.
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Brown Elisabeth, Maillochon Florence. Espaces de vie et violences envers les femmes. In: Espace, populations, sociétés, 2002-
3. Questions de genre. pp. 309-321.
doi : 10.3406/espos.2002.2042
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/espos_0755-7809_2002_num_20_3_2042S( )(!!■; AÏÏONS.
Elizabeth BROWN Institut de démographie, Université Paris I Panthéon-
Sorbonne (Idup)
90, rue de Tolbiac
75013 Paris
ebrown@univ-paris 1 .fr
Florence MAILLOCHON Laboratoire d'analyse secondaire et des méthodes
appliquées à la sociologie (CNRS)
IRESCO
59, rue Pouchet
75017 Paris
[e-mail]
Espaces de vie et violences
envers les femmes
sociales et familiales, de l'usage de l'espa
La contre enjeu prévention de toutes démocratie ses de manifestations la pour violence les instances et sont la polilutte un ce... peuvent impliquer des degrés d'expos
ition plus ou moins élevés aux différents
tiques, sociales ou juridiques à tous les types de violence.
niveaux de l'administration d'un État. Si le Il s'agit d'interroger ce qui se cache sous la
législateur a un rôle primordial, il s'adresse formule toute faite de « violences urbai
à la totalité d'un pays ou parfois à des nes », relayée par les discours politiques qui
groupes sociaux-économiques ciblés, mais se développent sur fond de hausse de pro
sans distinction de lieu. Cependant, pour blème d'insécurité et d'évaluer ce qu'elle
être efficace, son action doit être relayée par recouvre dans le cas spécifique des femmes.
la mise en place ou le renforcement de dis En liant de façon quasi nécessaire violences
positifs d'application de la loi adaptés aux et villes, cette formule n'aborde qu'un
conditions d'existence particulières de aspect de la question et risque sinon d'exa
populations locales hétérogènes ; les institu gérer la tension des espaces urbains, du
tions ont ainsi besoin de connaître les moins de développer l'utopie de zones
formes spécifiques à leur champ d'action rurales paisibles et sans tensions. Elle repo
des phénomènes qu'elles doivent traiter. Cet se implicitement sur l'hypothèse d'une
article se propose d'analyser, à partir des forme de déterminisme géographique,
résultats de l'enquête nationale sur les vio comme s'il existait des « sols » plus ou
lences envers les femmes en France (Enveff, moins criminogènes et comme si l'essence
encadré 1), les variations de la nature et de de la ville était précisément de favoriser les
la fréquence des violences faites aux délits ou de conduire au crime. Or si les sta
femmes en fonction de la taille des agglo tistiques judiciaires montrent bien un
mérations où elles vivent ; en effet, des accroissement du volume général des crimes
modes de vie diversifiés, du point de vue de et délits dans certaines grandes villes (il
n'existe pas de statistiques nationales sui- l'activité professionnelle, des relations 310
vant la taille de l'agglomération), de me, racisme...). Exercées à rencontre des
récentes études de victimation apportent femmes, les violences interpersonnelles
quelques correctifs à cette tendance général interviennent souvent dans la relation conju
e en comptabilisant non seulement des vio gale ou prennent la forme d'atteintes
lences qui échappent au contrôle administrat sexuelles : elles relèvent aussi davantage
if, mais aussi en incorporant d'autres que les violences institutionnelles ou poli
formes d'infractions suivant la taille de l'a tiques du sexisme traditionnel, en quelque
gglomération (Crenner 1996, 1999). Il appar sorte « ambiant » et par là même trop fr
aît au moins nécessaire de distinguer entre équemment considéré comme inéluctable.
Pour mesurer ces formes de violence, comagressions et prédations, les unes constituant
un problème urbain par excellence, touchant ment les définir ? Si les actes délictueux ou
principalement les communes de plus de criminels stigmatisés par la loi constituent
20 000 habitants quand les autres concernent indubitablement une violence, ils sont loin
surtout les villes de plus de 100 000 habi d'être tous dénoncés et recensés par la sta
tants, les premières concernant les comtistique institutionnelle ; c'est en particulier
munes pauvres, les secondes les communes le cas du harcèlement par un supérieur hié
plus riches (Robert et al., 1999). rarchique au travail ou du viol conjugal. De
plus, une multitude d'actes et de faits en Pour comprendre les modes de répartition
apparence anodins peuvent, par leur combigéographique des violences, cet article pro
naison et leur répétition, engendrer de véripose, en premier lieu, d'affiner leur descript
tables situations de violence portant un lourd ion, notamment dans le champ des vio
préjudice à l'intégrité morale, voire phylences interpersonnelles, jusqu'alors moins
sique, des personnes visées. L'enquête bien connues et moins souvent dénoncées
Enveff s'est fondée sur ces deux postulats que la violence sociale engendrée par les
pour repérer, dans chaque sphère de vie des inégalités, la violence institutionnelle (en
femmes, des faits précis. prison, à l'école, au travail...), ou encore la
violence politique (guerres, actes de
Encadré 1 : l'Enquête nationale sur les violences
envers les femmes en France (Enveff)
L'enquête Enveff, commanditée par le Service des droits des femmes et le Secrétariat d'État aux
droits des femmes, est la première enquête statistique nationale réalisée en France sur ce thème.
Coordonnée par l' Institut de démographie de l'université Paris I (Idup), elle est réalisée, par une
équipe pluridisciplinaire de chercheurs1 appartenant aux institutions publiques de recherche.
La collecte des données a été menée de mars à juillet 2000, auprès d'un échantillon représentatif de
6970 femmes âgées de 20 à 59 ans et résidant, hors institution, en métropole. Elle a été effectuée par
téléphone, selon la méthode cati (collecte assistée par téléphone et informatique). Les procédures
d'appel des enquêtées et la gestion des fichiers de numéros de t