Ethnologie des sciences et logiques de la science - article ; n°119 ; vol.31, pg 81-111
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Description

L'Homme - Année 1991 - Volume 31 - Numéro 119 - Pages 81-111
31 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 9
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Georges Guille-Escuret
Ethnologie des sciences et logiques de la science
In: L'Homme, 1991, tome 31 n°119. pp. 81-111.
Citer ce document / Cite this document :
Guille-Escuret Georges. Ethnologie des sciences et logiques de la science. In: L'Homme, 1991, tome 31 n°119. pp. 81-111.
doi : 10.3406/hom.1991.369404
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1991_num_31_119_369404Georges Guille-Escuret
Ethnologie des sciences et logiques de la science
logique science de préjugés devrait non Georges l'anthropologie leurs — unir formelle en apparaît travaux. Guille-Escuret, anthropologiquement relativisant l'épistémologie, a comme Le récemment sociale. concept la notion la Ethnologie Mais condition la de conquis logique discutables. « de cette cadre vérité un de influence et des de poids l'anthropologie cette et sciences référence Cet tente considérable réflexion article est d'éclairer elle-même et » réfute logiques des sociale « dans triangulaire savoirs la l'évidence largement solidarité dans l'inspiration de — la une scientifiques science. ». unitaire tributaire part négligée théorique cruciale — de qui La ou de la
// est plus difficile de détruire un préjugé qu'un
atome, (vision centrifuge).
Ce qu'il y a d'incompréhensible, c'est que le monde
soit compréhensible, (vision centripète).
Albert Einstein
L'engouement récent des sciences humaines françaises pour la logique for
melle ne passe pas tout à fait inaperçu hors de nos frontières et les applaudisse
ments qui le saluent laissent transparaître une ironie aisément compréhensible.
En 1972, un maître eminent, Willard Quine s'étonnait à juste titre, que ses célè
bres Méthodes de logique aient été publiées en huit langues avant de devenir son
premier livre édité en français : aujourd'hui son nom figure en bonne place dans
les bibliographies les plus diverses avec ceux de Strawson, Austin ou Searle, sans
oublier les désormais inévitables Wittgenstein et Carnap. Le plus surprenant est
que cette séduction s'exerce non seulement sur la psychologie et l'épistémologie,
mais aussi sur l'anthropologie sociale par le biais d'une « anthropologie cognit
ive » au statut plutôt flou. Il s'ensuit une bizarre contradiction : alors que l'eth
nologie française continue à s'affirmer, dans la lignée de Durkheim et de Mauss,
comme le plus sûr bastion contre les ambitions renouvelées (ou simplement répé
tées) du fonctionnalisme, voilà que d'un autre côté cette forteresse s'ouvre, sans
souci apparent, à un type de réflexion qui se signale fondamentalement par un
réductionnisme extrême.
L'Homme 119, juillet-septembre 1991, XXXI (3), pp. 81-111. 82 GEORGES GUILLE-ESCURET
La conjoncture actuelle est assez favorable à une telle remise en question.
L'habituelle critique des théories continuistes et unificatrices est affaiblie : il
est indéniable que l'influence du marxisme — le pôle le plus vigilant de cette
opposition — dans les sciences sociales accuse une nette régression en cette décenn
ie, même si le tapage avec lequel certains se dépêchent de lui administrer les
derniers sacrements ne laisse pas d'être fort suspect. Du coup, la recherche dépen
dant de l'autre paradigme majeur de l'anthropologie sociale française, le struc
turalisme, est plus libre de tester de nouvelles voies de développement. La proxi
mité entre la logique formelle et les structuralismes linguistique et ethnologique
est assez patente pour que ce chemin soit exploré en priorité. Bref, dans le
duel permanent qu'Heraclite et Parménide se livrent sous divers masques à l'inté
rieur de notre discipline (Jamard 1988), c'est le second qui, pour le moment,
semble avoir l'avantage.
Le projet latent n'est guère difficile à deviner. Pour que l'inspiration struc
turaliste puisse régir convenablement l'anthropologie sociale, elle doit faire en
sorte que la méthode dont elle se réclame couvre sans failles l'ensemble du
domaine à gérer. Or, sur ce plan, la caractéristique du structuralisme « res
treint » de Claude Lévi-Strauss1 est précisément de garantir sa scientificité en
s'élaborant en fonction de champs d'application nettement délimités : la parenté
élémentaire et semi-complexe, puis le mythe. A cet égard, la prudence résolue
avec laquelle on a essayé d'étendre l'analyse de Lévi-Strauss à la parenté complexe
contraste clairement avec l'audace obligatoire de visées plus lointaines et moins
contrôlables : dans le premier cas de figure, le structuralisme restreint cherche
en effet à étendre progressivement son champ d'application en restant sous la
dépendance des affirmations qui y ont été établies, alors que la seconde quête
espère bondir dans un champ d'application plus vaste, s'établissant autour du
champ premier. L'élaboration d'un structuralisme généralisé dont l'ambition
serait d'atteindre une rigueur égale à celle du corps théorique restreint est alors
soumise à cette alternative : coopérer avec une autre problématique sans forcé
ment préjuger d'une union future des deux approches au sein d'une conception
synthétique (telles les tentatives désignées péjorativement sous le nom de
« structuralo-marxisme »), ou bien se reconnaître dans le lointain miroir d'une
problématique plus large, laquelle légitimerait — et, par suite, contrôlerait fata
lement — son expression particulière en ethnologie. Même s'il s'avérait qu'aucun
auteur n'a l'audace de s'inscrire officiellement dans cette dernière option, la
vogue qu'a connue la théorie des catastrophes dans notre discipline, les évoca
tions de plus en plus insistantes et fréquentes au sein de celle-ci de la théorie
des graphes et de la topologie, le succès rencontré par les discussions sur les
« intelligences artificielles », ou encore les propositions visionnaires de Dan
Sperber (1987) sur la manière de lier « les sciences cognitives, les sciences socia
les et le matérialisme » suffiraient, par leur seule conjonction, à montrer qu'on
ne se perd pas ici dans des présomptions illusoires2.
L'ambition n'est d'ailleurs pas critiquable a priori du point de vue de l'ethno
logie structuraliste de Lévi-Strauss dont Jean-Luc Jamard (1988 : 35-38) a Ethnologie des sciences 83
récemment rappelé l'ancrage psychologique, la volonté délibérée d'unifier des
perspectives scientifiques artificiellement disjointes, ainsi que la présomption
d'homologies structurales entre ce qu'un disciple d'Edgar Morin estampillerait
sans doute comme les choses de l'esprit et l'esprit des choses. Comment ne
se poserait-on pas alors la question d'une solidarité profonde entre les prin
cipes du structuralisme et ceux du Cercle de Vienne où, derrière Wittgenstein,
on postulait sans complexe l'isomorphisme de la pensée, du langage et du monde
{cf. Malherbe 1981 : 70) ? Bref, au contraire de sa forme restreinte, le structu
ralisme généralisé, à moyen terme, est pratiquement obligé de se présenter sur
le terrain logique proposé autrefois par Siegfried Nadel (1970) et Edmund Leach
(1968), quitte à y tracer d'autres pistes.
On ne peut attaquer le structuralisme sous sa forme généralisée au nom de
la légitimité scientifique de Lévi-Strauss. Soit. Mais contredire les prévisions que
celui-ci aurait pu énoncer sur la voie à suivre, cela doit-il revenir à dénier toute
scientificité à son œuvre ? Ce serait confondre deux cibles bien différentes : comme
le dit Patrick Tort (1983 : 320), « ce qui, dans le texte du savant, parle de l'ave
nir de la science, est toujours autre chose que le discours de la science », et cette
remarque vaut pour les sciences contestées autant que pour les autres. La portée
philosophique de l'œuvre de l'ethnologue et son travail ethnologique proprement
dit, qu'on l'admette ou non, ne sauraient être rationnellement amalgamés dans
sa discipline. Le logicien Alfred Tarski (1972 : 173) nous offre de son point de
vue une autre formulation de cette règle : « Chaque fois que nous étudions le
langage d'une science deductive formalisée, nous devons distinguer nettement
le dont nous parlons du langage que nous parlons, la science, objet de
l'étude, de

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