Géographie et réalité - article ; n°1 ; vol.3, pg 25-33
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1948 - Volume 3 - Numéro 1 - Pages 25-33
9 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1948
Nombre de lectures 14
Langue Français

Extrait

Charles Morazé
Géographie et réalité
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 3e année, N. 1, 1948. pp. 25-33.
Citer ce document / Cite this document :
Morazé Charles. Géographie et réalité. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 3e année, N. 1, 1948. pp. 25-33.
doi : 10.3406/ahess.1948.1594
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1948_num_3_1_1594.
GÉOGRAPHIE ET RÉALITÉ
i
Quel plaisir d'avoir enfin le premier tome du travail tant attendu
d 'Albert Demangeon, La France économique et humaine1. Depuis dix ans
nous l'escomptions, et c'est comme un rajeunissement de retrouver le
bon maître.
Le voici qui revit : voici les phrases courtes, d'une simplicité un peu
terne et souvent étonnée. Elles évoquent le regard curieux, dans ce visage
broussailleux, de ce grand obstiné classeur de fiches. Tous ses élèves ont
gardé de ses cours le souvenir d'une prudence systématique,- dans • les
revues de faits. Or voici, dès la page i de l'ouvrage, cette prudence carac
téristique de Demangeon : « La nature a des exignces si élémentaires,
écrit-il, que nous sommes souvent enclins à les oublier. » Et encore, voici
noire auteur conduit à une enumeration minutieuse. Car il veut tout
mettre dans ce livre. C'est une somme, c'est le de omni re scibili ; ce sont
vingt années de cours remis en ordre et présentés dans le cadre bien
connu de la Géographie Universelle.
Nous approchons du terme de ce grand effort collectif des élèves de
Vidal de ,1a Blache pour présenter le monde, et il nous faut savoir gré à
l'éditeur d'avoir su garder jusqu'au bout la présentation traditionnelle de
sa collection : le papier, la typographie sont irréprochables, de ce class
icisme sans fantaisie, mais fort digne, dont s'est habillée déjà la pen
sée d'un Sion, d'un Baulig, d'un Zimmermann, etc.. Ajoutons que nous
retrouvons ici la richesse de cartes en couleurs, de photographies qui,
sans rien révolutionner, fait honneur à l'édition française.
* Cette richesse de présentation, ajoutée à cette richesse d'information
minutieuse que nous signalions d'abord... C'est un beau livre. — Est-ce
un grand livre ? Nous hésitons à nous prononcer, bien que lié par une
vieille tendresse de sentiment à la mémoire de Demangeon.
Certes, pas un pouce de territoire qui n'ait été regardé, qui n'ait ins
piré à l'auteur quelque fiche... Mais Demangeon ne s'élève pas volontiers
au-dessus d'une vue de village. a le sens de la terre, il s'y
colle et y avance, d'un pas pesant de paysan vosgien ; il n'est pas poète.
Il se hasarde bien, de ci de là, à traiter le charbon de « pierre précieuse »
de l'industrie. Mais le plus souvent, dès qu'une formule lui paraît- sortir
i. Géographie Universelle, tome VI, deuxième partie, Ier volume, i66 ' p.
' 1170 cartes et fig., i33 photographies, 1 carte en couleurs h. t., Lib. in-8°,
A. Colin. ,
26 ANNALES
de l'élémentaire constatation, il se hâte de l'entourer de guillemets et
d'en faire porter toute la responsabilité à des auteurs spécialistes en mat
ière de goût (É. Mâle, par exemple) ou inconnus et dont la réputation,
par suite, ne risque rien. Demangeon ne se hasarde à prendre à son
compte ni que « la vie des Alpes du Midi s'est écoulée avec la terre qu'en
traînaient les torrents », ni que « les princes de l'Europe se sont évertués
à imiter le château de Versailles » (L. Réau).1
Chacun sa spécialité, et la1 spécialité de Demangeon est de mesurer
les attaches de l'homme avec son sol. Il peut arriver pourtant qu'à force ,
de prudence et par excès de bon sens, de prose et de bonhomie, on tombe
parfois dans d'étranges erreurs. Comment peut-on bâtir un chapitre sur
les rapports de l'économie et de la population avec l'idée que la dénatal
ité oblige le pays à chercher des débouchés extérieurs ?
La conséquence de cet état d'esprit minutieux et craintif est de ren
dre inopérante et à peu près inutilisable toute la première partie du pré
sent livre intitulée : « La France dans l'Europe et le monde. »
Sans doute, tous les propos de rigueur sur la France, terre de contact;
ou l'esprit d'épargne, qualité française, y sont classés en bon ordre. On
déplore la dépopulation rurale, on constate que la France a devancé l'Eu
rope sur la voie de la dénatalité, etc.. Tout cela n'est pas profondément
senti. Ces problèmes, Demangeon ne les aperçoit pas d'une seule vue, de
cette vue d'ensemble qui est d'abord nécessaire pour donner l'intell
igence des phénomènes composants. En juxtaposant de bonnes idées de
Vidal de la Blache aux lieux communs de nos publications statistiques,
on peut noircir des pages, non expliquer un problème.
En outre, si l'on n'avait affaire à un ouvrage posthume qui n'a pu
subir la dernière mise au point de son auteur, comment ne s'étonnerait-
on pas de voir commencer cet ouvrage par l'étude du commerce extérieur,
de l'empire colonial et des routes de l'air ! Tout cela en trente pages,
au début d'une série de deux volumes dont le premier seul en compte
quatre cent cinquante ! Peut-être y reviendrons-nous dans le second vo
lume, ? Mais alors, à quoi bon cette avalanche de chiffres peu commentés,
mal présentés ? A quoi bon ces quatre pages d'histoire coloniale qui n'éclai
rent rien et ne sont éclairées par rien dans le reste du livre ? Comment
aborder les problèmes de la balance commerciale sans même mentionner
la balance des comptes1 et comment s'y lancer sans avoir rien traité en
core de l'activité française ?
Il n'y a pas de doute : Demangeon n'a évidemment pas pu mettre
lui-même la dernière main à son travail ; l 'eût-il vu en son état dernier
qu'il eût senti ce qu'il y a d'artificiel à rapprocher dans une même partie
les constatations classiques sur les contacts (ce que Vidal écrivit de mieux
dans son Tableau) et la répartition du commerce extérieur. Écoutez l'ar
tifice qui relie le problème des frontières à celui de commerce : « Aux
frontières de la France, — ainsi débute le chapitre III, — soit du côté
de la mer, soit du côté de la terre, aboutissent les routes qui la relient
au reste du monde. »
Détail ! dira-t-on. Mais l'intégration de la France dans le monde est
tout de même notre, principal problème national. Problème de notre civi
lisation, comme on dit, de notre empire, de notre richesse, de nourr
iture même. Albert Demangeon non seulement n'apporte pas de.
i. Et malheureusement les trois lignes du haut de la page /19 nous ôtent
tout espoir de voir traiter le problème dans le second volume. ET REALITE 27 GEOGRAPHIE
solution à ce problème, non seulement il ne le pose pas, mais même il
indique une méthode, préconise de la hauteur de sa réputation une mé
thode qui nous conduira, qui conduira ses élèves, ses lecteurs, aux pires
malentendus, aux pires erreurs. Voilà pourquoi il nous paraît nécessaire,
quelque respect que nous ayons pour la- mémoire d'un grand maître, de
condamner cette méthode.
Pourquoi donc cette première partie, si manifestement indigne de
lui ? Peut-être Demangeon, qui ne se préoccupait guère des problèmes
d'ensemble, jugeait-ilces pages bien suffisantes à son propos : il s'en dé
barrassait d'un coup. Peut-être aussi voulait-il suivre l'exemple de Vidal.
Mais le Tableau est une présentation de la France physique, c'est une in
troduction à l'histoire de la France (le tome suivant le sien, dans la collec
tion Lavisse, traite de préhistoire), ce n'est pas une présentation de la
France économique au xxe siècle. Gomment ne pas sentir que, du chapit
re Ier au chapitre III de sa première partie, Demangeon a roulé de l'i
ntroduction à la conclusion ?
Détail encore ? Non. C'est l'indice, c'est la preuve d'une méconnaiss
ance, à nos yeux essentielle. Demangeon et la plupart des géographes,
dits humains ou économiques, négligent ce qui fait l'unité fondamentale
des problèmes &

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